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A-t-on déjà dit avec autant de franchise qu'on avait le droit de ne pas aimer sa mère, même quand la société nous impose d'être une «bonne fille»?? Rendez-vous au paradis alterne le récit autobiographique des derniers jours de la mère de Mercedes Deambrosis, à l'hôpital de Marseille et le «roman» d'une jeune fille, Guri, de ses parents, Merceditas et Luis, dans l'Espagne franquiste. Comment peuvent se rejoindre cette mère mourante et l'héroïne de ce qui aurait dû être un conte de fées?? Face au compte rendu clinique et néanmoins bouleversant d'une vie qui s'achève à Marseille se dresse le roman d'une famille espagnole du début du siècle aux années soixante. Et le lecteur de traverser la guerre civile, le Franquisme victorieux, la difficile reconstruction d'un pays en proie aux pesanteurs et à l'hypocrisie de la religion catholique. Une façon peut-être de tenter de comprendre comment une mère peut se muer en tyran... «Il y a des mères tyrans dans mes livres, des mères ogresses. Aucune n'était ma mère.» écrit Mercedes Deambrosis. Cette fois, dans son premier texte autobiographique, elle a magistralement réussi à faire le portrait sans fard de celle qui lui aura reproché sa vie durant de ne pas être la fille qu'elle aurait voulu.
Cette histoire se dévore pourtant, ce n’est pas un roman mais un récit autobiographique pas toujours très gai mais écrit avec une franchise et une lucidité qu’il faut saluer. En effet, il n’est pas si facile d’avouer qu’on n’aime pas sa mère, en tout cas pas comme on l’attend d’une fille envers sa mère. Mais comment peut-on aimer une mère qui dit « Tu es la plus grande erreur de ma vie. J'ai mis au monde ma pire ennemie ! »
Ce désamour a ses racines dans l’enfance et dans l’histoire familiale et c’est à ce voyage à rebours que nous invite Mercedes Deambrosis.
Entre les séquences où la fille veille sa mère qui vit ses derniers jours à l’hôpital, on pénètre dans l’intimité de cette famille espagnole dont le destin s’accorde à l’histoire sinistre du pays. Le grand-père a mené sa carrière militaire sous Franco
Cette mère nommée Mercedes comme sa propre mère mais qu’on surnomme Guri, belle femme, blonde et élégante, est dotée d’un caractère colérique, capricieux et jaloux. Dans cette famille bourgeoise, on est très religieux et les filles doivent êtres dociles et pieuses. Guri est un tyran pour son entourage, en particulier pour sa première fille qui a le tort de ne pas être née blonde comme elle. Ce carcan fait de violence, Mercedes Deambrosis va se battre pour s’en défaire et, lorsqu‘elle veillera sa mère mourante, le ressentiment mêlé de culpabilité sera toujours là. Mais comment arriver à aimer une mère qui vous rejette et vous humilie ?
« En ces derniers instants, je ne sais pas quel étaient mes sentiments. Je l’avais aimée comme tous les enfants aiment leur mère et je l’avais détestée parce que son amour était tapissé de pouvoir et de violence. »
Mercedes Deambrosis a réussi ce tour de force de raconter l’histoire intime de sa famille sans tomber dans le dénigrement et les récriminations. Le ton est juste, l’écriture sobre et ce premier récit autobiographique est bouleversant de sincérité.
Les livre des éditions Chemin de fer sont des ouvrages conçus avec soin où le graphisme vient s’appuyer au texte. Ici, les collages de Renaud Buénerd à partir de photos de famille sont touchants et beaux.
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