"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«Je me suis laissée prendre, comme une fille facile.» Ainsi parle Iris avant de se donner la mort. C'est un choc pour l'ensemble du lycée mais surtout pour Emma, Tom et leurs amis. Conscients d'avoir mal agi, ils tiennent à mieux comprendre ce qui s'est passé et à défendre la mémoire d'Iris.
Un baiser qui palpite là, comme une petite bête est un roman touchant dont le titre est trompeur. Car ce livre à destination des adolescents est plus profond que son titre poétique et aérien ne pourrait le laisser penser.
Au début, nous faisons la rencontre d'Iris, une ado qui, ayant vécu des événements traumatisants sans trouver ensuite aucune épaule sur laquelle s'appuyer, va finir par se perdre avant de se faire aspirer dans la spirale infernale du harcèlement scolaire... le tout finissant par la conduire à se donner la mort.
Par delà la mort, l'ombre d'Iris est omniprésente dans le roman. Car chaque chapitre est construit autour des pensées d'un de ses camarades, et rares sont ceux qui ne se sentent pas coupables de la disparition d'Iris et de leur attitude envers elle.
Avec beaucoup de justesse et de délicatesse, Gilles Paris nous (re)plonge dans cet âge ingrat où l'insouciance n'est souvent qu'une façade et où une jeunesse en manque de repères - parfois cruelle mais si souvent attachante - tente de se construire dans un monde rendu encore plus complexe et violent à la suite de l'avènement des réseaux sociaux.
L'auteur a pris le parti de clore cette histoire par une note d'espoir. J'approuve car si l'être humain peut parfois le pire, il reste aussi souvent capable du meilleur.
Le roman débute par le témoignage d'Iris. L'adolescente parle de son beau-père, de ses petits copains et de tous ces garçons qui ont déjà défilé entre ses bras malgré sa courte vie, explique comment sa mère la considère, le peu d’intérêt que lui porte sa famille, mais aussi ses amis et camarades du lycée. Puis son suicide frappe le lecteur d'un grand coup de poing dans l'estomac.
Et pourtant, qui est coupable parmi les élèves, les amis, les camarades ? Sans doute chacun d'eux tour à tour, par leurs attitudes, leurs actions, leurs mots et leurs railleries. Tous par leurs silences, à l'ignorer, la décrier, l'insulter. Et les réseaux sociaux, complices de ceux qui ont agit, dit, filmé, montré.
Viennent ensuite les témoignages de la très sage Emma, de Sarah et Chloé ses meilleures copines, de Solal son amoureux, de Tom, le jumeau d'Emma, l'inséparable, puis Romane, Timothée, Aaron, Julian, Léon, Virgile, etc. Chacun à son tour se sent en partie coupable, raconte, essaie de comprendre, de s'excuser, de s'accuser, de remonter le temps pour que cela ne soit pas, mais aussi de continuer le fil de sa propre vie, au milieu de tant de questions, d'interrogations, d'incompréhension.
Ils sont jeunes, boivent beaucoup, fument de la beuh au lycée ou les soirs de fête et de beuverie. Ces soirs-là, comme l'argent ne semble pas un problème pour en trouver, l'alcool coule à flot, les filles saoules deviennent faciles et les garçons se croient beaux et forts. Les jalousies s'exacerbent pourtant lorsque les beaux gars du lycée s'intéressent à d'autres, y compris aux copines...
Ce roman aborde les conséquences du harcèlement scolaire. Un sujet d'actualité dont on parle trop peu, à part pour quelques affaires médiatisées puis oubliées. En parler, le faire lire, et sans doute ensuite l'évoquer avec ses ados est sans doute une excellente solution pour éviter le pire.
J'avoue sincèrement que j'ai eu très peur en commençant ce nouveau roman que l'écrivain Gilles Paris publie cet automne chez Gallimard. Puis je me suis dit que cette histoire s'adressant en premier lieu à de jeunes lecteurs à partir de 15 ans, et ayant déjà eu moult fois l'occasion d'apprécier la fine écriture et la sensibilité à fleur de peau de Gilles Paris, je me devais de lui faire confiance cette fois encore. Même si...
Cette histoire, c'est celle d'Iris, lycéenne. Mais c'est aussi celles de ses camarades, de ses amis. Tous ceux qui savaient, qui n'ont rien dit, qui ont participé, qui n'ont pas voulu ou pu voir ou entendre et qui, à présent, doivent vivre avec ça, quelle que soit la façon dont ils décident de le faire.
Ce premier chapitre consacré à Iris nous dit l'indicible, l'horreur, le silence du cri, celui qu'elle nous lance, hurle en silence et qui nous revient en écho, comme la résonnance d'une balle dans une partie de squash.
Cette histoire fait mal au parent que je suis, à la mère que je suis. Mais elle est d'une nécessité absolue et nous montre, s'il le fallait encore (et visiblement il le faut) la fragilité d'un jeune, fille ou garçon peu importe finalement, être en construction. Elle nous rappelle avec force également la destruction d'une personne en devenir, la nocivité ô combien des réseaux sociaux.
C'est l'histoire d'un viol incestueux, de la dérive qui l'a accompagné et du harcèlement qui l'a poursuivi jusque dans ses derniers retranchements. C'est aussi l'histoire d'une parole qui n'est pas entendue, encore moins écoutée. Et celle d'un drame vécu avec plus ou moins d'intensité, d'interrogations, d'incompréhensions, mais jamais dans l'indifférence.
Et c'est ce qui fait toute la différence justement, toute la force de ce récit, renforcée par la forme qui lui accorde Gilles Paris en donnant tour à tour la parole, la voix à tous ces jeunes pour remplacer, réparer, évoquer ce qu'ils sont, ce qu'ils font, dans ces jours, ces semaines qui suivent le geste définitif d'Iris.
C'est un récit qui bouleverse bien sûr et qui, par voie de conséquences, nous alerte, nous bouscule, nous réveille. Un récit à mettre entre toutes les mains quelque soit son âge.
Avec Gilles Paris, l'actualité est constante et d'une redoutable acuité. Entre son livre autobiographiques sur ses années de dépression, l'adaptation de son livre vedette "Autobiographie d'une courgette" en BD... c'est sur un nouveau registre qu'il s'engage ; celui de l'adolescence, de ses vertiges, doutes et violences amplifié par l'impact existentiel des réseaux sociaux.
Récit choral d'une poignée de jeunes gravitant au cœur même d'un lycée autour d'Emma et de son frère Tom, les personnages centraux de cette histoire tragiquement actuelle. On ne peut pas, en le lisant, ne pas penser à une autre lecture portée à l'écran en série "13 reasons why" de Jay Asher.
Entre Emma et Tom, c'est indiscutablement une complicité exceptionnelle, souvent propre aux jumeaux, il y a une solidarité totale. Tous deux sont issus d'un milieu aisé, leurs parents peu présents, leur laissent une totale liberté quant à leur vie privée.... ce qui permet à l'un comme à l'autre d'alterner soirées très arrosées jusqu'à une certaine autodestruction pour l'un, premières relations sexuelles et amoureuses pour l'autre. L'un comme l'autre sont de leur temps, n'ignorent rien des réseaux sociaux et du drame dont ils sont comme leurs amies / amis responsables, à des degrés différents, qui est la toile de fond de ce livre ; le suicide d'Iris.
Cette plongée dans la tête, les habitudes, l'irresponsabilité, le manque de remords, la cruauté d'une communauté adolescente est rendue avec brio en courts chapitres, autant de pièces de puzzle jusqu'au choc final qui ne pourront que changer la vision du lecteur. Les personnalités dévoilées, leurs pensées, le déroulement de faits aussi beaux pour certains que crus voire cruels est d'une inquiétante mais si actuelle chronologie. Les personnages sont finement rendus, quelle acuité dans la vie de nos enfants et ados, de leurs limites, de la violence dans laquelle ils sont plongés depuis une dizaine d'années. C'est aussi un plaidoyer pour la tolérance, les limites des libertés individuelles de ces ados et l'incroyable facile basculement entre l'insouciance et de véritables drames.
Merci pour ce témoignage.
Si vous me suivez régulièrement, ce qui est une excellente idée que vous devriez partager, vous savez que j'aime beaucoup les livres de Gilles Paris et celui-ci ne fera pas exception. Ce qui m'a surpris, pourtant habitué à l'écriture du romancier, c'est le ton, et cela dès le début. Du rentre-dedans, pas de mièvrerie et de sucré, Gilles Paris commence très fort, son premier chapitre est dur, fort voire violent : "Ma mère ne m'a pas crue. Elle m'a dit qu'une fois de plus je voulais faire l'intéressante et le mal autour de moi. Puis elle m'a giflée. Je me suis enfermée à clé dans ma chambre. Ce que je fais chaque soir, au cas où il reviendrait. Je revois la pénombre de l'autre nuit, où je sens son odeur de cigare tout autour de moi. Je veux allumer la lampe, mais mon beau-père m'en empêche. Je crois mourir quand il se couche sur moi de tout son poids." (p.9) Et la suite est encore malheureusement plus dure. Puis, dans les chapitres suivants, Emma, Tom, Timothée, Gaspard, Chloé, Aaron, Sarah, Léon, Solal, Virgile, tous autour de 15/17 ans racontent leurs vies qui tournent beaucoup autour de l'amitié, l'amour, le sexe. Beaucoup de soirées dans lesquelles les jeunes gens se retrouvent, boivent et flirtent et souvent plus. Ils testent leurs limites, aiment se faire peur en allant trop loin. L'adolescence où l'on se sent invincible même si la mort les a touchés récemment avec celle d'Iris.
Gilles Paris, dans de courts chapitres, aborde des questions qui taraudent les jeunes souvent dans des familles dans lesquelles les parents sont dépassés, par le travail, parce qu'il en ont trop ou pas du tout, par les séparations, les conflits. Il y est aussi question des problèmes liés aux harcèlements, à la violence et aux comportements qu'ils peuvent entraîner chez les victimes. Son écriture est extrêmement moderne, vive, rapide et émaillée de mots et expressions contemporains -je rassure les vieux comme moi, il y a un lexique des ados à la fin. Et puis, on apprend à connaître les jeunes gens qui interviennent dans cette histoire, à vouloir les aider, à compatir à leur mal-être. Gilles Paris, tout en finesse en fait des personnages très vivants et réalistes, des adolescents dans un monde pas facile où tout est tentation et l'avenir pas très engageant.
J'ai beaucoup aimé ce roman, par sa construction avec l'alternance des narrateurs, par sa langue et le ton résolument moderne, frontal. Un ton qui devrait plaire aux ados de l'âge des héros et au-dessus (sans doute pas en-dessous, mais peut-être suis-je trop protecteur), et que je conseille fortement aux parents itou. Le mieux étant de le lire pour savoir le conseiller et en parler ensuite aux et avec les ados.
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