"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Et pourtant, il y avait eu ce matin où tout devint grisâtre, où quelque chose dérailla pour toujours, où la maison bleu ciel de Santa Fe perdit son éclat de couleurs, ses rires, sa cadence harmonieuse, comme le son de la petite chanson qu'elles aimaient chantonner dans le patio à l'ombre de la vigne. Les petites filles s'en allèrent. Jamais plus on ne se reverrait. On ne le savait pas encore, mais comment aurait-on pu le deviner ? C'était à la mi-septembre 1974, un an après le coup d'État. Un an de bonheur paisible, intense, en dépit des grandes douleurs, la disparition de Bauchi, la mort des amis. Oui, ce jour-là, un printemps froid, un matin glacé, je le sais, parce que je les vois encore, toutes deux, mes petites filles, je leur avais mis ces manteaux, en grosse laine naturelle, les petites mains rondes, transparentes, je les serrais très fort, je les frappais même, et il n'y avait rien à faire, elles refroidissaient minute après minute. Elles tremblaient, moi aussi. C'était la despedida, l'adieu, qui sait quand on se retrouverait, et où... Un jour d'octobre à Santiago est un long parcours de la mémoire, un journal à plusieurs voix, à plusieurs lieux : la maison bleue de Santa Fe où un homme, une femme et des enfants, vécurent la résistance à la dictature ; la maison de torture «Jose Domingo Canas» ; Cuba où se trouvent les survivants ; Paris.
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