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Ce très court roman aurait pu être un roman initiatique puisqu’il nous parle de Milva, jeune fille de 16 ans.
Mais il tourne vite au roman social, politique et poétique lorsqu’elle se voit confrontée aux activités clandestines illicites de son demi-frère.
Les fleurs sauvages apparaissent, sous différentes formes, à des moments inattendus du roman, comme pour y distiller un peu de fraicheur, de poésie, de légèreté au milieu de la violence, des armes et de la drogue.
Milva dessine, partout, tout le temps comme certains lisent, de façon à la fois compulsive et vitale, comme une respiration.
J’ai aimé ce côté artiste du personnage qu’on voit éclore et se révéler. C’est peut-être Milva la fleur sauvage de ce roman.
Célia Houdart n’en est pas à son coup d’essai : elle a déjà publié de nombreux romans. Je n’avais pas encore eu l’occasion de croiser ses lignes sur mon chemin de lectrice. C’est chose faite grâce au prix littéraire dont je suis actuellement jurée.
Et puis l’apparition de Zouc (ancienne actrice et humoriste), comme l’ombre d’un personnage magique d’un conte …
Les fleurs sauvages de Celia Houdart racontent des allers retours d’une famille éclatée entre la Suisse où vit la narratrice Milva avec son père et la Haute Provence où est installée la mère de Milva. Milva et son demi-frère Théo se retrouvent épisodiquement chez leur mère. La famille n’a pas vécu ensemble longtemps. Rejoindre la Haute Provence depuis la Suisse est une vraie expédition. Mais retrouver la région de Manosque et un si joli village que Mané se mérite.
C‘est en juin que les fleurs sauvages sont les plus belles en Haute Provence. A 16 ans, Milva cultive son don pour le dessin ; elle s’inquiète pour Théo qui ne vit que de combines et d’affaires louches d’un autre calibre que lui.
De belles descriptions de paysages sur la beauté calme des fleurs et des arbres ne suffisent pas à accrocher le lecteur pour une histoire dont on sent venir la fin.
"Gil" apparaît tel un récit coloré dont les mots en échos se répondent à la manière du poème « Correspondances » de Baudelaire, entre ouïe, odorat, vue et toucher, pour raconter l’histoire d’un jeune homme qui se découvre devenir un grand chanteur lyrique. C’est ainsi que l’on surprend l’un de ses professeurs, Marguerite Meyer, fredonner au passage d’une page tournée « Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir » ; c’est aussi comme cela que l’on arpente les décors et les lieux présentés, mouvants, comme si les mots mis en harmonie pour les dépeindre étaient traduits en notes, en portées, dans le mouvement d’un chant silencieux : « Une légère vibration émanait des rues. Et les lignes des façades bougeaient dans la fontaine » ; « Giboulées de mars en mai. Gammes ascendantes en Ré ». D’ailleurs, quand Gil s’installe au piano, « il fix[e] les signes noirs et blancs de la partition pour en tirer des couleurs ». En outre, en suivant le parcours brillant de Gil au Conservatoire, rue de Madrid à Paris, où il remporte tous les premiers prix, on assiste également aux diverses leçons données par ses différents professeurs aux cours desquelles, exercices et techniques vocales sont retranscrits avec minutie et précision. Cette volonté de traduire la musique et les indications la concernant entre les professeurs et Gil est matérialisée par un système de ponctuation particulier. En effet, les trois points de suspension évoquent les sons joués ou chantés entre les prescriptions données. Par exemple, le premier professeure de chant de Gil, Lucienne Franck, qui symboliquement mourra le jour de la première de Gil à Covent Garden, comme si s’achevait là sa mission de révélation à lui-même pour son élève, s’exprime ainsi auprès de lui : « C’est ça…oui…oui…oui…oui…un oui lié…Tenez bien le o…ya…ya…ya…ya…Vous avez plus d’espace derrière…pas seulement derrière le nez…Epaules basses…Allongez la nuque (Lucienne Franck touche les épaules de Gil et les tire en arrière)…Pas de raideur dans le cou…ya…ya…ya…Très bien…[…] ». Enfin, pour inviter le lecteur à pénétrer dans l’univers de l’opéra sans connivence avec un compositeur en particulier et sans-doute pour le plaisir absolu de la musique jouée sur scène ainsi que dans ses coulisses, l’auteure s’est ingéniée à inventer, tel Marcel Proust avec sa sonate de Vinteuil, toute une séries d’œuvres musicales entièrement fictives mais terriblement crédibles de par les sonorités employées à leur égard. C’est ainsi qu’on peut assister alors à la répétition de Gil en qualité de soliste pour la Cantate profane de Philip Toop ou encore que l’on peut l’entendre interpréter sur le papier, le rôle de l’Asino dans La Caballa Del Cavallo Pegaseo d’Isidoro Malpighi, etc.
Génie des mathématiques venu à Paris poursuivre ses études, Chandra découvre la ville et s’acclimate à la France, tout en restant en lien étroit, grâce à Skype, avec sa famille à Calcutta : son père, ingénieur qui dirige une usine de traitement de l’eau, sa mère, si sensible à la cause des femmes, ses deux petites sœurs chéries, et sa grand-mère, qu’il voit avec inquiétude doucement décliner.
Le jeune homme est brillant et curieux. Surnommé le scribe par une autre étudiante parce que, dans sa chambre de bonne, il travaille assis en tailleur, comme le Scribe accroupi du Musée du Louvre, il parcourt Paris tout en gardant un œil tendre et protecteur sur ses proches en Inde. Le récit se déploie au fil de mille détails, dans une peinture fine et précise qui superpose peu à peu deux ambiances, deux vies aux antipodes l’une de l’autre qu’internet permet à Chandra de vivre quasi simultanément.
Les personnages esquissés avec justesse et tendresse s’avèrent attachants et crédibles. Si leur vie aisée et leur affection les entourent d’une bulle protectrice, l’on sent la fragilité et le miracle de leur équilibre dans un monde aux multiples et menaçantes dissonances : tandis qu’il s’émerveille des beautés de Paris, Chandra remarque un militant écologiste blessé par un tir de LBD et des gitanes malmenées par la police. Son père est victime de malveillance et, dans la concurrence acharnée pour la maîtrise économique de l’eau, sa station d’épuration empoisonnée. Sa mère se fait insulter quand elle conduit en Inde, certains temples restent interdits aux femmes malgré les lois, et tandis que les moussons se font de plus en plus violentes, les réservoirs naturels d’eau disparaissent sous des montagnes d’ordures à ciel ouvert.
Fine dentelle d’infimes détails laissant entrevoir de sombres profondeurs, ce texte agréable aux ambiances prégnantes est d’une extrême délicatesse. Emportée par ma lecture, je suis toutefois restée sur la perplexité de son absence de réel dénouement, frustrée de devoir quitter les personnages comme au milieu de l’exercice de funambule de leur fragile et attachante existence.
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