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La philanthropie est à la mode. Depuis qu'a été entrepris le démantèlement de l'État social, on attend des philanthropes qu'ils prennent le relais - bénévoles des ONG ou grandes fortunes du mécénat. Mais ce n'est pas la seule raison de s'intéresser à leur histoire : son étude renouvelle bien des perspectives en matière d'histoire politique et sociale des classes privilégiées.
À l'aube du XXe siècle, les grands pays industriels ont connu un « printemps de la charité » : les oeuvres d'intervention de terrain se multipliaient, les sociétés réformatrices étendaient leur champ d'action, les églises, les municipalités et les initiatives privées séculières développaient une vigoureuse émulation. L'avenir était ouvert et ces différents acteurs pouvaient l'envisager chacun à sa manière : les bifurcations des chemins nationaux en matière de politiques sociales étaient encore indécises, la concurrence n'excluait nullement des collaborations et, en tous cas, l'accord sur certains fondamentaux.
Ce livre, résultat d'une entreprise collective, est une étude des mondes de la philanthropie dans quatre grandes villes vers 1900 : Londres, New York, Paris, Genève. Deux capitales politiques et deux capitales économiques, une ville à dominante catholique et trois protestantes en dépit des immigrations qui perturbaient les homogénéités confessionnelles -, une ville qui n'avait jamais connu d'Eglise établie, deux où il y en avait une, une autre enfin qui avait entrepris de séparer l'église dominante et l'Etat.
La philanthropie dont il est question ici est définie, par les contemporains eux-mêmes, de façon très ample : elle comprend les oeuvres de l'assistance aux pauvres et aux démunis de toute sorte, mais aussi bien les patronages et les hôpitaux, les coopératives et mutuelles, les institutions municipales, les oeuvres prosélytes des églises, les sociétés réformatrices les plus diverses. Tous ces laboratoires d'idées et d'expérimentation avaient entrepris, ensemble ou côte à côte, de définir ce que devait être le nouveau siècle.
Une source principale est à la base de cette étude : les répertoires charitables que, dans chaque ville, compilaient et publiaient des groupes de philanthropes qui avaient entrepris de rationaliser les pratiques charitables, d'organiser la coopération entre les oeuvres et voulaient se voir reconnaître comme les représentants de celles-ci.
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