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« Faire une anthologie du portrait écrit, explique Claude Arnaud en préambule, c'est raconter l'émergence du moi, du brouillard initial des cavernes à l'hyperréalisme contemporain, de la sortie de la tribu à l'avènement de l'individualisme de masse, en passant par les efforts d'élucidation du christianisme, des moralistes et de la psychanalyse. C'est aller d'un monde où chacun dit nous à celui où le moi seul semble encore compréhensible. C'est voguer d'un univers réglé par les rois à un maelström démocratique emportant des individus s'imaginant autosuffisants. C'est esquisser une genèse de l'identité, cette semi-fiction. » En dix sections consacrées à l'autoportrait, aux portraits croisés, aux portraits historiques, aux caractères (l'Avare, l'Hypocrite...), aux portraits de peuples et de villes et même d'animaux, Claude Arnaud montre le rôle crucial que joue ce genre, réprouvé par Pascal, dans le fort tropisme individualiste français et la place qu'il occupa dans l'évolution de la société. Son livre court de la Renaissance au XXIe siècle et de Montaigne, le premier et le plus grand des autoportraitistes, à Camille Laurens, la plus subtile des autofictionneuses, en passant par le cardinal de Retz, Saint-Simon, Balzac, Hugo, Proust, Morand ou Cocteau. Il s'en tient aux auteurs de langue française, mais s'autorise de fréquentes incursions dans les domaines italien, anglais, allemand ou russe. C'est le plaisir qui a dicté ses choix : genre bref par excellence, le portrait s'y prête particulièrement. Mme de Sévigné comparait les Fables de la Fontaine à ces paniers de cerises dans lesquels on picore, avant de finir par tout dévorer : Portraits crachés n'a pas d'autre ambition.
Après avoir consacré une longue introduction, passionnante et approfondie, à l'histoire du genre, Claude Arnaud rassemble des autoportraits attendus (Rousseau, Gide) ou introuvables (Cingria, Jouhandeau). Alors que les portraits peints et sculptés ont été largement étudiés, ce livre unique n'a pas de rival dans l'édition contemporaine. Plus qu'une anthologie, il est l'oeuvre d'un écrivain qui s'est toujours demandé Qui dit je en nous ? (prix Femina de l'essai 2006), en même temps qu'un journal couvrant quarante ans de lecture. Ou comment reparler de l'identité, sans se répéter, à travers mille écrivains qui en sondèrent les mystères.
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