"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Mon premier est espagnol : trapu comme un taureau, peintre précoce et surdoué, il arrive à Paris en 1900. Il y travaille d'arrache-pied, invente des formes nouvelles, s'en lasse vite aussi. Charismatique, il s'entoure de rapins fascinés et de poètes qui chantent ses louanges et font de lui le prophète du mouvement moderne. Il n'a en apparence besoin de personne et impressionne tout le monde. Mon second est français : silhouette d'elfe et talents multiples, il écrit, dessine, coud des costumes et fabrique des décors dès l'enfance. Lui évolue plus lentement et fréquente les salons pour trouver les modèles qui l'aident à s'inventer par imitation. Survient la guerre de 14. Le caméléon de 26 ans comprend que plus rien ne sera comme avant et fait tout pour approcher l'Espagnol de dix ans son aîné. Ainsi Cocteau rencontra Picasso. Ce livre est l'histoire de leur longue amitié.
De leur premier rendez-vous en 1915 à la publication de Picasso de 1916 à 1961, l'un des tous derniers livres de l'écrivain, de leur première dispute qui leur servira de schéma directeur (Picasso blesse un Cocteau incapable de ne pas lui pardonner) à la mort de ce dernier en 1963, et de Paris à Vallauris en passant par Rome et la villa Santo-Sospir, Claude Arnaud survole cinquante ans de leurs vies en éclairant les liens intimes qui les unirent. Deux créateurs peuvent-ils oeuvrer ensemble en s'aimant ? Comment un être aussi laconique et cruel que Picasso aurait-il gardé près de lui Cocteau s'il n'avait été ébloui par son intelligence ? En 10 chapitres serrés, menés tambour battant, Claude Arnaud répond avec virtuosité, intelligence et affection, et montre comment l'un l'autre se sont soutenus, nourris, aimés et détestés, avec sincérité.
Prix André Malraux 2023 de l'essai d'art et prix Khora de l'Institut
Tout est presque dit dans le titre : deux monstres sacrés de la culture française et leur rencontre, leur amitié, leur brouille, leurs œuvres, leur travail commun.
"Qu'il triomphe et il se sent l'élu des Dieux. Qu'il déplaise et la terre se dérobe sous ses pieds" (p14), voila ce que Cocteau disait de son ami Picasso.
Ce texte est foisonnant comme l'époque où ces deux hommes se sont croisés, ont sympathisé, travaillé ensemble, se sont brouillés, se sont retrouvés.
On est en 1913 (1912+1), on croise l'histoire des ballets russes à Paris, Kandinsky, Cendrars Duchamp, Apollinaire, Satie, Diagleski, Jean Marais, Radiguet, Panama All Brown (dont un texte sur sa vie vient de sortir). ..
On traverse des époques, de leur premier rendez-vous en 1915 à la publication de "Picasso" par Cocteau en 1961, l'un des tous derniers livres de l'écrivain. On voyage dans le Paris de Montmartre, de Montparnasse, en tournée romaine des Ballets russes, en passant par Naples, le Paris Occupé.
L'auteur nous parle d'art, peinture, chorégraphie , écriture mais aussi d'amitié, d'amour, de rivalité entre artistes (de belles pages sur le travail lors de la création "Parade " pour les ballets russes, du livret au décor, de la musique à la chorégraphie).
Ce texte est foisonnant et donne très envie de (re)voir les œuvres du peintre, de (re)lire les textes de Cocteau mais aussi de découvrir cette époque si riche, des personnages qui ont croisé ses deux êtres, certains sont encore connus (que ce soit Apollinaire, avec l'épisode du vol de la Joconde et son retour de la première guerre mondiale), le monde des ballets russes, que ce soient les compositeurs, les décorateurs, les danseurs et danseuses (la belle Olga, qui sera l'une des femmes de Picasso et leur "marievaudages"), Radiguet et sa trop courte vie, Jean Marais....
Des époques riches en événements politiques, sociaux, artistiques.
Je vais donc continuer mes lectures et aussi surtout lire "le Proust contre Cocteau".
#PicassotoutcontreCocteau #NetGalleyFrance
Après avoir écrit Proust contre Cocteau, publié en 2013, Claude Arnaud a eu envie de raconter l’amitié particulière entre Picasso et Cocteau qui a duré de 1915 à 1963.
Comme à son habitude, Picasso incarne, dans cette relation, le rôle du sadique, du bourreau avec un Cocteau masochiste non dissimulé, et peut-être légèrement assumé.
Chacun a envié les créations de l’autre n’hésitant pas à les piquer pour se les approprier. Cocteau, le fragile, aime les brutaux, les puissants. À la mort de Raymond Radiguet, son amant intermittent, son surnom devient Le veuf sur le toit. Ses tentatives pour protéger l’écrivain contre ses addictions n’ont pas suffi.
Quelques notes de leur amitié
De douze ans le cadet de Picasso, Cocteau rencontre le “Maître” pour le ballet “Parade” de 1917 auquel Satie et Stravinski ont travaillé. Au fil des pages, Claude Arnaud fait découvrir aussi une galerie de personnages dont un Albert Breton, non seulement antipathique mais aussi homophobe.
On croyait que Picasso n’était pervers qu’envers les femmes. Toutes ses amantes en ont fait les frais et seule Françoise Gillot l’a dénoncé. Avec Claude Arnaud, le lecteur découvre ses relations diaboliques avec des hommes. Car, Cocteau a subi toute sa vie l’amour haine cruelle du Malaguène.
Depuis l’attitude de son père devant son talent (pour rappel, il a arrêté de peindre lorsqu’il a compris le talent de son fils), Picasso sait que Le Monde s’effacera, tôt ou tard, devant son talent ! Alors, il ne cessera toute sa vie d’en tirer profit pour vampiriser ses compagnons et ses maîtresses au nom de son œuvre.
Selon Claude Arnaud, Picasso a, semble-t-il, besoin d’un poète douloureux à ses côtés pour vanter son talent. Il ne faut pas oublier que lui-même a écrit des poèmes ! La période Max Jacob s’arrête par l’abandon de son ami lors de la seconde guerre mondiale et sa mort au camp de concentration.
La suite ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2023/04/07/claude-arnaud-picasso-tout-contre-cocteau/
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