"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En 2004, une ligne de tirages horizontaux et de témoignages qui initient une circulation inédite entre textes et images et courent cadre à cadre le long des murs d'une salle du Couvent des Minimes, crée l'événement au festival « Visa pour l'Image » de Perpignan. « 2/7 Shkodra », sidérante série couleurs de Guillaume Herbaut, connu jusque là pour des reportages en noir et blanc au Leica, nous plonge dans « un polar arrêtél », conçu dans la ville albanaise des crimes d'honneur, où chacun, qu'il veuille donner la mort ou sauver sa peau, vit cloîtré, la peur au ventre. Dopé par l'adrénaline du photographe, s'enfonçant dans le même chaos, le spectateur traverse son expérience oppressante. Il pénètre, avec lui, dans le mystère du crime, dans le secret de l'invisible, dans l'insaisissable photographique. Quatre ans plus tard, on n'a pas oublié notre malaise face à ce bloc d'images taillé dans l'effroi, à ces tableaux de deuil avec veuves, à ces enfants fantômes brandissant des couteaux d'assassin comme des peluches. Un sentiment de déstabilisation, d'intranquillité persiste. Ces images restent d'autant plus agissantes dans notre imaginaire que le beau et le mortel y cohabitent, qu'elles sont froides, mais qu'on s'y brûle. Ceux qui suivent le travail de Guillaume Herbaut ont vu venir cette évolution dès 2001, avec « Tchernobylsty », bloc de sensations qui, non content de faire résonner ce lieu hanté avec l'état du monde aujourd'hui, va en chercher traces et stigmates dans corps et paysages. Cette expérience humaine, qui déplace le reportage à la croisée du journalisme et de l'art, sans que l'un ne cherche à dévaluer l'autre, allie déjà frontalité, couleur et plasticité et sert une narration qui dépasse l'événement. Après, arrivent « 1/7 Livry », « 2/7 Shkodra » et s'y articulent, issus de commandes de presse ou du marché de l'art, cinq autres fragments d'une fresque tragique avec revenants pris dans l'enfer d'Auschwitz (3/7 Oswiecim), de Tchernobyl (4/7 Slavoutich), de Nagasaki (5/7 Urakami) ou de Ciudad Juarez (6/7 Ciudad Juarez). Une réflexion sur l'événement entre intime et Histoire, entre mémoire et oubli, entre image du monde et image fabriquée. Car la force de Guillaume Herbaut, membre de l'OEil Public, vient de ce qu'il construit des fictions qui touchent la mémoire collective parce qu'elles prennent racine dans un réel non faussé : là, il met les pieds dans la glaise des lieux de crime, là, il scrute le niveau de radiation de la forêt. Ses cauchemars narratifs tranchent, du coup, avec les histoires formatées que nous sert la société du spectacle. Avec lui, le spectateur n'ignore pas qu'il est face à une représentation, mais au lieu de s'endormir, il se réveille.... par Magali Jauffret Texte écrit par : Bruno Masi / Belina Boudini / Klara Buda /Arthur Gerbault / Magali Auffret.
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