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Après Le droit d'emmerder Dieu, éloge du droit au blasphème, Richard Malka revient sur l'origine profonde d'une guerre millénaire au sein de l'Islam : la controverse brûlante sur la nature du Coran.
Plus qu'une plaidoirie, ces pages mûries pendant des années questionnent ce qu'il est advenu de l'Islam entre le VIIème et le XIème siècle, déchiré entre raison et soumission.
Les radicaux ont gagné, effectuant un tri dans le Coran et les paroles du Prophète, oppressant leurs ennemis - au premier rang desquels les musulmans modérés, les musiciens, artistes, philosophes, libres penseurs, les femmes et minorités sexuelles.
Plonger avec passion dans cette cassure au sein d'une religion n'est pas être « islamophobe », c'est regarder l'histoire en face.
Traité sur l'intolérance est une méditation puissante, un appel aux islamologues du savoir et de la nuance - pour qu'enfin chacun sache, comprenne, échange, s'exprime.
Je commencerai cette chronique par un rappel de la définition du mot intolérance. Selon le Robert : » c’est la tendance à ne pas supporter, à condamner ce qui déplaît dans les opinions ou la conduite d’autrui. Intolérance religieuse, politique. Synonyme : fanatisme. «
Ayant été confrontée, il y a quelques semaines, à ce genre d’attitude dans le cadre de mes ateliers à la maison d’arrêt, j’ai voulu comprendre.
J’ai trouvé dans ce livre les explications qui me faisaient défaut, notamment les deux courants de pensée contradictoires au sein de l’islam.
Ce petit livre d’à peine cent pages est passionnant. Ce qui le rend percutant, c’est que son texte est en fait » la plaidoirie prononcée le 17 Octobre 2022 au nom de Charlie Hebdo devant la cour d’assises spéciale de Paris en appel du procès des attentats de janvier 2015″ par Maître Richard Malka.
Merci, Maître, de m’avoir éclairée.
J’ai lu deux fois cette plaidoirie :
La première en faisant des pauses et en prenant des notes.
La seconde d’une traite.
C’est un essai qui aurait toute sa place en collège et lycée. C’est très instructif !
« Toute lecture est déjà une interprétation, qu’on le veuille ou non » Delphine Horvilleur
Quel texte ! d’une intensité rare, et un propos bien étayé !
Il s’agit de la plaidoirie du procès en appel des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, où l’auteur, après une évocation de la lâcheté de certains intellectuels, étudie le Coran et ses diverses interprétations : les mutazilites, le premier courant, tolérant, qui accordait une grande place au libre arbitre, supplanté par les littéralistes, qui prônent l’application du Coran à la lettre, courant dont sont issus le wahhabisme saoudien et le salafisme. L’islam des lumières face à l’islam des ténèbres.
Il nous permet de comprendre ainsi que toute interprétation peut donner lieu à des excès, notamment quand on évoque le blasphème selon que l’on s’inscrit dans tel ou tel verset du Coran. Il évoque les hadiths, les commentaires sur le Coran, et les interprétations superficielles qui peuvent donner lieu à des outrances, ou des croisades ou se faire taxer d’islamophobie.
Richard Malka dénonce la complicité de certains intellectuels, écrivains ou politiques surtout à gauche, et leur vision angélique de l’Islam qui ne condamnant pas le terrorisme islamiste au nom d’une soi-disant tolérance renforce au final leurs idées belliqueuses. Mais Salman Rushdie le dit beaucoup mieux que moi :
Salman Rushdie qui, dénonçant en 2017 « l’aveuglement stupide des gens de gauche qui font tout pour dissocier le fondamentalisme de l’islam », s’alarmait de « l’évolution radicale de l’islam, dévoré par ce fanatisme qu’est le wahhabisme » et nous exhortait ‘à voir la réalité des origines du jihadisme qui n’est pas extérieur à l’islam.
L’auteur cite au passage Claude Levi-Strauss et Jacqueline Chabbi, historienne et islamologue de renommée mondiale, ou encore, Adonis, Bernard Rougier, Gilles Kepel, Omar Youssef Souleimane…
Ce texte m’a beaucoup touchée, et m’a permis d’approfondir mes connaissances sur l’islam, avec une bibliographie fournie, certains auteurs étant dans ma PAL… j’aurais bien aimé l’entendre plaider en fait, mais j’entendais un peu sa voix dans le lointain. Ce serait bien de lire la plaidoirie du premier procès : « Le droit d’emmerder Dieu » ou encore « Eloge de l’irrévérence »
Il est difficile, en ce qui me concerne, de rédiger une chronique sur un texte aussi fort, ainsi que faire un choix dans les extraits que je vais partager car j’ai des notes partout, un nombre incroyable de textes soulignés, chaque phrase méritant d’être retenue, alors il faut lire ce texte et méditer sur le propos.
J’ai aimé la comparaison avec Thomas Mann qui avertissait, en 1936, l’Europe des dangers qui la guettaient…
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur.
#Traitésurlintolérance #NetGalleyFrance
https://leslivresdeve.wordpress.com/2023/09/30/traite-sur-lintolerance-de-richard-malka/
Complète « Le Droit d’emmerder Dieu ».
Richard Malka ressentait le besoin de préciser quelques unes de ses observations si bien présentés dans ce que je pense être son meilleur ouvrage, « Le Droit d’emmerder Dieu ».
En 4ème de couv. il le présente comme un appel aux islamologues du savoir et de la nuance. Mais il est tout aussi intéressant pour nous, lecteurs souhaitant quelques données culturelles ou une connaissance des origines des textes élaborés et manipulés par les différents courants gravitant depuis que le prophète Mahomet a été à l’origine du Coran. Seize siècles plus tard on est toujours autant noyé dans les 500 000 à 600 000 hadiths, ces textes qui complètent le Coran, celui-ci étant bien plus court que la Bible.
Richard Malka essaie de tenir compte des contextes pour s’approcher davantage de la littérature, aussi sacrée soit-elle. Il pointe ainsi quelques contradictions dans cette sourates, les met dans le contexte géographique ou historique qui a induit leur manipulation et donc certains dérapages.
Les punitions liées aux blasphèmes invoqués par les extrémistes sont pointées sans fard, surtout par des exemples recueillis dans les pays dits musulmans : des centaines de promesses de châtiments étant énoncés dans le Coran pour les mécréants, facile de les manier pour punir, tuer.
L’auteur essaie même de monter à quel point certains textes avaient une explication, voire une légitimité il y a seize siècles et étaient adaptés à l’environnement géographique. Un simple exemple, celui des textes créés pour les tribus autour de Mahomet, juste entre La Mecque et Médine, voire juste la péninsule arabique; rien à voir avec l’objectif mondial affiché ces dernières décennies.
Autant dire que c’est le seul fait de certains de ces apprentis prédicateurs qui détourne et légitimise les massacres.
Il navigue aussi entre Voltaire, Thomas Mann, Salman Rushdie, Samuel Paty, l’Egypte et son implication dans les textes, et bien d’autres faits en lien avec les explications qu’il cherche depuis si longtemps.
Citation : « J’arrive au terme de ce que j’ai à vous dire et j’espère que cela sera compris comme un message d’altérité. »
Après Le droit d’emmerder Dieu, plaidoirie prononcée lors du procès des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, en 2020, Richard Malka a dû argumenter à nouveau, deux ans plus tard, lors du procès en appel devant la cour d’assises spéciale de Paris. Il a intitulé cela Traité sur l’intolérance et c’est une nouvelle lecture enrichissante, à lire absolument puisque son texte a été publié.
En moins d’une centaine de pages, Richard Malka argumente, explique, revient en arrière, s’appuie sur les textes, sur le Coran en particulier, et cite quelques auteurs précieux, spécialistes de l’islam comme Jacqueline Chabbi, Gilles Kepel, Smaïn Laacher, Abdelwhahab Meddeb, Omar Youssef Souleimane, Adonis…
Cette plaidoirie du 17 octobre 2022 ne se résume pas. Il faudrait tout citer tellement c’est concis, précis et direct. En plus, Richard Malka ne refait pas la même chose que lors du premier procès. Il s’insurge d’abord contre « les beaux esprits du Collège de France » qui abandonnent les êtres humains à la terreur religieuse.
Ensuite, il remonte aux origines de l’islam, détaille l’opposition entre les mutazilistes et les hanbalites, au VIIIe siècle. Les uns agissent selon la raison, les autres, littéralistes, wahhabistes et salafistes exigent une obéissance complète au Coran qui, selon eux, est incréé, c’est-à-dire venu directement de Dieu.
Richard Malka, méthodiquement, démontre toute la stupidité du blasphème, une insulte créée de toutes pièces par les religions monothéistes. Pour l’islam, la première codification du blasphème date du XIIe siècle, en Andalousie. Or, avec le blasphème, on trahit le Coran. Dans la sourate 4, verset 140, il est demandé de ne pas écouter la raillerie, de s’en écarter et qu’Allah s’en chargera.
Combien de crimes, de tortures, de souffrances abominables infligées par des humains à d’autres êtres humains au nom d’une hypothétique idée de Dieu ?
Dans son analyse précise et patiente des versets du Coran posant problème, Richard Malka fait ressortir les contradictions, les actualisations imposées sans fondement. Tout cela est très instructif.
Enfin, moment essentiel de cette plaidoirie, Richard Malka s’adresse aux universitaires, aux intellectuels, aux artistes, aux créateurs, aux exploitants de salles de cinéma, aux diffuseurs, aux journalistes, aux juges administratifs, aux autorités politiques du monde musulman, à nos politiques, aux théologiens, « et à nous tous pour que l’on en finisse avec l’obligation de respecter les religions. »
Enfin, il ajoute : « Il y aura éternellement des dessinateurs ou des femmes cheveux au vent pour défier les totalitarismes. »
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/06/richard-malka-traite-sur-l-intolerance.html
Cette plaidoirie appelle à l'humilité quant il s'agit d'en rédiger un avis.
Encore une fois, l'avocat dénonce le manque de courage, le laisser-faire, les compromissions, l'impossibilité de la nuance, la bêtise et les manipulations.
La plume est acérée, érudite, pédagogique et percutante.
J'avais commencé ma critique du "droit d'emmerder Dieu" en écrivant "lire cet essai, cela élève" ; là encore sans haine, presque lassé mais toujours engagé, Richard Malka m'a une nouvelle fois ébranlée.
Alors je terminerai en le citant " Ces pratiques n'existaient pas dans les générations précédentes. Aujourd'hui, elles explosent et, peu à peu, l'idée que le vrai islam serait celui des salafistes ou des Frères musulmans s'impose. Ne pas oser le dénoncer, ce n'est pas être tolérant, c'est abandonner les hommes à leur malheur".
Une plaidoirie essentielle pour réfléchir sur l'évolution de l'islam depuis ses origines et le dévoiement qui en a été fait par les tenants d'une version bornée, punitive et privative de toute liberté. Une plaidoirie nourrie par l'analyse des textes coraniques et l'apport d'intellectuels musulmans de renommée. A lire absolument pour comprendre, débattre et lutter contre l'obscurantisme.
Le texte de Richard Malka a la brièveté d’une plaidoirie, et condense son propos sur des éléments essentiels pour comprendre et s’exprimer en ciblant la Religion comme accusé : « À Charlie Hebdo, on ne s'y résigne pas. La religion est un sujet trop sérieux pour en laisser l'étude aux seuls religieux. » p 53
Si c’est l’islam et les textes du Coran qui font l’objet du regard critique de Richard Malka dans sa plaidoirie, son propos touche bien toutes les religions.
Malka a le verbe clair pour le réveil des consciences en démontant ce qui conduit à porter atteinte à la vie, aux attentats au nom de la religion avec, notamment, une inculture marquée particulièrement sur la compréhension (historique) des textes religieux et sur des contradictions patentes (résultant de la multiplicité de contributeurs), d’une religion vitrifiée par certains et de la nécessité de la mise en débat des textes (y compris pour le bien même des religions en général et de l’Islam en particulier) et surtout de ne pas céder aux peurs entretenues : « La peur, chez l'humain, ne peut produire que deux réactions : la violence ou la soumission. » p 16
A lire, écouter, méditer, partager.
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