"Un millésime tannique, alliant des arômes boisés à une minéralité énergisante".
Le 8 octobre dernier, nous vous proposions, via un Facebook Live, de suivre la rencontre littéraire entre Jean-Christophe Rufin et Guillaume Sire. Le premier est président du jury du Prix Orange du Livre, mais aussi auteur et académicien. Le deuxième est le...
"Un millésime tannique, alliant des arômes boisés à une minéralité énergisante".
Ces moments d'échange avec les auteurs du moment sont disponibles en replay
Participez à la 13e édition aux côtés de Jean-Christophe Rufin, d'auteurs et de libraires passionnés
Retrouvez en vidéo la rencontre avec le président et le lauréat du Prix Orange du Livre
Guillaume Sire est de retour pour cette rentrée littéraire 2024 avec un récit initiatique, il nous fait voyager au coeur de l'entre deux guerres. Une belle écriture addictive, touchante, l'intrigue aborde l'amitié, l'amour, la quête de soi et l'accomplissement. On retrouve une galerie de personnages plus ou moins étranges et fantasques. C'est aussi une grande histoire d'amour sublime et contrariée. Un récit fluide et poètique.
"Chaque livre, c'est quelqu'un. Souvent, il en ouvre un au hasard. Son métier consiste à ordonner la cosmogonie des étagères, de façon à protéger des trésors qui autrement tomberaient aux mains de Dieu seul sait qui pour devenir Dieu seul sait quoi. Il passe des jours et des nuits plongé dans la chrysalide du répertoire; des semaines en compagnie d'Homère, Eschyle, Shakespeare, Malherbe, Racine, Verlaine et Dostoievski. Les Iivres ont une vie. Joseph traverse leurs nervures, leur goitre d'écaille, leur vélin, leurs onglets. Il observe comment l'encre de certaines lettres rondes (b, c, d, o, p) a aplati le relief de la page. Il devine aussi les provenances : cuir français, enluminure de Hollande, diastole surmontée d'un accent aigu typique des imprimeries anglaises, oeillet espagnol, queue-de-page à la mode bourguignonne, sang-dragon italien, aquatinte normande, grainage helvète."
Cette histoire épique et rocambolesque qui vire au fantasque avec une galerie de personnages farfelus qui suivent leur instinct, débute lors de la guerre de 14-18 et nous fait traverser la seconde guerre mondiale. Elle prend naissance à Toulouse, là où Joseph voit le jour. Son père ne revient pas de la guerre, laissant l'enfant désemparé. L'entre-deux entre deux guerres n'est pas une période facile pour le peuple et, dès les années vingt, l'antisémitisme est partout.
J'ai beaucoup aimé cette traversée de ma ville alors que le clocher de la Dalbade était encore debout (on assistera, dans le roman, à son effondrement.
« Lorsque la nuit tombe sur le quartier de la Dalbade on entend des murmures près des portes. Des chouettes tournoient autour du clocher. Des ombres aux épaules larges arpentent les rues. Des portes s'ouvrent au milieu des étincelles. On emmène parfois un homme, chiffon gras sur la tête, personne ne sait ni pourquoi, ni où. »
Amateurs d'Histoire avec un grand H, passez votre chemin, car ce roman n'est qu'un prétexte à traverser une période troublée où le héros, ce garçon étrange et hypersensible qu'est Joseph, va faire feu de tout bois en jouant le rôle du chevalier à la rose. Amoureux d'Amina, sa voisine juive qui est pianiste, il n'aura de cesse de vouloir la protéger alors même qu'elle aura épousé un nazi. Des personnages truculents parsèment l'histoire, à commencer par Thérèse, veuve inconsolée et mère inquiète de Joseph, ou encore la Cardinale, mère maquerelle rebelle et généreuse, aussi le prêtre communiste et résistant ou encore Michel, survivant à l'effondrement du clocher de la Dalbade.
Des péripéties plus folles les unes que les autres permettent à Joseph de retrouver Anima devenue mère de famille germanique.
« Joseph a reconnu l'homme de la photo. Derrière l'officier SS, il entrevoit le père de famille fou d'amour, amoureux d'une pianiste juive. »
Cette histoire d'amour dans une Europe en guerre entre deux êtres si dissemblables nous entraine dans des aventures débridées. L'amour peut soulever des montagnes dit le dicton, et Joseph va traverser la guerre et ses mésaventures avec panache et une dose d'inconscience, toujours poussé par cette passion débridée et sans retour pour l'impitoyable Anima.
On aura droit à un petit tour à l'hôtel Lutetia où sont accueillis les survivants des camps, dans un décor d'une autre époque, et Guillaume Sire s'en donne à coeur joie à décrire le contraste entre deux mondes.
« ...tout cela au milieu des vitraux d'or gris, des lustres de Lalique, des stucs, des peintures à fresco, des parquets de chêne en points de Hongrie, des couverts Christofle, des décanteurs Baccarat, de la porcelaine Haviland et des salamandres Chaboche. »
L'écriture flamboyante, élégamment ornée, cherche à enjôler le lecteur dans sa démesure. On s'en gausse, on sourit et frissonne tour à tour. Mais, parfois, l'excès peut éblouir et finir par lasser.
Un bon moment de lecture pour ce roman baroque qui n'aura pas ma préférence parmi les œuvres de Guillaume Sire.
Je ne pensais pas que j'allais apprécier autant ce roman. J'avais lu des retours assez mitigés de lecteurs n'ayant pas adhéré au style de l'auteur, d'autres enthousiastes ... sans trop deviner de quel côté la balance allait pencher pour moi. Et bien j'ai été emportée par le destin rocambolesque de Joseph Portedor dont le nom est promesse d'aventures. Promesse tenue car le héros va en vivre, de sacrées aventures !
Joseph naît à Toulouse au début du XXème siècle. Son père meurt durant la Grande guerre et sa mère, pour subvenir à leurs besoins, est obligée de travailler dans un bordel. C'est un enfant à l'hypersensibilité totale. Comme une éponge, il ressent tout d'une personne au point de pouvoir déterminer si elle est malade, enceinte, va mourir avant même l'arrivée des premiers symptômes. Presque un super pouvoir qui lui permet de lire l'épaisseur d'un sang, l'acidité d'une odeur ou la dilatation des pores d'une peau.
« Une silhouette s'esquissa sur le bois rouge. Les angles dans la gorge de Joseph fondirent. La fille était là : sa peau blanche, son duvet sur le bord des lèvres. Son sourire lui dessinaient des couteaux sous les mâchoires. Des pupilles ovales accentuaient l'aspect oriental de son visage et donnaient à son regard une signature virile, presque une forme de vieillesse, contrebalancée par le cuivre des cheveux, la pointe elfique des oreilles, la porcelaine des joues. (...) Joseph sentit dans son cerveau une secousse, puis des crépitements. Tout à coup, il voulait être avec cette fille. Il voulait la serrer dans ses bras. Rien d'autre. Il voulait la suivre partout. Fondre en elle. Devenir sa peau. Devenir son ventre. Une vague brûlante le submergea, et il perdit connaissance. »
Un jour, il tombe fou amoureux de sa voisine Anima, aussi vindicative, acerbe et dure que lui est doux. Il décide de l'aimer malgré elle, malgré ce qu'elle pense, et quoi qu'il arrive de la protéger. Anima est juive et les périls sont grands en cette période. C'est cette histoire d'amour singulière qui nous est contée en deux sections, années 20 et Deuxième guerre mondiale.
Le narrateur omniscient est très présent dans le récit afin de guider le lecteur dans les expériences de Joseph. L'écriture est travaillée à l'extrême, bien loin de chercher le naturel, mais est totalement au service de cette histoire épique. Elle fonctionne par analogie, par un choix précis et abondant d'adjectifs voire de mots précieux. On sent la méticulosité ( et la gourmandise ) qu'a eu Guillaume Sire à choisir ses mots et à les agencer. Cela peut déplaire si on s'attarde sur le côté chargé, mais moi, cette flamboyance littéraire m'a charmée avec son feu d'artifices de sensations, textures, grains et saveurs.
Et puis, son lyrisme sert tellement bien cette histoire d'amour folle tordue par la grande Histoire. Joseph se prend pour le chevalier à la rose et accordera toutes ses actions, y compris sa participation à la Résistance, pour servir cette Anima qui certes, ne l'aime pas en retour dans l'immédiat, qui peut-être l'aimera un jour, mais qui en tout cas à bouleversé sa vie. C'est un magnifique Orphée prêt à tout pour retrouver son Eurydice encore vivante quitte à braver l'enfer nazi.
C'est vrai que j'ai eu un petit coup de mou à mi parcours sous cette avalanche d'émotions et de personnages tous plus truculents les uns que les autres ( inoubliables personnages de la reine maquerelle La Cardinale ou du prêtre communiste ). J'ai également apprécié le pas de côté d'un auteur qui ne cherche pas à témoigner d'une époque mais juste à déployer une histoire d'amour presque conte.
Oui, il y a peut-être un excès de romanesque mais le contexte historique ( Première guerre mondiale, montée de l'antisémitisme, guerre d'Espagne, Deuxième guerre mondiale ) est tellement dramatique qu'il permet justement ces débordements romanesques. Et puis cela fait du bien de lire un roman aussi généreux et surtout libre d'aller dans les directions qu'il veut. Sans morale, ni thèse, ni leçon, juste un existentialisme solaire qui se révolte contre la finitude humaine pour attester de la force de la vie.
PS : le très beau titre vient d'un poète roumain juif assassiné à Auschwitz, Benjamin Fondane. Je suis allée chercher sur le Net son oeuvre, c'est juste sublime !
Pas mal du tout de tout sa qui sont tellement différends l un de l autre ,une decouverte intéressante et comment va t il finir avec elle , surtout très touchant un très bon moment de lecture à découvrir
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