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Aujourd'hui, entre les disparus et nous, il y a le mouvement des mots et il nous joint également à tous ceux qui ne sont pas là - que leur absence soit définitive ou temporaire.
Cette communauté-là, qui se développe dans la même substance verbale, dépend d'un exercice fragile, qui relève beaucoup moins de la mémoire que du langage. Et plus encore de l'écriture...
L'écriture, contrairement à ce qu'on croit, ne nomme pas - ou bien le fait très accessoirement. Elle assume l'absence et la tourne - la renverse...
Quelqu'un est là sans être là, qui ne doit pas sa proximité à l'évocation, qui la doit toute à l'épaississement méticuleux de la trace qu'il a laissée.
Ou à son creusement, bref au jeu patient de la contradiction entre le désir et l'insaisissable, le refus et l'acceptation, le oui de la venue et le non de l'effacement.
La Terre d'ombre de Jean Gabriel Cosculluela suggère tout cela dans l'infinie discrétion d'une parole chuchotée, qui toujours nuance, reprend, raréfie, affine, perfectionne, intensifie. L'élégie désaffublée du pathétique arrive enfin à cette nudité de langue, qui abolit la vieille confusion entre le sentiment et l'acte de poésie.
La mort est irrémédiable, mais les mots, parce qu'ils sont faits de la même poussière d'ombre, soufflent vers nous la forme sans figure où la présence passe et repasse la porte de la disparition.
BERNARD NOEL
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