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À la mort de son père Moïse, Simon, plus craintif que croyant, est bien obligé de renouer avec ses racines, ne serait-ce que pour l’enterrer selon la tradition juive. Un rabbin lui rappelle les rituels : la prière du kaddish, l’éloge funèbre, les stades du deuil, et surtout l’importance du talit, ce châle de prière dans lequel les défunts doivent être enveloppés. Seulement, Simon est contraint d’enterrer son père avec, non pas un, mais deux talits, trouvés dans les vieilles affaires de famille et tellement entrelacés qu’il est impossible de les séparer sans les déchirer.
Peu après la cérémonie, Simon reçoit la visite nocturne de Moïse. Ou plutôt son fantôme, son âme, son ombre, vêtue d’un double talit. “Tu dois me raconter mon père”, le somme-t-il. Face à cet ordre venu d’ailleurs, venu d’en haut, Simon entame une enquête. Il écoute les souvenirs mités et obscurs de Moïse, il interroge le peu de famille qu’il connaît, il déniche des articles et des livres… Mais il trouve si peu. Des mots allemands qui hurlent, des bruits de bottes et de bombes, l’humidité d’une cave, des regards de pitié ou de méfiance, là-bas, en Tunisie, et la honte depuis. Alors il brode, il tisse, il invente. Tout ce qui pourrait expliquer l’absence d’un père. “Il faut une belle histoire, beaucoup de mots, un peu de vérité et un luxe de détails pour finir de couper ce talit.”
Pendant un an, Simon met ses pas dans ceux de son grand-père, sa voix sur la sienne. Il faut dire qu’il partage beaucoup avec cet aïeul - y compris les échecs. Elle peut sembler bien triste, cette histoire d’âmes à raccommoder de génération en génération. Et pourtant… Dans ce premier roman, David Naïm nous rappelle comme on a besoin d’histoires, à défaut de mémoire. Un tissu ou un texte, c’est pareil. Ça protège. Et ça se transmet.
Je remercie les éditions de l’Antilope de m’avoir offert l’opportunité de découvrir en avant-première le premier roman de David Naïm « L’ombre pâle » à paraître le 23 août prochain, et pour leur confiance quant à mon retour de lecture.
p. 11 : » J’ai commencé à m’occuper de mon père lorsqu’il est mort. «
Cet incipit a raisonné en moi comme les premiers mots du roman « L’étranger » d’Albert Camus…
Lorsque Simon apprend la mort de son père Moïse, il ne semble à première vue pas ébranlé par la nouvelle.
p. 18 : » Merde. Qu’est-ce que je sais de mon père, au juste ? Sa vie n’est qu’angles morts, cachée entre ses silences et ses voyages. «
Mais c’est à lui que revient la responsabilité de l’organisation de ses obsèques. Dans la tradition juive, le défunt doit être enterré avec son châle de prière, le « talit ». Simon le retrouve mais celui-ci est entremêlé dans les franges d’un autre talit… Ne se préoccupant pas plus des conséquences de son acte, Simon fait donc enterré son père avec les deux talits. C’est alors que le fantôme de Moïse surgit auprès de Simon sous la forme d’un primate ! Moïse implore donc son fils de sauver son âme avant la fin de l’année de deuil. Pour se faire, il a pour mission de retracer l’histoire du père de son père, Clément, disparu il y a fort longtemps, afin de démêler les deux talits.
P. 77 : » C’est impossible, papa. Il y a trop de malheur dans ces cases vides. Mais c’est le tien, de malheur. Pas le mien. J’en ai assez de ces histoires. Ce sont de vieilles histoires. De vieilles histoires ! C’est ça mon héritage ? Quand d’autres reçoivent des châteaux, mes morts à moi me laissent me démerder avec leurs peines et leurs secrets ! J’aurais préféré un objet, n’importe quoi, même une montre, moi qui n’en porte pas ! Tout mieux que cet arbre stérile. «
S’ensuivent des discussions aussi touchantes que drôles entre Moïse et Simon.
p. 97 : » – Que veux-tu, le courage est un muscle. C’est la somme de minuscules moments de bravoure qui prépare l’esprit pour l’instant des grands choix. «
A travers la quête de son histoire familiale, Simon va finalement remettre en question ses propres choix, comme une douce fureur de vivre enfin, pleinement.
p. 117 : » Ca va sans doute te paraître idiot, mais depuis que j’ai commencé, j’ai l’impression de regarder ma vie avec les yeux de Clément. A moins que te la raconter n’ait ouvert les miens. Désolé, c’est confus. Ce qui est sûr, c’est que je ne vais pas bien. Ma vie, mon couple, mon boulot, tout me paraît minable. «
Jubilatoire ! J’ai dévoré ce roman ! Cet humour un peu décalé, pince sans rire m’a littéralement conquise. Quand l’amour et la maladresse s’entremêlent et donnent naissance à un vibrant hommage aux figures paternelles !
https://missbook85.wordpress.com/2024/06/25/lombre-pale/
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