Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
« J'ai souvent pensé que le destin d'Andrea serait tragique. Il est des gens qui se précipitent aveuglément au coeur de chaque angle imprévu comme pour se réinventer et, assurément, ce sont les suicidaires qui confrontent le plus leur ego à celui d'autrui. L'acte de mourir est un droit acquis, tout comme celui de vivre, mais la plénitude qu'il renferme ridiculise toute tentative extérieure d'analyse ».
L'histoire d'un triangle amoureux marqué par le suicide.
Le narrateur observe les tourments qu'engendre cette "liaison dangereuse" dont il fait partie, mais d'où peu à peu il se sent exclu. Il décrit jusqu'à se l'approprier, la rencontre entre les deux autres protagonistes, Verónica et Andrea, le suicide de ce dernier puis tout ce qui en émane, comme en témoigneront ses minutieuses observations.
Un huis-clos à trois personnages.
Bien que sa présence soit affirmée à travers sa parole, on ne sait rien du narrateur qui apparaît et disparaît au fil du roman, comme un spectateur à l'affût, évoquant par là le (futur) lecteur.
Verónica elle, est auteure. Cela laisse entrevoir la fusion subtile et laborieuse entre elle et le narrateur, leurs réflexions se faisant écho. Andréa s'est suicidé. Il est le personnage fantôme du livre, l'être par lequel passent et sont questionnées toutes les attentes, jusqu'à l'épuisement et, au bout du compte, la transformation des ruines de ce chaos sentimental en une possible richesse : la reconstruction d'une vie à partir de l'acceptation et de la connaissance de soi.
Un roman du deuil.
Avec cette vaste méditation, avec l'écho des mots convoqués d'écrivains tels que Breton, Soupault ou Roud, Nivaria Tejera nous renvoie face à nous-mêmes, face au miroir de nos illusions, à scruter notre intime comme seul le langage poétique le rend précisément possible.
Il faut tout d'abord situer Nivaria Tejera, née à Cuba en 1930 , élevée aux Canaries, son père connut les geoles franquistes.. Elle revient à Cuba, rentre à Paris en 54, retourne à Cuba en 59 lors de la Révolution socialiste, elle sera secrétaire d'Etat à la Culture puis attaché culturel en Europe.En 1960, lors de l'avènement du parti Unique, elle rompt définitivement avec Cuba .
Ses textes sont marqués par cette errance, ce déracinement perpétuel, et surtout sa profonde révolte contre l'Amérique latine.
Dès les premières pages , j'ai compris que ce texte exigerait une lecture attentive, sans concession .
Les trois personnages forment à peine la trame du texte, le narrateur, sans nom, une femme Veronica, et Andrea, l'homme qu'elle aimait. Dans ce texte énigmatique, Andrea s'est suicidé, et Veronica ,à travers le narrateur , explique la tentation de la mort, omniprésente depuis l'Antiquité. Veronica et Andrea n'auraient-ils pas vécu il y a quelques siècles pour se retrouver là, maintenant à travers lui.
Se pose aussi le questionnement sur »la complémentarité d'une vie en commun devant l'incapacité à exister individuellement »
Beaucoup de références littéraires émaillent ce récit qui n'est pas un roman, mais un texte poétique : Musil, Baudelaire, des peintres aussi, Mantegna est souvent cité. Vermeer, Bosch
Peut-être une respiration plus concrète vers le milieu du livre, une diatribe contre l'Amérique latine que seuls les natifs peuvent écrire avec autant de violence.
Pour Veronica, tout détermine l'écriture:le bruit, le silence et ses minutieux murmures, l'état de l'âme, tout en fait et surtout la justification de la vie.
J'avoue avoir parfois pris le dictionnaire, notre langue est si riche(épreindre par exemple) et je pense que le traducteur, François Vallée, a fait des merveilles pour avoir ainsi traduit un texte difficile certes, mais poétique et si prenant.
Il n'est pas possible de lire à la suite un roman tout simple... Il faut se reprendre. C'était le premier texte que je lisais de cet auteur, et ne risque pas de l'oublier.
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