Nous l'avons découvert avec "Une bouche sans personne", Gilles Marchand revient avec "Un funambule dans le sable" éditions Aux Forges de Vulcain
Un comptable se réfugie la journée dans ses chiffres et la nuit dans un bar où il retrouve depuis dix ans les mêmes amis. Le visage protégé par une écharpe, on ne sait rien de son passé. Pourtant, un soir, il est obligé de se dévoiler. Tous découvrent qu'il a été défiguré. Par qui, par quoi ? Il commence à raconter son histoire à ses amis et à quelques habitués présents ce soir-là. Il recommence le soir suivant. Et le soir d'après. Et encore. Chaque fois, les clients du café sont plus nombreux et écoutent son histoire comme s'ils assistaient à un véritable spectacle. Et, lui qui s'accrochait à ses habitudes pour mieux s'oublier, voit ses certitudes se fissurer et son quotidien se dérégler. Il jette un nouveau regard sur sa vie professionnelle et la vie de son immeuble qui semblent tout droit sortis de l'esprit fantasque de ce grand-père qui l'avait jusque-là si bien protégé du traumatisme de son enfance.
Léger et aérien en apparence, ce roman déverrouille sans que l'on y prenne garde les portes de la mémoire. On y trouve les Beatles, la vie étroite d'un comptable enfermé dans son bureau, une jolie serveuse, un tunnel de sacs poubelle, des musiciens tziganes, une correspondance d'outre-tombe, un grand-père rêveur et des souvenirs que l'on chasse mais qui reviennent.
Un livre sur l'amitié, sur l'histoire et ce que l'on décide d'en faire. Riche des échos de Vian, Gary ou Pérec, lorgnant vers le réalisme magique, le roman d'un homme qui se souvient et survit - et devient l'incarnation d'une nation qui survit aux traumatismes de l'Histoire.
Nous l'avons découvert avec "Une bouche sans personne", Gilles Marchand revient avec "Un funambule dans le sable" éditions Aux Forges de Vulcain
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Découvrez la critique du roman de Gilles Marchand par Delphine de Du Calme Lucette
Le jour, il est comptable, il s'oublie dans les chiffres. Il passe le temps à compter, ne lui demandez pas quoi, il est comptable, c'est pourtant clair.
La nuit, il n'est rien ni personne, ou plutôt si, il est un ami, qui depuis dix ans rejoint au bar ses trois amis, ses trois seuls amis. Des amis qui ignorent tout de lui, sauf qu'il est comptable et qu'il dissimule le bas de son visage sous une écharpe, été comme hiver. Ils s'interrogent en silence et aimeraient bien savoir, mais comme ils sont ses amis, ils ne lui posent pas de questions. C'est leur ami, il a bien le droit de se taire, et tout le monde est heureux comme ça.
Puis un soir, une tasse de café s'échappe, c'est la tache sur l'écharpe, le menton dévoilé, et la cicatrice qui va avec et qui le défigure.
Le masque physique est tombé, l'homme comprend qu'il va devoir abattre le mur symbolique du silence derrière lequel il a enfermé son passé. Ce sont ses amis, ils ont bien le droit de savoir. Mais que la carapace est difficile à entrouvrir...
L'homme a un poème et une cicatrice qui le hantent et rameutent les souvenirs. Pour le poème, on saura tout à la fin, pour la cicatrice, on comprend qu'elle vient de loin, et ce n'est aussi qu'à la fin qu'on en mesurera l'effroyable origine.
Ca commence comme un récit doux-amer, celui d'une vie étriquée, d'un homme solitaire, isolé dans sa différence mais moins malheureux qu'on pourrait le penser, puisqu'il a des amis, et un travail qui lui convient, même s'il n'en apprécie pas les contraintes sociales et le team spirit obligatoire. L'occasion de quelques piques savoureuses à l'égard du monde de l'entreprise, du train-train quotidien et de nos habitudes qui nous ferment aux autres et à la vie.
Puis, à mesure qu'il se raconte à ses amis, le soir au café, l'imagination de l'homme déborde aux autres moments de la journée et son esprit lui fait voir un quotidien fantaisiste et coloré, comme s'il fallait compenser, le jour, la douleur et la noirceur des souvenirs qui surgissent la nuit, lorsqu'il laisse son armure se dissoudre.
Une bouche sans personne et un roman doux et cruel, léger et tragique dans lequel la fantaisie est la politesse de la souffrance. Où l'imagination débridée et la poésie instillée par un grand-père farfelu a permis à son petit-fils de survivre. J'ai pensé à Boris Vian et à Romain Gary (celui de "Gros-Câlin") pour le côté tragico-loufoque, et le mantra du grand-père "transformer le présent pour oublier le passé" m'a rappelé Romain Gary encore (celui des "Cerfs-Volants" : "Rien ne vaut la peine d'être vécu qui n'est pas d'abord une oeuvre d'imagination, ou alors la mer ne serait plus que de l'eau salée… [...] Bien sûr, il faut toujours prendre les choses telles qu'elles sont. Mais c'est pour mieux leur tordre le cou. La civilisation n'est d'ailleurs qu'une façon continue de tordre le cou aux choses telles qu'elles sont").
Un roman très émouvant, touchant, tout en pudeur et délicatesse, rempli de douceur et de silences pour affronter le fracassement d'une vie, et qui parle de mémoire et de transmission, de résilience et de solitude, de différence et surtout d'amitié.
Tout simplement...POIGNANT !
"J'ai un poème et une cicatrice."
La curiosité du lecteur l'emporte. Il faut aller au bout. On sait dès le début qu'il y a eu un drame.
Le narrateur - dont nous ne connaîtrons pas le prénom - âgé de 47 ans, est comptable et a la particularité de porter constamment une écharpe autour de son cou, afin de dissimuler une cicatrice disgracieuse.
Chaque soir il rejoint avec une routine mécanique ses amis dans un bar, tenu par Lisa.
" Je considère Lisa comme une amie. Une amie dont je suis amoureux.Un amour confortable et que je peux me permettre. Elle est belle, elle est intelligente, elle est souriante, elle n'est pas pour moi. Je ne joue pas à faire semblant, je n'attends rien d'autre que son amitié, je ne revendique rien de plus que ce qu'elle veut bien offrir. Je suis en amour comme dans mon travail : je me protège, je cultive ma bulle. L'ambition est un concept qui m'est totalement étranger dans ces deux domaines. Ma jeunesse et mon adolescence ont été assez formatrices et j'ai vite compris que ma vie amoureuse et ma vie sociale ne seraient pas exactement celles d'un roman Harlequin."
Mais cette vie routinière et rassurante va pourtant être mise à mal suite à un banal incident.N'ayant jamais eu à s'expliquer devant ses amis sur le port étrange de cette écharpe, il va peu à peu se dévoiler. Mais il va user de subterfuges incroyablement fantasques, comme pour fuir une réalité trop douloureuse, avant de révéler dans les toutes dernières pages du roman l'horrible drame dont il a été victime. Comme pour rendre hommage à son grand-père qui l'a élevé, " un rêveur fantaisiste".
"Au fur et à mesure que les souvenirs me reviennent, je commence à comprendre ce qu'il voulait dire lorsqu'il m'a fait promettre de ne rien oublier sans y accorder trop d'importance. Il n'a jamais oublié d'où nous venions et il n'a jamais su où nous allions. Il a fait en sorte que le chemin sur lequel il m'accompagnait soit le plus heureux possible. Pour cela il fallait travestir un peu la réalité..."
L'auteur aborde douloureusement le sujet des "gueules cassées" de la guerre ; des cicatrices psychologiques et physiques, avec lesquelles il faut composer malgré les regards pesants. Cette injustice, vécue comme une perte d'identité, peut donc engendrer un désert social et affectif.
Curieux récit, aux confins du rêve et de la poésie, du réel désespérant et du conte philosophique. Inclassable. La référence à Boris Vian n’est pas usurpée.
L’auteur sait distiller les détails avec parcimonie , juste pour titiller la curiosité du lecteur, embarqué dans une histoire où l’on peut perdre pied ou tête.
C’est l’histoire d’un secret , dissimulé derrière une écharpe rebelle. C’est l’histoire d’une groupe d’amis que la solitude réunit soir après soir dans un bar. c’est l’histoire d’un comptable qui peu à peu et malgré lui libère sa parole.
Il y a un crescendo dans l’imaginaire. De la concierge absente à l’ancien commando qui creuse des galeries dans l’accumulation des ordures, des quelques habitués du caf » à une foule en délire, l’auteur fait appel à l’absurde et c’est ce qui fait tout l’attrait de la narration.
Belle découverte, qui incite à retrouver cette plume originale et débridée .
Roman lu dans le cadre du Prix du Meilleur Roman Points 2018.
Ce roman est « perché », atypique et très original ! Trop fantasque pour que je l’apprécie. Malgré les passages réalistes lorsqu'il parle de son grand-père, de sa propre vie et de sa différence due à sa cicatrice, je n’ai pas réussi à aimer ce livre.
Tout simplement, parce que ce n’est pas le genre de lecture que j’aime, qui me fait « kiffer » ou qui me touche. Cela dit, je peux tout à fait comprendre qu’on adhère, c’est juste une question de gout ! Cela ne m’a pas bouleversée, ni émue même si la fin est dramatique car on apprend ENFIN ce qu’il s’est passé pour ce comptable à l’écharpe, cela ne rattrape en rien mon ennui et ma perplexité en fermant ce roman.
Je ne suis pas étonnée de mon manque d’enthousiasme à cette histoire et à l’écriture presque poétique, car je suis très très terre à terre comme on dit ! Je ne lis jamais de romans dans les catégories fantastiques ni science-fiction…J’ai besoin de réalité, de concrets pour comprendre les choses !
Bref, une lecture qui m’a énormément déçue car je me faisais un plaisir de le découvrir ! J’avais même trouvé d’occasion ce roman grand format y a quelques mois que je gardais précieusement. Tant pis, ma prochaine lecture sera surement plus adaptée à ma personnalité.
J’ai recopié quelques passages du livre, qui vous donne un aperçu du style et le ton du roman. Toutefois, certains textes sont drôles ou beaux mais le fait que tout le long de l’ouvrage il y en a sans cesse, avec des situations de plus en plus loufoques, que cela m'ont rapidement ennuyée ou agacée.
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« Je rentre chez moi une feuille de salade collée sous la chaussure. Je repasse la porte, me frotte le pied sur la première marche. Celle qui monte vers l’étage supérieur et que je ne risque pas de recroiser en sortant. J’aurais pu la garder chez moi mais elle aurait été mal assortie au tapis de l’entrée. Et si elle peut faire plaisir à un voisin, on ne va pas se gêne, c’est peut être ça la générosité moderne. »
« La mouche se décolle du mur, sans le moindre atermoiement semble-t-il, fait quelques boucles dans les airs avant de se poser quelques centimètres plus loin. Je me tourne légèrement et lui demande pourquoi. Pas de réponse. De ce point de vue-là, l’animal est sans surprise. A quoi bon s’être extirpée de sa place initiale, avoir effectué des centaines de battements d’ailes pour se poser à moins d’un mètre de sa position de départ et reprendre exactement la même activité : se frotter les pattes antérieures. J’aimerais connaître l’idée qu’elle a derrière la tête, savoir ce qu’elle mijote, si elle attend que mon attention se relâche pour se livrer à quelques occupation extraordinaire, danser le cha-cha-cha ou faire un série de cinquante pompes sur une seule patte. »
« Aujourd’hui c’est le drame. Personne ne comprend pourquoi le distributeur d’eau ne fonctionne plus. On cherche des coupables, on ne laissera pas faire.»
« La boulangère m’accueille avec un sourire complice voire triomphant : Comme d’habitude monsieur ? Oui. Comment a-t-elle fait pour deviner que je voulais une baguette ? Cela restera un mystère.»
« Lorsqu’il m’a aperçu, il a essayé de sourire mais je voyais bien que c’était un drôle de sourire rien qu’avec la bouche et que ses yeux étaient tout rouges. J’ai pris mon courage à deux mains et lui ai demandé s’il pleurait. Il a eu l’air étonné avant de m’expliquer que non, d’ailleurs, il n’avait aucune raison de pleurer. C’était juste que son visage n’était pas étanche. Il n’y pouvait rien et que ce n’était pas grave. C’est le genre de chose qui arrive de temps en temps, avec toute cette eau qu’on a dans le corps. »
« Le réverbère en bas de chez moi ne fonctionne plus. Suicide, à n’en pas douter. »
http://leslecturesdeclaudia.blogspot.fr/2018/02/une-bouche-sans-personne.html
« J’ai un poème et une cicatrice, voilà pour mon armoire à souvenirs ». Subjuguée. Touchée. Charmée… https://littelecture.wordpress.com/2018/02/23/une-bouche-sans-personne-de-gilles-marchand/
Les premières pages m’ont accrochés immédiatement.
Qui est ce petit comptable à la vie bien réglé ? Qu’est-il arrivé à notre narrateur pour qu’il se dissimule constamment sous une écharpe ? Que veut dire cette phrase « J’ai une cicatrice et un poème » ?
Je me suis donc confortablement installée dans le café de Lisa, son amie, pour écouter son histoire et découvrir quel était son secret.
Malheureusement, au moment où il accepte de ressusciter ses souvenirs, notamment la magnifique figure tutélaire du grand-père, l’auteur a fait le choix d’exploser les garde-fous de la rationalité.
Le récit s’entrecoupe de passages complétement surréalistes.
D’abord par légères touches, ce qui apporte de la poésie au livre, puis carrément par pages entières, ce qui pour ma part m’a semblé être une réelle perte de temps.
Bref, trop c’est trop, et cette histoire qui est terriblement émouvante aurait à mon sens mérité un peu moins de figures de styles.
Une lecture qui me laisse donc un sentiment très mitigé.
J'ai découvert ce roman au titre étrange . Et j'ai d'emblée été conquise par l'écriture : rythmée, imagée, sensible et fantaisiste.
Le narrateur cache une partie de son visage sous une écharpe, toujours. Et ses amis, ses compagnons de longue date n'ont jamais eu accès à ce que cachent cette écharpe et son propriétaire. Le temps semble venu des confidences...
Le narrateur évoque avant tout et surtout son grand-père, le fameux Pierre-Jean, qui accommode la réalité trop dure, trop sombre en y ajoutant de la poésie et un grain de folie.
Ainsi, au fur et à mesure que notre héros avance dans son histoire, si liée à l'Histoire, le récit se fait de plus en plus loufoque. Il s'agit poétiquement de mettre de la fantaisie là où la noirceur est innommable et insoutenable...
On croise donc tout un tas de personnages secondaires piquants (et piqués !!) et on se retrouve dans des situations rocambolesques et allégoriques ...
Jusqu'à ce que le narrateur parvienne au bout de sa confidence, de ses souvenirs... Jusqu'à ce que ce titre étrange fasse sens...
Pas question pour moi de déflorer cette petite pépite, il faut absolument la découvrir page par page, la savourer jusqu’à la dernière ligne !
Un café chaleureux, des amis fidèles (Lisa, Sam et Thomas), une boulangère qui parle au futur, une vieille dame solitaire et son chien, une concierge morte et des poubelles débordantes, un grand père adoré, et un héros qui cache le bas de son visage sous son écharpe … Curieux non ?
Le style est magnifique, baroque, poétique, pertinent, merveilleusement drôle, terriblement douloureux, bref, je ne vous en dirai pas plus, à vous de découvrir ce roman qui reste à ce jour MON coup de coeur
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