Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Tout est presque dit dans le titre : deux monstres sacrés de la culture française et leur rencontre, leur amitié, leur brouille, leurs œuvres, leur travail commun.
"Qu'il triomphe et il se sent l'élu des Dieux. Qu'il déplaise et la terre se dérobe sous ses pieds" (p14), voila ce que Cocteau disait de son ami Picasso.
Ce texte est foisonnant comme l'époque où ces deux hommes se sont croisés, ont sympathisé, travaillé ensemble, se sont brouillés, se sont retrouvés.
On est en 1913 (1912+1), on croise l'histoire des ballets russes à Paris, Kandinsky, Cendrars Duchamp, Apollinaire, Satie, Diagleski, Jean Marais, Radiguet, Panama All Brown (dont un texte sur sa vie vient de sortir). ..
On traverse des époques, de leur premier rendez-vous en 1915 à la publication de "Picasso" par Cocteau en 1961, l'un des tous derniers livres de l'écrivain. On voyage dans le Paris de Montmartre, de Montparnasse, en tournée romaine des Ballets russes, en passant par Naples, le Paris Occupé.
L'auteur nous parle d'art, peinture, chorégraphie , écriture mais aussi d'amitié, d'amour, de rivalité entre artistes (de belles pages sur le travail lors de la création "Parade " pour les ballets russes, du livret au décor, de la musique à la chorégraphie).
Ce texte est foisonnant et donne très envie de (re)voir les œuvres du peintre, de (re)lire les textes de Cocteau mais aussi de découvrir cette époque si riche, des personnages qui ont croisé ses deux êtres, certains sont encore connus (que ce soit Apollinaire, avec l'épisode du vol de la Joconde et son retour de la première guerre mondiale), le monde des ballets russes, que ce soient les compositeurs, les décorateurs, les danseurs et danseuses (la belle Olga, qui sera l'une des femmes de Picasso et leur "marievaudages"), Radiguet et sa trop courte vie, Jean Marais....
Des époques riches en événements politiques, sociaux, artistiques.
Je vais donc continuer mes lectures et aussi surtout lire "le Proust contre Cocteau".
#PicassotoutcontreCocteau #NetGalleyFrance
Après avoir écrit Proust contre Cocteau, publié en 2013, Claude Arnaud a eu envie de raconter l’amitié particulière entre Picasso et Cocteau qui a duré de 1915 à 1963.
Comme à son habitude, Picasso incarne, dans cette relation, le rôle du sadique, du bourreau avec un Cocteau masochiste non dissimulé, et peut-être légèrement assumé.
Chacun a envié les créations de l’autre n’hésitant pas à les piquer pour se les approprier. Cocteau, le fragile, aime les brutaux, les puissants. À la mort de Raymond Radiguet, son amant intermittent, son surnom devient Le veuf sur le toit. Ses tentatives pour protéger l’écrivain contre ses addictions n’ont pas suffi.
Quelques notes de leur amitié
De douze ans le cadet de Picasso, Cocteau rencontre le “Maître” pour le ballet “Parade” de 1917 auquel Satie et Stravinski ont travaillé. Au fil des pages, Claude Arnaud fait découvrir aussi une galerie de personnages dont un Albert Breton, non seulement antipathique mais aussi homophobe.
On croyait que Picasso n’était pervers qu’envers les femmes. Toutes ses amantes en ont fait les frais et seule Françoise Gillot l’a dénoncé. Avec Claude Arnaud, le lecteur découvre ses relations diaboliques avec des hommes. Car, Cocteau a subi toute sa vie l’amour haine cruelle du Malaguène.
Depuis l’attitude de son père devant son talent (pour rappel, il a arrêté de peindre lorsqu’il a compris le talent de son fils), Picasso sait que Le Monde s’effacera, tôt ou tard, devant son talent ! Alors, il ne cessera toute sa vie d’en tirer profit pour vampiriser ses compagnons et ses maîtresses au nom de son œuvre.
Selon Claude Arnaud, Picasso a, semble-t-il, besoin d’un poète douloureux à ses côtés pour vanter son talent. Il ne faut pas oublier que lui-même a écrit des poèmes ! La période Max Jacob s’arrête par l’abandon de son ami lors de la seconde guerre mondiale et sa mort au camp de concentration.
La suite ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2023/04/07/claude-arnaud-picasso-tout-contre-cocteau/
Si Proust avait la nostalgie de Combray, l'auteur évoque dans ce récit gorgé de soleil et d'amours – perdus – son île de beauté. Sa madeleine personnelle a seulement des dimensions un peu plus imposantes que le gâteau de Proust puisqu'il s'agit de la demeure familiale, le toit qui réunit autrefois toutes les branches de sa famille maternelle. C'est un musée dont les pièces sont soigneusement conservées par le socle de la mémoire de Claude Arnaud. Il y d'abord une vision idyllique et bucolique du pays corse, quasiment antique, et sûrement paradisiaque de ses paysages, de ses perspectives, de ses ruines, de ses vestiges, une île d'une beauté à couper le souffle, avec des descriptions qui sont à la hauteur.
Ce n'est pas seulement cette Corse de carte postale du touriste lambda qui se dévoile, ce n'est pas non celle de la vie quotidienne de l'habitant à temps plein, c'est l'Île de celui qui vient rafraîchir ses racines, chaque année, dont l'esprit, la personnalité sont fortement ancrées là-bas. Je n'ai jamais mis le pied en Corse mais j'en ai visité une autre, j'y ai passé du temps en famille, dont l'âme insulaire est aussi vivace et tenace qu'elle, la Sicile. J'ai ainsi laissé mes aprioris de côté pour profiter pleinement de cette méthodique exploration aussi personnelle qu'historique et me suis laissée guidée par le regard plein de tendresse et d'affection de son hôte à demi-pension mais aussi critique et parfois, sans concession envers les comportements des insulaires.
Ce récit mélange ainsi les souvenirs personnels aux constatations plus prosaïques sur l'état et l'évolution de l'ile au fil du temps, il en profite pour démonter certaines idées préconçues, d'ailleurs il y a ce passage sur la Vendetta qui m'a beaucoup parlé, puisque c'est par la nouvelle éponyme De Maupassant sur la Vendetta que j'ai eu une première vision de la Corse. En parlant de clan, l'une des choses qui est particulièrement frappante, et qui ne fait pas mentir le cliché consacré, c'est cette vision du clan profondément ancrée dans l'identité de l'île, qui de par sa nature, favorise ce mode de fonctionnement. C'est aussi cet esprit de famille de la Casa Zucarelli à Sainte-Lucie, chaleureux, d'une convivialité effrénée, ou règne un esprit de fête, de partage et d'entraide, dans lequel s'est longtemps couvert l'auteur, qui fait toute l'âme de ce récit.
Ce qui m'a plu, c'est le caractère de cet auteur qui vogue entre anonymat parisien, que lui confère également la neutralité de ce nom de famille qui lui vient donc de son père, le calme neurasthénique de son quartier face à l'animation enjouée de la vie clanique en Corse. C'est une ambivalence, cette double-nationalité, qui peut-être permet à l'auteur de prendre le recul nécessaire pour parler de son île à travers ses attaches à Paris. Ce mélange d'influences qui est le sien, et qui ne fait donc pas de lui un Corse à part entière, lui permet d'écrire ce récit qui n'aurait eu aucun sens et sans doute aucun caractère sans cette dualité, qui est la sienne.
S'agissant d'un récit à tendance autobiographique, c'est la vie ponctuée de drames d'un homme à la sensibilité exacerbée que nous entrevoyons aussi à travers ses souvenirs bien souvent heureux, mais quelquefois profondément tragiques et désespérés. Chaque famille a ses drames, et ceux de Claude Arnaud sont indissolublement liés à cette île, qui a vécu à certains moments de son histoire la tragédie comme un quotidien et porte son deuil en étendard. C'est un homme que l'on a bien envie de découvrir plus avant à travers ses récits autobiographiques Qu'as-tu fait de tes frères ?, Je ne voulais pas être moi ou encore Brèves saisons au paradis, tous publiés par la maison d'édition Grasset.
C'est en définitive un beau moment que l'on passe qui s'apparente à la fois à un album de photos que l'on feuillette, à un livre d'histoire que l'on bouquine, un journal que l'on compulse, un journal intime que l'on déchiffre, à un guide du routard chevronné dont on s'est équipé pour découvrir le pays corse. L'auteur donne les clefs à ceux, beaucoup d'entre nous j'imagine, qui ne les ont pas forcément pour comprendre cette ile dotée d'un fort esprit traditionaliste, qui ne s'ouvre pas forcément facilement aux continentaux. En tout cas, cela m'a permis de comprendre un peu mieux les traits de cette île au caractère indomptable et de ses habitants.
« Cocteau ne sut jamais où il avait vu la première fois Proust » Cocteau avait vingt et un ans, Proust quarante. Proust est dans le tout début de son Œuvre et commence à se fermer. Cocteau, lui batifole.
Proust et Cocteau eurent une relation des plus houleuses. L’un taciturne et enfermé « un grand navigateur du dedans », l’autre brillant et exubérant. L’un suant pour écrire son œuvre, l’autre touche-à-tout de génie, « un génie polymorphe ». Bref, tout les différencie si ce n’est l’amour exclusif de leur mère et pour leur mère quoique, même dans ce registre, Proust en rajoute « On aurait tort de croire que Proust aima sa mère : au sens plein du terme il n’aima jamais qu’elle et se sera véritablement aimé de personne d’autre ».
Proust a aimé Cocteau d’un amour, qu’il rendit impossible, Il était fasciné par son aisance, sa facilité, son brio, sa séduction, son intelligence.
Claude Arnaud nous plonge dans leur amitié amoureuse malheureuse, de temps à autre haineuse. Il appuie là où ça fait mal dans leur relation ou dans leur relation aux autres. Pourtant ils ont en commun, outre leur amour maternel exclusif, une grande souffrance, le recours à des « aides » Véronal pour Proust et opium pour Cocteau.
Claude Arnaud nous promène dans le monde frivole de la haute société de ce début de siècle au rythme des allures lente de Proust et vive de Cocteau. Nous traversons cette époque au rythme des querelles, des réconciliations, des jalousies, des tromperies…. de ces deux hommes qui ont joué à « je t’aime mon non plus » tout au long de leur existence, Mais également, de leur admiration commune. L’un est en phase descendante, l’autre ascendante « La santé de Proust est en train de l’arracher à l’attraction toxique du monde ; celle de Cocteau le propulse toujours plus haut dans le cercle enchanté dans la Recherche fera un royaume du néant ».
Comme une sensitive, Proust se referme sur lui. Son œuvre se nourrit de sa vie, de ses rencontres. Ainsi Laure de Chevigné deviendra Oriane de Guermantes « Le cadet espère encore faire de son destin une ouvre à la Oscar Wilde ? L’aîné sait déjà qu’il lui faudra sacrifier bien plus pour aboutir au Livre. »
Cocteau explore la Recherche à l’aune de leur amitié, à l’aune de la vie de Proust « …Si encore il avait l’impression d’être dans un « vrai » roman ! Mais il est bien placé pour savoir que Proust n’a pas inventé grand-chose, tout juste transposé, pour avoir connu tous ses « modèles » et très tôt admiré ses dons mimétiques. »
Cet essai, très agréable à lire nonobstant les brouilles, trahisons entre ces deux grands génies qui m’ont fait penser à des disputes de gitons. Entre la mante religieuse et la phalène, entre le lièvre et la tortue, le premier, Proust, a gagné au titre de la postérité. Ce chef d’œuvre, La Recherche du temps perdu, dont tout le monde parle et que peu (dont je fais partie) on lu dans sa totalité. Cocteau a eu contre lui cette activité débordante vers tous les arts majeurs. Je me souviens avoir vu, en son temps, un de ses films qui m’avait totalement dérouté.
Maintenant arrive le temps de la réconciliation de ces deux monstres sacrés par l’entremise de la Pléiade qui publie les deux auteurs.
Un livre très bien documenté, un essai très agréable à lire, un désir de redécouvrir Proust mais, hélas, toujours aucune attirance vers Cocteau.
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