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Au dernier classement de la liberté de la presse de Reporters sans Frontières, Bahreïn pointe au rang 167 sur 180.
L’auteur, qui y a vécu pendant deux ans aux alentours de 2014-2016, s’est bien gardé de brandir sa carte de presse en débarquant dans ce tout petit royaume (de la taille de l’île de Minorque) du Golfe Persique. Il y rejoignait sa compagne, affectée à Bahreïn pour raisons professionnelles.
Pendant qu’elle travaillait, notre homme visitait le pays, discutait avec ses habitants et les expatriés et en tirait suffisamment de matière pour écrire ce livre, qui se situe quelque part entre chronique de voyage et reportage.
On y découvre, en même temps que lui qui en ignorait à peu près tout, que Bahreïn est un pays dont 85% de la population est chiite, mais qui est gouverné par une monarchie (tendance absolutiste) sunnite, situé à une encablure de l’Arabie Saoudite et en face de l’Iran de l’autre côté du Golfe. C’est aussi une terre riche en ressources pétrolifères, et le premier pays musulman à avoir dépénalisé l’homosexualité. Les expatriés occidentaux s’y sentent comme des coqs en pâte, les travailleurs immigrés du sud-est asiatique beaucoup moins, esclaves modernes exploités par des employeurs abusifs qui confisquent leur passeport la plupart du temps.
Malgré sa relative tolérance religieuse (la plus avancée du Golfe), Bahreïn est loin d’être le paradis de la liberté d’expression ou de la démocratie. En témoignent certains courants rigoristes wahhabites et chiites, la répression féroce du Printemps arabe local par les autorités (avec l’appui du « bienveillant » du voisin saoudien), les discriminations institutionnalisées dont les chiites sont victimes, la corruption endémique.
D’anecdotes personnelles en informations sur la géopolitique et l’histoire du pays et de la région, sur l’impact de la construction des îles artificielles, sur le sectarisme religieux et les tensions sociales ou sur les efforts de communication (de propagande) du régime pour redorer son blason après 2011 en attirant les célébrités occidentales, l’auteur nous livre avec humour et humanisme, intelligence et lucidité, un portrait très instructif et agréable à lire de Bahreïn, ce petit pays… contrasté (euphémisme).
« Bahreïn est une île et vous n’avez pas d’échappatoire ». Jolie formule pour cet état !
Le narrateur et auteur, journaliste, suit sa compagne mutée à Bahreïn, ancienne colonie britannique, où il y a vécu deux ans. Surtout, ne dites pas qu’il est journaliste, non pas que sa mère pense qu’il est…. Mais parce que l’Émirat n’aime pas du tout que des journalistes étrangers viennent fouiller dans le sable de leur désert. Bahreïn, le pays qui occupe la place 167 (sur un total de 180 nations) dans le classement sur la liberté de la presse établi par Reporters sans Frontières » Alors, il couvre d’écriture plusieurs petits carnets.
Je me mets dans les pas du narrateur et le suit partout dans ses pérégrinations et rencontres. Emilio Sanchez Mediavilla a l’art de parler de choses dures avec un ton de conversation légère et ironique.
Sunnites et chiites se font la guerre et, là, il vaut mieux être sunnite comme le prince et son parti. Les chiites sont nettement plus nombreux sur l’île grande comme Majorque et reliée par un pont à l’Arabie Saoudite, pourtant ils sont vus par le pouvoir comme des habitants de seconde zone. Tiens, justement, ce pont, vous ne pouvez le franchir que si vous êtes bahreïni ou saoudien, l’auteur en fait les frais lors d’une tentative.
Sur l’île, comme dans d’autres pays, les trois tabous majeurs sont le sexe, la politique et la religion et donc sujets de beaucoup de conversations.
Mais, il faut bien s’installer, un peu marre d’être à l’hôtel. La recherche de la maison est assez épique. Eux, ils veulent vivre dans le secteur nord, pas au milieu d’expatriés. « Nous voulions du vert de la pelouse et des arbres, en résumé un endroit qui ne ressemblait pas à Bahreïn terrain vague-poussière-béton .» Mohamed, leur agent immobilier n’a cesse de leur proposer des villas « européennes » gigantesques. Enfin, ils dénichent ce qui devient leur home sweet home « Nous avions une datcha dans le Golfe »
L’auteur semble mener une vie oisive, il vaut mieux par rapport aux autorités locales ! mais tous sens en alerte, il regarde, scrute l’air de rien, discute avec ses copains bahreïnis, saoudiens, indiens, expat, arabes… de l‘occupation de la Perle, en 2011, souvent évoquée, de la main d’œuvre asiatique ou pour parler vrai, des esclaves asiatiques dont on supprime les passeports. Par contre, les expatriés occidentaux sont reçus quasi royalement.
L’écriture est cinématographique et les chapitres comme des histoires courtes. L’auteur sait conter la vie sur l’île, y mettre le ton grinçant ou ironique avec une touche de légèreté. J’ai aimé le ton de conversation qu’il prend sans pour cela rendre les évènements et la situations moins anodins.
Un livre à hauteur d’hommes et de femmes qui fourmillent d’anecdotes, d’informations sur Bahreïn : géopolitique, géographie, écologie avec la construction de ces îles artificielles, l’abattage des arbres (comme prévu près de leur maison) pour construire une autoroute.
Barhrein, un émirat qui sait « s’ouvrir » à la modernité et, surtout, en le faisant savoir, on appelle cela de la propagande ; autorisation pour les femmes de conduire une voiture seule, reconnaissance de l’homosexualité, accueil d’un grand prix automobile, les visites de stars américaines… tout cette vitrine pour cacher le fait que c’est un état totalitaire et qu’il vaut mieux être du bon côté du manche.
Un livre très instructif, rempli d’anecdotes, un portrait acidulé de ce royaume chroniques d’un état où la liberté n’existe pas pour tous.
https://zazymut.over-blog.com/2022/07/emilio-sanchez-mediavilla-une-datcha-dans-le-golfe.html
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