Ce premier roman puissant vient de décrocher le Prix du Roman Fnac 2022
Ce premier roman puissant vient de décrocher le Prix du Roman Fnac 2022
Dans le Valais (près de Lausanne) Jeanne, la narratrice, nous relate l’alcoolisme chronique et la brutalité « primitive » de son père. Qui avait pour habitude de se défouler, dès qu’il était ivre ou contrarié, en tabassant sa mère (Claire) et sa soeur ainée (Emma) Profitant de leur faiblesse et de leur gentillesse qui – apparemment – lui tapaient sur les nerfs … Un père qui s’en prenait rarement à Jeanne – la plus petite – qui, orgueilleuse et au caractère bien trempé, osait lui tenir tête (et même le dénoncer …) Preuve, s’il en était nécessaire, que les bourreaux sont aussi de grands lâches, qui ne se frottent généralement pas à ce qui pique.
Elle apprendra de la bouche de sa soeur (des années plus tard) qu’il avait également abusé d’elle à plusieurs reprises. Emma – « sa préférée » – qui choisira de se suicider, peu de temps après ses révélations, maltraitée et vilement utilisée par tous les hommes qu’elle croisait …
Loin son village valaisan, où les femmes sont les ombres des hommes, Jeanne va tenter de se reconstruire. En acceptant sa bisexualité et en faisant taire la violence que son père a planté en elle … En luttant contre le dégoût et la colère sourde qu’a fait naitre, durant son enfance, un médecin de famille (en qui elle avait toute confiance) qui a préféré un silence complice au scandale d’une dénonciation embarrassante … Le chemin sera long, jusqu’à la découverte d’un secret de famille bien enfoui …
Un très court roman, sombre et glauque, qui condamne l’inertie des uns et la couardise des autres, méprisant la souffrance des plus vulnérables. Qui met en garde sur le danger de se perdre soi-même, si la haine et l’isolement psychologique deviennent plus puissants que le désir de s’ouvrir à la vie …
Un brillant roman sur l’adversité, sur l’abus de l’autorité paternelle, sur l’inextricable soumission maternelle, sur la dure recherche de trouver sa place dans la société, sur la différence, et, surtout sur la difficulté de faire face à sa propre construction mentale. Ce livre ne peut laisser insensible face à la plume merveilleusement ciselée de Sarah Jollien-Fardel ; sur des sujets bien d’actualités : une misère familiale dans la sempiternelle violence, l’inculture paternel et la fermeture d’esprit. Bref, un schéma d’éducation qui éclaire d’une maigre lueur le devenir d’enfant.
Suisse, canton du Valais, les enfants, Emma et sa sœur Jeanne mènent une existence sous les auspices de l’extrême sévérité, de l’ignominie, de la cruauté et de la perversion de leur père : Louis. Leur mère Claire, s’est depuis longtemps résignée à subir les assauts de brutalité, les invectives permanentes, quand son mari, rentre ivre de son travail. Ainsi, à chaque instant, dès sa présence, le déluge de coups, et les obscénités verbales fusent et chacune subit l’ire de l’ivrogne. Et l’acmé de ces violences sera le viol de l’aînée :Emma. Tout le village de taiseux est au courant des violences de cette famille, y compris le docteur, qui fait semblant de ne rien comprendre, quand sous les coups Jeanne est évanouie, et absout ainsi le père de sa lâcheté.
Ainsi, même si la maltraitance se savait, personne ne posait de questions. Comme se fut déchirant pour Jeanne – la narratrice – de s’échapper de ce destin sans avenir, sans amour, et créer une résilience pour retirer la nappe du brouillard de son corps qui ne connait que la peur, l’indifférence et le manque d’amour. Et si elle parvient à s’échapper, son esprit est perpétuellement taraudé par la rage et la haine. Elle connait, malgré tout, des instants de répits, avec la découverte de la tolérance et de l’empathie.
Un récit qui fait froid dans le dos, dans la mesure, où la triste situation des femmes dans le monde vis-à-vis de la féroce masculinité, ne semble pas prêt de s’achever. Jeanne ressent, comment elle bloquée, par la haine, une haine sans concessions, et qui ressasse toujours les mêmes souvenirs ; incapable de pardon ! Sa famille n’a pu lui apporter sa propre identité, au lieu de cela, elle se fige dans la haine. Pourra-t-elle parvenir à quitter son amertume, et arrêter de se culpabiliser ?
Sa préférée, une plongée dans le drame humain, dans l’humiliation, avec une approche fine de la psychologie de Jeanne, qui ne peut que se fondre avec notre empathie ; une poignante image de la lente dégradation d’une famille qui se désagrège dans l’indifférence générale. À lire absolument.
La narratrice Jeanne vit avec sa famille dans un village niché au plus profond du Valais, en Suisse. Un rien suffisant à déclencher ses incontrôlables fureurs, son père terrorise la maisonnée, roue de coups sa mère et abuse de sa sœur aînée. Battue comme plâtre pour avoir un jour osé lui tenir tête du haut de ses huit ans, la petite fille réalise avec amertume, que pas plus le médecin que leurs voisins et proches, n’ont envie de s’en mêler. Tous savent, mais se taisent. Dès lors, c’est la rage au ventre et toute entière tendue par le désir de s’échapper, que Jeanne grandit, puis parvient enfin à s’émanciper. Mais à quel prix ?
« Tout à coup, il a un fusil dans les mains. La minute d’avant, je le jure, on mangeait des pommes de terre. » Ainsi commence le récit fracassant d’une enfance ravagée, tellement gorgée d’acide qu’elle rongera la narratrice sa vie durant, se moquant bien de la distance et du silence dont cette dernière tentera pourtant d’user comme d’un barrage entre elle et les siens. Les scènes, cruelles et brutales, usent d’un réalisme saisissant pour évoquer la violence absolue d’un homme au-delà de toute rédemption, et ses effets dévastateurs sur ses proches, abandonnés à sa merci, comme dans la cage d’un fauve, par la lâche indifférence des témoins.
Sur les trois femmes coincées dans l’orbite du monstre, pendant que la mère, privée d’échappatoire par sa dépendance économique, et son aînée, vampirisée par la « préférence » incestueuse du père, se laissent réduire en cendres au fond de leur enfer, seule Jeanne trouve la force de rester debout, en préparant son évasion. Elle ne se doute pas encore que cette violence qu’elle combat, elle l’a déjà fait sienne au travers de son dégoût et de sa haine, et qu’elle n’est déjà plus que l’un de ces arbres, certes encore droits mais à demi calcinés, qui continuent à se consumer de l’intérieur à petit feu, longtemps après le passage de l’incendie.
Cinglé par la grêle de ses mots durs et acérés, l’on s’engloutit dans cette histoire - d’une noirceur que rien, ni l’amour d’une mère, ni les attachements amoureux, ni le puissant enracinement à une terre, ne parvient à exorciser -, impressionné par l’évidente vérité de ses personnages. Qu’il s’agisse de leurs mots, de leurs émotions ou de leur comportements, tout sonne juste et s’enroule autour d’une analyse psychologique irréprochable de pertinence et remarquable d’empathie. Et c’est déjà bien ébranlé par les uppercuts encaissés au fil des pages, que l’on s’achemine vers le coup de grâce d’un dénouement, sans doute d’autant plus bouleversant, que simplement, mais clairement, suggéré… Coup de coeur.
Il y a des livres qui vous marquent de la première à la dernière ligne.
Ce roman est de ceux-là.
« Sa préférée » est un roman écrit avec les tripes, sans fioritures, dont les mots écorchent chaque page.
On ne ressort pas indemne de cette lecture qui nous plonge dans la terreur qui étreint le quotidien de Jeanne, sa sœur Emma et sa mère.
Pour un geste, une parole, un détail, la violence du père s’abat sur elles, laissant des traces indélébiles.
Comment construire, aimer, vivre, lorsque même les plaisirs simples ont été confisqués et broyés par un tyran?
Et surtout, peut-on pardonner ?
C’est le récit d’une femme forte et brisée à la fois, une femme qui a bouleversé ma rentrée littéraire par sa sincérité extrême.
Ce fut un moment d’une rare intensité pour moi et j’en remercie l’auteur.
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