Des lectures pour tromper l'obscurité...
Des lectures pour tromper l'obscurité...
#RL2016 : 560 romans à paraitre, nos #Explolecteurs vont en dévorer 50, venez les découvrir ici !
Cette semaine, suivez David Meulemans, fondateur des éditions Aux forges de Vulcain, et Lisa Liautaud, éditrice du domaine français des éditions Plon.
J'ai découvert l'existence de ce livre via France inter en écoutant La bande originale. L'enthousiasme était tel, tout le monde disait que c'était super drôle… Je n'ai pas été déçue !! Merci la radio !!!
Samuel Benchetrit raconte son adolescence avec ses potes, par bribes, au gré des étages de sa tour.
Alors, c'est vraiment sympa ces petites tranches de vie dans cette cité. Ça m'a fait penser à un mélange entre Le petit Nicolas version zone et Ricky banlieue de Frank Margerin, aussi drôle et percutant. Des histoires d'adolescents à l'esprit assez pragmatique au milieu du monde des adultes parfois un peu déjantés. Et par moment des remarques tellement percutantes que le fou rire arrive sans prévenir d'autant que tout est extrêmement visuel.
Un peu délinquants pour certains, leurs magouilles animent la cité pour le plus grand plaisir du lecteur. C'est une espèce de récréation pleine de saveur. Des moments de deal ou de défonce, m'ont tiré des éclats de rire, mais aussi des dialogues entre potes, comme par exemple avec Doudou…
Et puis des chapitres d'une infinie douceur comme dans 6ème étage. Une véritable déclaration d'amour… de Samuel Benchetrit à ses parents, à ses amis, à ses jeunes années.
Mais aussi des moments violents. Et l'amitié. Et les filles. Une cité quoi… L'adolescence en fait.
C’est le soir, Jeanne ferme son magasin « Maman ». Elle vend des vêtements pour femmes enceintes. Elle attend son taxi, seule. Il fait nuit. C’est bientôt Noël. Un jeune homme passe, puis repasse, la regarde, repart, revient. Il finit par lui demander « C’est combien ? ». Elle ne comprend pas sa question. Et pour cause il vient de la prendre pour une prostituée. Une femme avec un manteau de fourrure, le soir, seule sur le trottoir… Il a cru… Mais non. Une discussion commence entre eux en attendant que le taxi arrive.
Ce jeune homme a été abandonné à la naissance, a vécu en foyer, n’a pas de famille. Il est en recherche d’emploi et vit à l’hôtel près du magasin de Jeanne.
Puis son taxi arrive et elle rentre chez elle. Jeanne dîne avec son mari, Bernard. Il voit bien que quelque chose n’est pas comme d’habitude ce soir-là. Il l’interroge et elle finit par lui raconter le quiproquo entre le jeune homme et elle.
« L’homme : Comment il a pu te prendre pour une pute ?
La femme : Peut-être mon manteau.
L’homme : Quel manteau ?
La femme : Celui en fourrure, que j’avais acheté aux Galeries.
L’homme : Ah ça je te l’avais dit… il fait pute ce manteau !
La femme : Mais il tient chaud !
L’homme : T’as qu’à mettre une doudoune, bien épaisse, demain je t’emmène chez Decathlon ! »
Cette pièce de théâtre parle aussi d’un couple, Jeanne et Bernard. Ils ont perdu un enfant avant sa naissance. Depuis il y a comme un manque qui s’est installé.
Alors que le jeune homme est orphelin, une idée un peu folle germe dans la tête de Jeanne. Je vous laisse découvrir la suite en lisant cette pièce ou mieux encore, en allant la voir au théâtre. J’imagine très bien certains passages. Il y a des scènes touchantes, mais c’est surtout drôle, et bourré de tendresse.
Pour les Parisiens, c’est au théâtre Edouard VII jusqu’au 31/12/21 avec Vanessa Paradis, Eric Elmosnino et Félix Moati.
Ce n'est pas une histoire incroyable mais celle d'un écrivain peu inspiré.
Une histoire légère, loufoque, bienveillante, tendre et parfois drôle mais sans plus.
Le cœur en dehors. Cette expression, titre du roman, résume le conseil que donne M. Roland à Charly (page 234), conseil si sage qu’il est encore repris en en quatrième de couverture. « Tu sais, Charly, il faut aimer… Il faut aimer dans la vie, beaucoup. […] Il n’y a pas assez de cœur en dehors. » Et M. Roland de poursuivre sa dissertation sur le bonheur, la résistance, la résilience (mot qu’il n’emploie pas : on est en banlieue tout d même, il ne faut pas pousser !) bref un discours sur ce qui est juste et bon pour l’Homme et le gamin de 10 ans que Charly est toujours même s’il vient brutalement de passer à l’âge adulte en ce jour où sa mère est interceptée par les gendarmes.
Pour situer le récit, sans le plomber, sachez que sa mère élève seul son fils Charly qui lui croise, de temps à autre, son frère aîné sous l’emprise de la drogue. Les maigres moyens de subsistance de cette mère sans papier, elle les doit à ce bon M. Roland chez qui elle est femme d’ouvrage… au noir !
Face à cette situation, somme toute assez banale, Samuel Bencherit nous invente un personnage de pure fiction. Il n’a que dix ans, est autonome face à l’adversité de la Banlieue. Il se construit un monde où on ne lit que ce qu’on peut voler, où on tutoie Picasso dans les musés, on aime lire Rimbaud et voler ses bouquins à la bibliothèque et on se tracasse pour le destin de Gaspard Hauser, copain enfant sauvage dont on a discuté en revisitant Verlaine et l’œuvre de François Truffaut.
Pas sûr qu’on puisse trouver un tel enfant dans nos banlieues ? Dès lors, pourra-t-on croire à cette vie de cité ? Croire à ce Titi campé sur ses deux guibolles et ses certitudes d’enfant et qui s’en sert pour courir, échapper aux flics, aux commerçants qu’il déleste de quelques bénéfices chapardés à l’étalage ? Pourra-t-on se satisfaire de ce décor qui sert d’écrin à la mise en avant de l’insouciance anxieuse de l’enfant, de sa peur et du vide fanfaronnés par ces dix ans qui viennent de prendre un coup de vieux ? C’est aux lecteurs d’en décider.
Le phrasé, plutôt que l’écriture, écorche les règles minimales des convenances grammaticales de notre français. Mais il sonne juste dans le contexte. L’explosivité de Charly dans ce qu’il dit, ce qu’il pense, les sauts de puces qu’il pratique tous azimuts et les enchaînements illogiques de ses pensées trépidantes offrent de vrais feux d’artifices éphémères aux ressentis que le lecteur peut vivre. C’est parfois un peu chaotique, jamais déplaisant.
Samuel Bencherit est aussi auteur de théâtre. Il enferme ici, quasi en une unité de ton, de temps et d’espace, un personnage dont il veut souligner la fraîcheur, l’innocence et le besoin de tendresse. Si on accepte les codes du genre, on peut être conquis et passer un bon moment avec Charly. Si on se montre trop pointilleux sur la vraisemblance et l’âpreté de la vie dans les cités, on restera probablement sur sa faim. A chacun de choisir ce qu’il est apte à recevoir.
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