"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans ce village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait, et personne ne dit rien. Jeanne, la narratrice, apprend tôt à esquiver la brutalité perverse de son père. Un jour, pour une réponse péremptoire prononcée avec l'assurance de ses huit ans, il la tabasse. Convaincue que le médecin du village, appelé à son chevet, va mettre fin au cauchemar, elle est sidérée par son silence.
Dès lors, la haine de son père et le dégoût face à tant de lâcheté vont servir de viatique à Jeanne. À l'École normale d'instituteurs de Sion, puis à Lausanne, la jeune femme, que le moindre bruit fait toujours sursauter, trouve enfin une forme d'apaisement. Le plaisir de nager dans le lac Léman est le seul qu'elle s'accorde.
Habitée par sa rage d'oublier et de vivre, elle se laisse pourtant approcher par un cercle d'êtres bienveillants que sa sauvagerie n'effraie pas, s'essayant même à une vie amoureuse.
Dans une langue âpre, syncopée, Sarah Jollien-Fardel dit avec force le prix à payer pour cette émancipation à marche forcée. Car le passé inlassablement s'invite.
Trois femmes, un homme.
Une mère, ses deux filles, un père.
Abusif, violent, protégé par le silence des proches, des voisins.
Seule Jeanne, la fille cadette, arrivera à fuir ce lieu qui n’a de foyer que le nom. L’internat d’abord, les études dans une ville éloignée, une fois partie, elle ne reviendra plus mais restera pourtant liée à ce passé traumatique.
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Sa préférée, c’est l’histoire d’une victime de violences qui en portera la marque toute sa vie. Peu importe le nombre de kilomètres mis entre elle et son père, Jeanne n’oubliera jamais et la moindre de ses actions, le plus infime choix, seront dictés par les expériences de son enfance.
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J’ai été très touchée par ce roman, en empathie totale avec Jeanne ; l’écriture est puissante, porteuse d’émotions. Lola Naymark arrive à trouver le ton juste, à ne pas verser dans le mélo, ce qui était précisément l’écueil à éviter avec ce type de texte.
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Une belle écoute, dans le cadre du Prix Audiolib 2023.
« Sa préférée » est l’histoire d’une reconstruction, celle de Jeanne, la narratrice, qui a grandi dans une famille dysfonctionnelle où le père avait la main lourde et l’insulte facile. La mère effacée tente d’offrir tout l’amour à ses filles dont une sœur aînée souvent victime des colères du père. Habitant un petit village suisse, tout le monde sait les violences dont le père est l’auteur mais les voisins préfèrent fermer les yeux et se taire.
Par le résumé du livre, le lecteur se rend vite compte qu’il va se trouver face à un récit difficile : celle des violences intra-familiales. Pourtant, son autrice, Sarah Jollien-Fardel, en a tiré une histoire menée par une héroïne forte en apparence mais dont les faiblesses la rattrapent, et ce, même après avoir quitté le domicile familial.
Ce premier roman est bouleversant par la façon dont l’autrice à de conter l’innommable où les gens vont favoriser le silence à l’action et faire comme s’ils ne savaient pas. Même si le roman ne compte que 200 pages, on n’a pas l’impression que des éléments auraient été oubliés et aucune phrase ou passage n’est superflu.
Le livre est narré par l’actrice, Lola Naymark, dont la voix douce apporte une touche solaire à la vie bien sombre de Jeanne. Dès les premiers mots, j’ai été aspirée par le récit et eu l’impression que l’actrice et la narratrice ne faisaient plus qu’une. C’est un peu comme si la lectrice incarnait en lieu et place cette héroïne, Jeanne et qu’elle nous narrait sa propre histoire personnelle. J’ai vraiment été totalement envoûtée par son brin de voix unique.
Au vu des qualités entourant ce livre, il n’est pas étonnant qu’il ait été primé au Prix du Roman Fnac 2022 et du Choix Goncourt de la Suisse 2022.
Jeanne la narratrice relate des épisodes de sa vie d’enfant et d’adulte marquée par un père maltraitant. Jeanne grandit dans le Valais suisse, une région montagneuse et rustique où les langues se délient peu et ou les affaires de famille restent secrètes. Claire, la mère de Jeanne est battue par son mari, elle subit sa colère pour un rien mais se résigne à cette violence. En règle générale, Jeanne parvient à esquiver et anticipe les accès colériques de son père avec beaucoup de caractère et une forte envie de s’en sortir. Lorsque sa soeur Emma se suicide car elle a subi bien plus qu’elle les affronts d’un père abusif, le rupture entre Jeanne et ce qu’il reste de sa famille est inéluctable. Elle s’installe à Lausanne, devient institutrice et s’autorise une vie amoureuse. Mais il n’est pas si facile d’oublier les traumatismes d’une enfance ravagée par la violence, il est même quasiment impossible de s’extraire du carcan de la maltraitance pour correspondre à une norme sociale élitiste.
Ce roman traite du combat mené par une enfant, puis une adulte contre un père qui souffre de toutes les tares possibles et imaginables : maltraitant, violent physiquement et verbalement, alcoolique, abusif (non pas envers l’héroïne Jeanne mais envers sa grande soeur Emma, qui était « la préférée » du père)… Le monstre caché sous le lit des classiques peurs d’enfants prend aux yeux de Jeanne le visage de son propre père. Le manque d’amour et d’éducation est flagrant. Si elle s’en sort dans la vie c’est grâce à sa mère et à l’intérêt que celle-ci porte aux livres. C’est par les mots que Jeanne parvient à surmonter ses traumatismes, c’est en se réfugiant dans les livres qu’elle entrevoit un autre monde, celui pour lequel il faudra se battre avec ardeur pour échapper à sa condition. Au fur et à mesure de ses expériences dans la vie, Jeanne se découvre, s’apprend, s’étonne de ce qu’elle peut ressentir, elle qui a tant été bridée, brimée, rudoyée, blessée. Mais après toutes ses années de maltraitance, de « conditionnement » à subir, Jeanne qui devrait avoir le droit de vivre, garde en elle des traces ineffaçables de son passé. En dépit de ses efforts et de son parcours abouti dans l’échelle sociale, une part d’elle-même sera toujours imprégnée de l’héritage primitif du père. Elle se surprend à des excès de violence qu’exacerbent certaines situations de conflit. Comment se construire dans ces conditions ? Dans ce sens, Sa préférée relate une sorte de parcours initiatique, on peut le comparer à un récit d’apprentissage, celui d’une jeune femme coupée d’une vie sereine par la violence parentale, le dénigrement et des brimades inoubliables et impardonnables. Il est question du pardon dans ce livre, ou plutôt de l’impossibilité de pardonner tant les blessures sont béantes et sans cesse réssucitées. A mille lieues de la moderne résilience, ce livre est une autopsie de la souffrance psychologique instaurée par la violence.
L’écoute de ce roman est d’une grande intensité. La voix assurée de Lola Naymark vibre de toutes les émotions ressenties par Jeanne. Avec simplicité, celle-ci évoque ses souvenirs, fait le constat de ce qu’a été son enfance, et l’on comprend petit à petit le pourquoi du comment. Comment elle en est venue à détester les hommes (sauf un), à ne pas leur faire confiance. Avec ce qu’il me reste d’âme d’enfance, j’ai parfaitement compris ses sentiments, sa haine et la difficulté qu’elle peut avoir à pardonner. Dès les premièrs chapitres, le récit apparaît poignant et douloureux, horrifique parfois. Certains passages sont emprunts de poésie par rapport à la nature, (notamment au lac Léman qui lui apporte beaucoup de sérénité), car celle-ci l’éveille à la vie. J’ai par dessus tout aimé l’écriture de Sarah Jollien-Fardel, cette façon de trouver avec précision le terme adéquat pour appuyer là où ça fait mal, elle a véritablement le souci du vocabulaire utilisé pour exprimer une idée ou un sentiment spécifique. Le réalisme est tel que l’on pourrait croire que ce récit a été vécu. J’ai pensé au cours de mon écoute à l’autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule de Edouard Louis qui m’avait beaucoup marquée et qui traite des mêmes problèmes, dans le même milieu défavorisé.
Je ne regrette absolument pas d’avoir tenté la lecture de ce roman en livre audio car l’écoute parfaite était très agréable, j’ai juste le regret (et c’est le seul inconvénient à mon avis du livre audio) de n’avoir pas pu m’attarder sur certaines passages si bien écrits, de ceux que l’on aime relire pour les savourer pleinement. Lancé dans l’écoute, sans avoir de crayon et de papier à disposition (car c’est là aussi l’intérêt du livre audio c’est de pouvoir faire autre chose en même temps), les mots filent trop vite pour les noter ou les retenir. J’ai tant aimé ce livre que j’ai trouvé cela dommage, mais qu’à cela ne tienne, je vais me procurer cet excellent roman en version papier pour le relire.
Je suis ravie d’avoir découvert cette autrice et je suivrai d
Genre : Roman sociétal
Avis : DIFFICILE
Quand l’enfance ne peut s’effacer…
J’aime les premiers romans, ils sont emplis pour moi de l’idée de découverte, d’interrogations sur la qualité d’écriture de l’auteur, sur son imaginaire, sa façon de provoquer des émotions. Je peux le dire, c’est réussi, d’autres lecteurs ont voté avant moi.
Années 70. Jeanne a appris à éviter les coups la plupart du temps mais cela n’est pas toujours possible quand on a un père pervers et que la mère ne peut que se taire et essayer de dévier les emportements sauvages. Elle n’a qu’une solution : étudier. Elle est intelligente, sa sœur ne l’est pas assez. Elle va tout faire pour réussir, pour sortir physiquement de la zone de danger. Qui devra-t-elle laisser derrière elle ? Pourra-t-elle oublier ?
Comment décrire l’atmosphère oppressante, jamais légère même dans les quelques bons moments, que distille ce roman ? Il n’y a pas des coups tous les jours, et Jeanne va vivre pour elle-même mais malgré cela, l’écriture est si précise, détaillée que rien ne peut s’oublier même un instant. C’est si subtilement fait que la fin sera un coup de tonnerre.
La narratrice, c’est Jeanne ! Alors toutes les actions passent par le filtre d’une enfant qui cherchera à devenir une adulte responsable et aimante. Elle quittera son village et partira sur Lausanne, découvrira Paris et se régalera des silences et de la solitude mais…
Le long supplice des femmes sous emprise nous est dévoilé petit à petit, par des touches d’une violence rageuse qui viennent avec les souvenirs de Jeanne. Le martyre des enfants, témoins et victimes, leur devenir est décrit de façon pudique tout comme la lâcheté de ceux qui savent. Il est terrible de voir que la peur et la rage parfois ne s’effacent jamais. Il est terrible de voir ce que « être la préférée » peur entraîner.
Conseiller cette lecture, c’est ouvrir la porte aux lecteurs de bonne volonté, ceux qui se serviront des émotions pour regarder sans détourner les yeux, pour affronter ce qui se devine, pour sauver ceux qui doivent l’être. C’est partager une douleur lancinante à travers une fiction basée sur tant de faits divers. Ce n’est pas une lecture facile et si vous choisissez comme moi, de l’écouter avec la voix chaude et passionnée de Lola Naymark, vous en serez d’autant plus bousculé.
Je remercie NetGalleyFrance et Audiolib pour le SP de #Sapréférée
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