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Je me souviens du premier livre que Georges Perec que j’ai lu : Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? (si je passe sur des extraits de Je me souviens lus au lycée ou dans des ouvrages divers). Approche assez tardive de cet auteur qui m'intimidait. Ce court roman que j’ai chroniqué dans mes débuts bloguesques (je demande votre indulgence) m’avait emballé et je m’étais promis de continuer à lire cet auteur que j’ai eu l’imprudence de nommer Pérec ce qui m’a valu une remarque fort à-propos autant que judicieuse d’une lectrice me précisant qu’il n’y avait point d’accent sur Perec. Faute corrigée, j’ai ensuite fait attention à ne pas la reproduire, et là, dans son autobiographie l’auteur lui-même donne l’explication de l’origine de son patronyme : "Mon grand-père s'appelait David Peretz et vivait à Lubartow [...] ... entre 1896 et 1909 Lubartow aurait été russe, puis polonaise, puis russe à nouveau. Un employé d'état civil qui entend russe et écrit en polonais entendra, m'a-t'on expliqué, Peretz et écrira Perec. Il n'est pas impossible que ce soit le contraire : selon ma tante, ce sont les Russes qui auraient écrit "tz" et les Polonais qui auraient écrit "c". Cette explication signale, plus qu'elle n'épuise, toute l'élaboration fantasmatique, liée à la dissimulation patronymique de mon origine juive, que j'ai faite autour du nom que je porte et que repère, en outre, la minuscule différence existant entre l'orthographe du nom et sa prononciation : ce devrait être Pérec ou Perrec (et c'est toujours ainsi, avec un accent aigu ou deux "r", qu'on l'écrit spontanément) ; c'est Perec, sans pour autant prononcer Peurec."(p.56/57)
G. Perec, né en 1936 vit donc la guerre, son père meurt en 40 des suites d’une blessure de guerre et sa mère (déportée, elle mourra en 1943) l’envoie à Villard-de-Lans en zone libre, dans une institution religieuse. Dès lors, Georges Perec se promènera entre l’institution, les logements de ses tantes, de sa grand-mère.
L’autre partie du livre, fictionnelle, est elle-même composée en deux parties : l’une concernant Gaspard Winckler jusqu’à ce qu’on lui demande d’aller sur W, puis ensuite, W elle-même, cette île sur laquelle le sport est roi. D’une société idyllique, utopique au départ, très vite G. Perec montre les travers : élitisme, eugénisme, abrutissement des masses, embrigadement, lois farfelues, … W est une dictature dans laquelle le sport est le moyen de gouverner. Chez certains c’était le communisme, chez d’autres le nazisme. W est une sorte de démonstration de tous les totalitarismes. On pense évidemment à Hitler et les nazis qui ont décimé des millions de juifs (dont les parents de l’auteur) et d’autres communautés, mais aussi et malheureusement à beaucoup d’autres ; G. Perec conclut son livre par ses mots : "J’ai oublié les raisons qui, à douze ans, m’ont fait choisir la terre de feu pour y installer W : les fascistes de Pinochet se sont chargés de donner à mon fantasme une ultime résonnance : plusieurs îlots de la Terre de Feu sont aujourd’hui des camps de déportation. [Livre écrit entre 1970 et 1974]" (p.222)
Le lien entre ces histoires est donc là, dans la folie des Hommes de vouloir le pouvoir et la domination à tout prix.
Point n’est besoin de dire que ce livre est à lire absolument pour qui veut connaître un peu plus Perec. Je ne me permettrai pas de faire des remarques sur son écriture si ce n’est de vous dire qu’elle me plaît toujours autant et que dans ce bouquin très sombre, il ne peut s’empêcher d’y glisser quelques sarcasmes ou traits d’humour légers qui tirent des sourires. J’ai noté, souligné nombre de paragraphes, de pages entières et je vais finir par celle qui m’a le plus marqué, malheureusement tronquée pour manque de place (notée et soulignée, c’est dire !) :
"Je ne sais pas si je n’ai rien à dire, je sais que je ne dis rien ; je ne sais pas si ce que j’aurais à dire n’est pas dit parce qu’il est indicible (l’indicible n’est pas tapi dans l’écriture, il est dans ce qu’il l’a bien avant déclenchée) ; je sais que ce que je dis est blanc, est neutre, est signe une fois pour toutes d’un anéantissement une fois pour toutes. […] … je n’écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n’écris pas pour dire que je n’ai rien à dire. J’écris : j’écris parce que nous avons vécu ensemble [avec ses parents], parce que j’ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leur corps ; j’écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture ; l’écriture est le souvenir de leur mort et l’affirmation de ma vie."(p.63/64)
De Georges perec, je ne peux que vous conseiller, en plus de W ou le souvenir d'enfance l'excellentissime La vie mode d'emploi, et le texte d'une de ses conférences, Ce qui stimule ma racontouze...
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