Découvrir un Vintage noir choc qui n’a pas perdu de son actualité...
La petite ville sudiste de Caxton est déboussolée : l'arrêt de la Cour suprême vient de tomber ; désormais, les écoles publiques sont ouvertes aux enfants noirs. On s'étonne, on s'agace, et puis finalement on laisse faire.
Jusqu'à l'arrivée d'un intrus.
L'inconnu s'installe, intrigue, séduit, et petit à petit distille le poison : des Noirs ? Avec vos enfants chéris ? Vous n'y pensez pas !
Alors on s'invective, on rugit, on brandit le poing. Et puis montent la fureur, la haine, le sang...
Découvrir un Vintage noir choc qui n’a pas perdu de son actualité...
En cette fin des années 50, la petite ville sudiste de Caxton est en émoi : La Cours Suprême des Etats-Unis vient de confirmer que les écoliers noirs auront bel et bien le droit d’étudier dans les écoles blanches à la prochaine rentrée, le dernier verrou législatif vient de sauter. Tous les habitants blancs de Caxton sont mortifiés et impuissants, et beaucoup envisagent de ne plus envoyer leur rejeton en classe pour qu’ils ne côtoient pas les enfants noirs. Débarque alors un homme blanc, bien habillé et beau parleur, qui leur explique que tout n’est pas perdu, qu’il y a un moyen de faire échec à cette décision scélérate et ainsi, stopper l’intégration pour l’ensemble du pays. Adam Cramer parle bien, il sait arranger la vérité à sa guise, distiller les fausses informations, choisir les mots qui vont galvaniser, et son discours fonctionne sur une foule bien vite chauffée à blanc, son discours fonctionne bien, très bien...trop bien. Cramer à enclenché quelque chose qui bien vite, le dépassera complètement.
Je ne connaissais Charles Beaumont que comme auteur d’un certain nombre d’épisodes de « la Quatrième Dimension » (et pas les moins bons), mais je ne savais pas qu’il avait écrit des romans, ou tout du moins un roman « Un intrus », en 1959. Ce roman est le symbole de l’époque dans laquelle il a été publié : l’intégration en est à ses balbutiements, les résistances sont farouches dans le Sud, le communisme est désormais un épouvantail qu’on met à toutes les sauces, D’un autre côté, le souvenir de la Guerre et des horreurs nazies est encore vif sans pour autant que l’antisémitisme d’une certaine Amérique n’aie été purgé. Beaumont va brasser tout cela dans « L’Intrus », et les références explicites ou implicites à l’idéologie nazie sont à la base du roman. Dans une ville qui présente un terrain ultra favorable, il fait débarquer de nulle part un type beau parleur, charmeur, qui va déployer tous les éléments du populisme qui ont si bien fonctionné en Allemagne. Cramer ment, biaise, bidouille la réalité, manipule les mots, retourne les évènements toujours à son avantage (si ses admirateurs vont trop loin et deviennent violents, ils accusent ses adversaires, le bon vieux coup de l’incendie du Reichstag en somme !). Quel est son but ultime, quelle ambition folle le motive ? Lorsque des journalistes new-yorkais se mettent à enquêter sur sa jeunesse, sur son adolescence, ils tombent des nues ! Adam Cramer est-il seulement convaincu par son propre racisme, la lutte contre l’intégration n’est-elle pour lui qu’un instrument au service de sa propre ambition ? Plus on avance dans le roman, plus cet homme devient fuyant et insondable, plus ses motivations deviennent floues et inquiétantes. Écrit et publié en 1959, « Un Intrus » est, en 2021, d’une modernité qui fait presque tourner la tête. Voilà un roman qui démontre que les populistes d’aujourd’hui, les Orban, les Trump, les Johnson, les Zemmour ne font que réutiliser les vieilles recettes d’un vieux grimoire moisi par le temps, qu’ils n’ont rien inventé, qu’ils ne font que reproduire des schémas vieux comme le monde au profit de leur idéologie du moment : les Noirs en 1959, les Mexicains, les Musulmans ou le Brexit aujourd’hui . Découvert par hasard, « Un intrus » s’est avéré être une bonne surprise, juste un peu gâchée par une fin légèrement expéditive et pas très claire (et on y croit moyennement, dommage…). Pour le reste, c’est agréable à lire : l’intrigue, qui va crescendo, est parfaitement lisible, et douloureusement crédible. On regrettera juste une petite digression inutile sur un couple, qui n’apporte pas grand chose. Les autres personnages sont le reflet de leur époque, tous ségrégationnistes, bien peu sortiront grandis du roman. On fermera les yeux sur les petits défauts de « Un Intrus », tant le message de fond est fort et implacable.
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