En ce moment, tout le monde lit, y compris les explorateurs de la rentrée sur lecteurs.com. Pendant que les auteurs attendent fiévreusement le démarrage de la rentrée à partir du 18 août, les éditeurs, eux… Mais au fait, que font les éditeurs cet été et surtout, qu’a représenté la préparation de cette rentrée littéraire pour leur maison ?
On vous propose de suivre les coulisses estivales de quelques maisons d’éditions, toutes différentes, jamais pareilles.
Cette semaine, David Meulemans, fondateur des éditions Aux forges de Vulcain, et Lisa Liautaud, éditrice du domaine français des éditions Plon.
La petite maison : David Meulemans, fondateur des éditions Aux forges de Vulcain
Sur le site internet de cette maison fondée en 2007, on trouve l’explication et la matrice éditoriale qui préfigure chacune de ses publications : « Selon la légende, Vulcain a forgé le bouclier de Mars, le trident de Neptune, le char d’Apollon. Dans l’assemblée des dieux, il n’est certes ni le plus fort, ni le plus beau ; mais parce qu’il a donné aux autres le moyen de leur puissance, il est le plus nécessaire. »
La rentrée littéraire démarre fin août pour le lecteur, mais quand a-t-elle commencé pour vous ?
Pour moi la rentrée a commencé en avril, et même plus tôt parce que cela fait deux ans qu’on a décidé de publier le texte de Gilles Marchand , Une bouche dans personne qui sort le 25 août, et qu’on cherchait une fenêtre d’opportunité pour le faire. On a travaillé le texte en novembre dernier jusqu’en mars, où l’on a obtenu le texte définitif. Ensuite, nous avons imprimé des épreuves, un volume qui ressemble au livre final mais qui n’est pas encore un objet commercial, avec de petites modifications qui peuvent encore intervenir. On a par exemple ainsi interverti les chapitres 1 et 2 entre les premières et deuxièmes épreuves. 500 exemplaires ont été remis entre les mains des libraires.
La difficulté d’un petit éditeur c’est qu’il n’arrive pas avec une marque. Il faut du temps pour en établir une. La rentrée littéraire impose une situation de concurrence terrifiante, avec pléthore de publications et un espace, celui de la librairie, qui n’est pas extensible. Je pars du principe qu’il nous faut simplifier la vie du libraire : savoir résumer le roman, soigner la couverture, assurer des normes de qualité pour un livre que les clients de la librairie auront envie de lire : le but est de faire comprendre au libraire qu’il ne perdra ni son temps ni ses mètres linéaires avec notre production parce qu’elle intéressera le lecteur. Et puis le catalogue d’un petit éditeur est un vivier de découvertes pour un libraire, qui lui donnent la possibilité et la fierté de faire découvrir des romans pas forcément repérés par la presse.
Avant l’été on a rencontré 250 libraires en province et en Belgique. Nous avons déjà un joli buzz qui part de plusieurs libraires qui relaient leur sentiment de lecture via les medias sociaux. Mi juillet, le texte définitif est parti à l’impression, on aura les livres début août et on procèdera alors à de nouveaux envois, à l’attention des journalistes et des libraires qui nous le demandent déjà. Et puis on a la chance d’être dans plusieurs sélections de prix comme le Prix Landerneau, Cultura, ou encore Le Prix Georges Brassens.
Comment choisissez-vous le ou les romans que vous sortirez lors d’une rentrée littéraire ?
A la solidité du texte et de l’écrivain, surtout ! Pour la rentrée, il est nécessaire de repérer l’auteur capable de supporter les turbulences de la rentrée et l’échec éventuel. Un auteur disponible aussi pour rencontrer les libraires, faire des tables rondes, rencontrer son public, faire des dédicaces etc. Gilles Marchand, qui est un auteur de nouvelles et dirige une maison d’édition de nouvelles, sait palper la violence d’une rentrée. Il sait que le roman aura des dizaines seulement, ou des milliers de lecteurs. Une rentrée littéraire implique de foncer tête baissée, dans la glorieuse incertitude du sport. Nos atouts pour cette rentrée tient au texte –même de Gilles Marchand : une belle langue à l’imaginaire particulier, la piste esthétique du réalisme magique à la française chez Perec, Vian, ou Alain-Fournier, un vrai propos sur l’histoire et la nation française. Je ne publie que les textes que j’aime.
Au-delà de la question factuelle d’une rentrée littéraire, rares sont les premiers romans qui fonctionnent. Il faut préparer l’auteur au fait que le moteur de l’écriture ne doit pas être la reconnaissance immédiate. La relation de l’éditeur ne se fait pas avec un texte mais avec un auteur, on construit ensemble une œuvre, quels que soient les résultats économiques. Il faut faire en sorte qu’un seuil esthétique soit franchi pour chaque livre. Quant à la presse et aux moyens de diffusion, nous avons investi dans un partenariat avec les éditions Anne Carrière, avec le pari de promouvoir une marque encore largement méconnue.
Allez-vous passer un été tranquille ?
Le fait d’être seul a pour conséquence que je ne passe jamais d’été tranquille : je guette les premiers retours de lecture, c’est plus un travail de veille que d’actions, tout en préparant les manuscrits de 2017-2018. Les premières années d’une maison demandent beaucoup de temps. J’ai de la chance, j’ai des auteurs qui sont aussi de belles personnes, engagées, pas pénibles. Aux Forges de Vulcain est une maison mainstream, qui ne se situe pas dans l’expérimentation formelle. Ce qui me passionne c’est la narration. Une bonne histoire, une vraie langue et un propos : ce que doit être un bon roman. Et quand un livre est bon, il doit l’être pour 100 ans.
http://www.auxforgesdevulcain.fr
https://www.facebook.com/auxforgesdevulcain
La maison qui ne craint pas les prix : Lisa Liautaud, éditrice de la littérature française chez Plon
Nous sommes le 20 juillet, dans quel état d’esprit attendez-vous la rentrée ?
Combatif ! Dans une rentrée, la bataille est celle de la visibilité. Comment exister parmi plus de 500 romans qui paraissent, dont plus de 300 en littérature française, surtout quand on est une grande maison dont la marque ne prédisposait pas, jusqu’à présent, à être attendue ? C’est chaque année une gageure nouvelle. Dans cette déferlante de romans, j’en publie 4 cette année : La nuit avec ma femme de Samuel Benchetrit, La Mésange et l’ogresse de Harold Cobert, Où la lumière s’effondre de Guillaume Sire et un premier roman, Les Mains lâchées d’Anaïs Llobet. Et nous avons déjà d’excellents retours.
Le temps d’une rentrée littéraire est très dilaté, c’est une épreuve d’endurance, un marathon pour les éditeurs et les auteurs. On a l’impression que les jeux sont faits et ce n’est pas le cas. La fameuse rentrée se termine au moment de la remise des prix d’automne en novembre. On est loin d’être arrivés même si toutes nos lignes sont lancées.
Préparer une rentrée pour un éditeur, cela implique des textes, mais ensuite ?
Ce moment est à la fois une mise en lumière de la littérature et un encombrement sur les tables des librairies et dans l’espace médiatique. Alors le travail commence très en amont. La première fois que l’on a présenté nos 4 titres c’était à la mi-avril aux représentants (ce sont les forces de ventes du diffuseur-distributeur qui vont ensuite présenter les programmes et les livres aux grandes librairies indépendantes NDLR). Cette grande réunion a marqué le signal de départ de la grande campagne de présentation de notre rentrée aux libraires à Paris, Bruxelles, Lausanne, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Lyon.
C’est la première année qu’avec Marguerite Quibel, la directrice commerciale, on fait ce tour de France en duo. Jusqu’à présent, on se contentait d’une présentation à Paris, avec des libraires de région parisienne. Cette année, on a décidé d’aller à la rencontre des libraires sur le terrain. Ca a plus de force, et c’est beaucoup plus intéressant et convivial que de leur envoyer les programmes ! Cela nous permet à la fois de communiquer notre enthousiasme et d’avoir les premiers retours sur les textes, ce qui est très précieux, à cette étape de l’année.
Dans le même temps, il a fallu monter un plan de communication auprès de la presse avec l’attachée de presse, Charlotte Rousseau, en rencontrant beaucoup de journalistes. Cela représente deux mois de campagne pour annoncer, défendre des livres et donner envie aux prescripteurs de les lire, de les porter et les faire exister. Après ces deux mois, les retours sur les textes nous sont revenus et sont très bons. Ce moment de l’été est un moment de suspens, car c’est maintenant que les journalistes décident de quels livres ils vont parler à la rentrée.
Comment choisit-on les livres qu’on publiera à ce moment spécifique de l’année ?
Les romans publiés entre août et septembre concourent pour les prix littéraires d’automne. Je ne suis pas dans une maison « de prix », je ne suis pas contrainte par cette course à la récompense. Si cela nous arrive comme l’an dernier, avec un Denis Tillinac sur la liste du Goncourt, c’est pour Plon un bonus, mais pas une contrainte. Cette indépendance est pour moi une vraie liberté.
Ca me permet de publier des livres et des auteurs très différents. Sur les 4 de cette rentrée, il y en a un qui jouit d’une forte notoriété, en particulier pour son travail de réalisateur et d’écrivain, Samuel Benchetrit. Nous avons aussi une primo romancière très jeune et inconnue, Anaïs Llobet, un auteur trentenaire qui a publié il y a dix ans un roman dont de nombreux libraires se souviennent encore, Guillaume Sire, et le quatrième, Harold Cobert, qui a déjà signé plusieurs livres et bénéficie d’une bonne réputation auprès des libraires, et qu’on espère faire mieux connaître du grand public et des médias. Ce sont quatre textes coups de cœur, avec des auteurs de caractère, très différents les uns des autres. Je pense qu’on a cette liberté-là chez Plon.
http://www.rentree-litteraire-plon.fr/
Et les réseaux :
https://www.facebook.com/editions.plon
merci pour l'article, hâte de découvrir ces perles à la rentrée