Ce premier roman puissant vient de décrocher le Prix du Roman Fnac 2022
Ce premier roman puissant vient de décrocher le Prix du Roman Fnac 2022
Nous sommes en Suisse, dans le Valais. Rose, 43 ans, ostéopathe, mariée à Camil, architecte, auquel elle est liée depuis l'enfance, remonte dans ses souvenirs, enfermée, attachée à une longe, parfois bâillonnée dans un chalet loin de tout. Non, elle n'a pas été enlevée par un psychopathe mais c'est son mari, qui par amour, pour la sauver de la folie trois ans après la mort accidentelle ou pas de leur petite fille, pour la ramener à la vie qui a décidé, en accord avec le reste de sa famille, de la maintenir enfermée et entravée. Lorsqu'il s'absente, une femme, Hélène, vient lui lire de la littérature derrière la porte.
A nouveau, après "Sa préférée" (2022), Sarah Jollien-Fardel nous livre un portrait magnifique de femme, Rose, face à la violence, celle de la mort de sa mère alors qu'elle avait 8 ans qui a laissé une béance jamais comblée, puis celle insupportable de sa fille mais aussi de son cheminement vers la résilience. Elle est écrasée par la culpabilité de ne pas avoir désiré cette enfant et d'avoir eu des envies de lui faire du mal lorsqu'elle hurlait sans discontinuer. Elle nous offre également deux autres très beaux portraits de femme, les grands-mères, symbole de transmission, qui ont su guider Rose sur le chemin de la vie, lui offrir un exemple.
La littérature joue un rôle important : elle est celle qui apporte des réponses, apaise, console, ouvre d'autres perspectives que celles dans lesquelles on est enfermé.
Ce roman est surprenant, il peut être dérangeant, malaisant par le traitement infligé à Rose par Camil. La longe est ce qu'on met à un animal, cheval ou chien, pour le rendre docile et apte à l'apprentissage. Ici, elle est ligne de vie, qui permet à Rose de revenir vers la vie, en descendant au plus profond d'elle-même, d'en refaire l'apprentissage.
J'ai eu plaisir à retrouver l'écriture de l'auteure, âpre comme les montagnes du Valais, incisive, qui nous transmet, brutes, les émotions.
L'insupportable perte d'un enfant
Sarah Jollien-Fardel confirme son talent découvert avec « Sa préférée ». Dans ce court et lumineux roman, elle raconte le drame d'une mère confrontée à la mort de sa fille et passe du roman noir à une lumineuse histoire d'amour.
Les éditeurs savent la difficulté pour nombre d'auteurs, qui ont connu le succès avec un premier roman, de réussir le deuxième. Pour Sarah Jollien-Fardel, auréolée du succès de Sa préférée, l'épreuve a été difficile à surmonter. Sabine Wespieser a refusé ce second texte, ne le trouvant pas abouti. Alors Sarah a repris la plume et a écrit La longe qui sera donc son second roman publié.
Disons d'emblée qu'il confirme le talent de la Suissesse, fidèle à ses thèmes de prédilection, la transmission et la violence, le traumatisme et la difficulté de le surmonter, le harcèlement et la colère.
Pour Rose, il va même s'agir d'un double traumatisme, puisqu'après avoir perdu sa mère, alors qu'elle n'avait que huit ans, elle va perdre sa fille, fauchée par une camionnette. Un drame qui va la laisser exsangue, avant que la colère - qui est mauvaise conseillère - ne la mène à vouloir solder ce lourd passif.
Dès les premières pages, on découvre qu'elle est attachée à une longe dans un mayen, sorte de cabane des montagnes valaisannes. En ressassant ses souvenirs, en déroulant le fil du drame qui l'a frappée, on découvrira comment elle en est arrivée là et qui la retient.
On verra aussi comment cette fille, bien décidée à s'émanciper, va suivre l'avis de sa grand-mère qui tient un bistrot en Valais et chercher à s'émanciper hors de son canton. À Lausanne, elle suit une formation d'ostéopathe, et retrouve Camil, un ami d'enfance. « Je le reconnais, (...) je retrouve le garçonnet aux pupilles moirées. Nous l'avons senti en une seconde. Nous ne nous étions jamais oubliés, malgré les années adolescentes sans nous revoir, la même intimité franche et simple qu'enfants. »
Leur mariage sera scellé comme une évidence et très vite la famille va s'agrandir avec la naissance de leur fille Anna. La vie s'écoule alors paisiblement jusqu'à ce que sa fille ne soit victime de harcèlement, jusqu'à ce drame insupportable qui va faire basculer son existence. « Dormir dans le lit d'Anna. Pleurer dans le lit d’Anna. Camil qui me rejoint. Qui pleure. Nous nous étreignons fort, l’un contre l’autre. L'absence comme un gouffre. La mécanique des gestes au travail. » Car il faut vivre, essayer de donner un sens à l'existence. La vengeance peut alors être un moteur.
Sarah Jollien-Fardel a cette capacité à dire la violence et la souffrance tout en restant sur une ligne de crête. On sait que sur l'autre flanc de la montagne la lumière est là, qu'il faut toutefois trouver le chemin pour s'y rendre.
La voix d'une mystérieuse visiteuse, celles de Charlotte Delbo, Marguerite Duras puis un souvenir heureux ou encore la poésie de Rainer Maria Rilke vont lui servir à baliser la route. Avec beaucoup de délicatesse, la romancière transforme son roman noir en histoire d'amour. Car comme le chante Antony and the Johnsons dans « Bird Gerhl », la chanson qui fait partie de la playlist du roman :
Parce que je suis une fille oiseau
Et les filles oiseaux vont au paradis.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici ! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre et en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
https://urlr.me/9SN5a2
Alors que je choisissais mes prochaines lectures , ma libraire préférée a posé sur ma pile ce petit livre de chez S.Wespieser avec vigueur. Quelle chance que les vrais libraires !
J’avais beaucoup apprécié de cette autrice « Sa préférée « en 2022, et ce texte ci est rare.
Rose est une jeune femme qui aurait du être heureuse dans ses montagnes valaisannes, mais sa mère est décédée trop tôt. Soutenue par l’amour de ses grands-mères et d’un père (foudroyé par le chagrin lui aussi) elle trouve le bonheur dans les bras de Camil.
Anna naît.
C’est ce que raconte Rose dans ce roman puis sa descente aux enfers, elle est assaillie par une terreur, elle est attachée par une longe dans son chalet. Trois ans auparavant, Anna disparaît dans un accident et Rose devient littéralement folle. Il n’y a pas de pathos dans cette écriture à hauteur de cimes, une question qui revient »comment peut-on avec des mots ordinaires atteindre un tel niveau d’émotion ! Le talent certes.
Dans le Valais (près de Lausanne) Jeanne, la narratrice, nous relate l’alcoolisme chronique et la brutalité « primitive » de son père. Qui avait pour habitude de se défouler, dès qu’il était ivre ou contrarié, en tabassant sa mère (Claire) et sa soeur ainée (Emma) Profitant de leur faiblesse et de leur gentillesse qui – apparemment – lui tapaient sur les nerfs … Un père qui s’en prenait rarement à Jeanne – la plus petite – qui, orgueilleuse et au caractère bien trempé, osait lui tenir tête (et même le dénoncer …) Preuve, s’il en était nécessaire, que les bourreaux sont aussi de grands lâches, qui ne se frottent généralement pas à ce qui pique.
Elle apprendra de la bouche de sa soeur (des années plus tard) qu’il avait également abusé d’elle à plusieurs reprises. Emma – « sa préférée » – qui choisira de se suicider, peu de temps après ses révélations, maltraitée et vilement utilisée par tous les hommes qu’elle croisait …
Loin son village valaisan, où les femmes sont les ombres des hommes, Jeanne va tenter de se reconstruire. En acceptant sa bisexualité et en faisant taire la violence que son père a planté en elle … En luttant contre le dégoût et la colère sourde qu’a fait naitre, durant son enfance, un médecin de famille (en qui elle avait toute confiance) qui a préféré un silence complice au scandale d’une dénonciation embarrassante … Le chemin sera long, jusqu’à la découverte d’un secret de famille bien enfoui …
Un très court roman, sombre et glauque, qui condamne l’inertie des uns et la couardise des autres, méprisant la souffrance des plus vulnérables. Qui met en garde sur le danger de se perdre soi-même, si la haine et l’isolement psychologique deviennent plus puissants que le désir de s’ouvrir à la vie …
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