Nicole à chroniqué pour nous "Tomber" le roman d'Eric Genetet publié aux Editions Héloïse d’Ormesson
Quand Mariano a-t-il commencé à tomber ?
Quand l’orthophoniste a annoncé à sa mère qu’il était dyslexique, et que Mariano a décelé tristesse et déception dans ses yeux ?
Quand celle-ci a quitté le domicile conjugal, sans laisser d’adresse, sans donner signe de vie ?
Ou avant, quand ses parents ont commencé à se disputer ?
Quoi qu’il en soit, il est déjà tombé bien bas au début de ce roman, alors qu’il vit seul avec un père, inspecteur de police, devenu inatteignable, prisonnier de son chagrin et de son alcoolisme.
Mariano a treize ans, un profond sentiment d’échec, une terrible culpabilité. Il est écrasé par le destin.
Sa mère est partie depuis un an, nous sommes le 5 juin 1983 et Yannick Noah va disputer la finale de Roland Garros.
Et pour Mariano, cette finale brille comme un phare dans la brume, un phare qui indiquerait l’entrée du port, un phare comme un espoir.
En effet, Mariano n’a qu’une passion dans la vie : le sport. Que ce soit au collège ou à l’extérieur, c’est le sport qui lui permet d’exister, d’être reconnu, d’être apprécié. Alors si Yannick Noah gagne, Mariano aura le courage de parler à son père, de crever l’abcès des non-dits qui les tue peu à peu depuis un an.
Une grande partie de ce roman nous fait vivre en direct cette journée particulière. Mariano partage son désespoir, son mal de vivre : « Je venais d’avoir douze ans, j’étais un confetti. Celui qui reste au fond du paquet quand la fête est finie »
Quand Noah s’engage sur le chemin de la victoire, qu’un peu d’optimisme semble permis, il nous confie ses doutes : « Je me demande si je suis autorisé à aimer mon père et ma mère, si l’amour est obligatoirement réciproque. Si on en manque, fait-il des trous ? »
Et pour finir, il nous hurle sa détresse : « Le goût rouillé de l’injustice harponne chaque cellule encore vivante de mon corps. »
La narration à la première personne nous permet de partager intensément les émotions et les souvenirs qui traversent cette journée fatidique.
Le style est concis. Le découpage en paragraphes courts, bien aérés donne des respirations à ce livre mélancolique.
Et peut-être est-ce ce qui m’a gênée dans ce roman : il n’évite pas toujours le pathos. Mariano fait le point sur ses vies familiale, scolaire et sociale. Partout il a un sentiment d’échec, d’inutilité. J’aurais préféré plus de légèreté dans la forme afin que ces émotions soient davantage suggérées que martelées. J’ai lu ce livre en une seule traite car il est captivant et facile à lire, mais j’en suis sortie assommée : les trois pages optimistes de la dernière partie n’ont pas réussi à me faire sortir du plomb des 146 pages précédentes. Mail il est vrai que l’adolescence n’est pas l’âge de la demi-mesure.
Je vous conseille la lecture de ce roman intimiste. Cependant lisez-le un jour de moral au beau fixe.
Merci à Nicole pour cette belle chronique, et merci d'avoir répondu à nos questions, à votre tour de découvrir notre lectrice du mois de juin !
Le livre qui a bercé votre enfance ? La série du Club des 5 et celle du Clan des 7
Le livre qui vous donne le moral ? Le sel de la vie, de Françoise Héritier.
Le livre que vous relisez tout le temps ? Je relis assez peu les livres : je n’ai déjà pas le temps de lire les nouveautés. Et ma « Pile à lire » n’est plus une pile, c’est une tour !!!
Le livre que vous offrez le plus ? Au gré des découvertes… J’ai beaucoup conseillé En vieillissant les hommes pleurent de J L Seigle.
Le lieu idéal pour lire ? Partout où je peux m’isoler, ou je peux être au calme. Actuellement, dans un fauteuil sur la pelouse, face à la mer.
Et vous ?
Si vous étiez un livre, vous seriez ? L’écume des jours, de Boris Vian
Si vous étiez un personnage de roman, vous seriez ? Emma Bovary : elle ne supporte pas la médiocrité, elle cherche toujours le mieux… au risque d’en mourir.
Si vous étiez un auteur ? Victor Hugo, témoin de son siècle, humaniste, visionnaire. Un poète puissant et un grand romancier.
Quel lecteur êtes-vous ? Éclectique, parfois compulsive. J’ai un rapport sensuel à la lecture. J’aime physiquement l’acte de lire, de transformer ces petits signes alignés sur du papier (ou plus rarement un écran) en idées, en émotions.
Pourquoi et quand allez-vous sur lecteurs.com ? Pour lire les avis d’autres lecteurs avant de choisir un livre. Pour partager mon opinion sur un livre. Et surtout pour avoir le plaisir de faire partie d’une communauté de lecteurs.