"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce matin-là, mario conde, gueule de bois et moral en berne, n'aurait pas dû répondre au téléphone.
A présent, il est chargé d'enquêter sur la disparition de rafael morin, directeur d'entreprise et homme exemplaire aux yeux de tous. aux yeux de conde, il reste avant tout l'étudiant qui lui a ravi la belle tamara. veut-il vraiment retrouver son ancien rival ?
C est le hasard qui m'a amenée à lire Leonardo Padura.
Il y a 4 ans, très précisément le 15 janvier 2019, la librairie du Square recevait un écrivain cubain qui m'était totalement inconnu... un certain Leonardo Padura ! Et au vu du nombreux public présent ce soir-là, je devais être la seule sur toute l'agglomération grenobloise à ne pas le connaître !
Quant il est revenu, le 08 septembre 2021 pour la toute première rencontre littéraire post covid (toujours à la librairie du Square)... je n'étais plus là par hasard !
Leonardo Padura est "un écrivain cubain qui vit et écrit à Cuba parce qu'il ne peut ni ne veut être autre chose, et qu'il a besoin de Cuba pour vivre et écrire" (P 7/8 - L'eau de toutes parts - Leonardo Padura)
Si Passé parfait est le premier tome d'une tétralogie intitulée Les quatre saisons, il est en fait le second roman écrit par Leonardo Padura (le premier, Fiebre de caballos, terminé en 1974 et paru en 1988 n'est pas disponible en français, tout au moins à ma connaissance).
Pour en revenir à Passé parfait, un avertissement s'impose : il est classé en littérature policière mais ce n'est pas un "vrai" roman policier et il risque de décevoir les aficionados d'énigmes !
En fait, l'enquête policière est un prétexte pour servir l'histoire cubaine sur un plateau : Oui, le personnage principal est bien policier ! Un policier alcoolique taraudé par la nostalgie et désabusé par son métier... Mario Conde est : "une sorte d'anti-policier, de policier littéraire, uniquement vraisemblable dans les limites de la fiction narrative, impensable dans la réalité policière "réelle" cubaine (ou de n'importe quelle institution à la discipline de fer)." (P132 - L'eau de toutes parts - Leonardo Padura)
Mario Conde n'est pas Leonardo Padura mais il y a des similitudes entre le personnage et l'écrivain :
"J'ai condamné sans appel mon personage fétiche, Mario Conde, à vivre mes nostalgies havanaises dans un quartier qui ne ressemble que trop à Mantilla et, de sa terrasse, sur le toit de sa maison de toujours ou d'un simple coin de rue de son quartier ancestral, je l'ai poussé à décrire ce qui est visible ou à regretter ce qui a disparu de ce lieu attachant. Je lui ai transmis mon sentiment d'appartenance et j'en ai irrémédiablement fait un Havanais, parce que moi, son créateur, je ne suis que cela : un Havanais qui écrit." (P29 - L'eau de toutes parts - Leonardo Padura)
Lorsque Leonardo Padura commence l'écriture de Passé parfait, Cuba se trouve à un moment charnière de son histoire : tout d'abord le pays est à la veille d'une "violente crise économique" mais c'est surtout l'année d'une prise de conscience nationale sur la corruption qui gangrène le pays. En 1989, il y aura deux procès retentissants où furent jugés, condamnés, et voir même fusillés : "... plusieurs hauts gradés de l'armée et du ministère de l'intérieur (le ministre en personne fut condamné et devait mourir dans sa geôle) accusés de corruption, de narcotrafic et de trahison à la patrie." (P127 L'eau de toutes parts - Leonardo Padura)
L'intrigue de Passé parfait était trouvée grâce à l'actualité :
"... Le gouvernement s'est montré très préoccupé par la présence corrosive de la corruption dans la société actuelle : dans un pays où presque tout appartient à l'État, la corruption vit et prospère au sein même des structures étatiques, parmi les personnes presque toujours choisies pour leurs mérites politiques et désignées pour diriger le pays aux divers niveaux de décision et de pouvoir."
(P107 L'eau de toutes parts - Leonardo Padura)
Passé parfait est une "chronique d'amour et de haine, de bonheur et de frustration" (P31 - Vents de carême - Leonardo Padura) :
"J'allais écrire ce qui deviendrait le premier tome de la série des Mario Conde - Pasado perfecto, publié en 1991 - pour parler des divergences de ma génération, pour fouiller dans le tiroir des rêves brisés qui nous avaient accompagnés par le passé et pour dire que les individus les plus fiables - dans un pays où la fiabilité était exigée - ceux qui nous poursuivaient et nous aiguillonnaient avec le plus d'acharnement, étaient en fin de compte (ou depuis le début) et bien souvent les plus malhonnêtes et les plus opportunistes, alors qu'ils avaient été promus et récompensés pour leur fiabilité présumée et avaient bien souvent utilisé leurs pouvoirs pour écraser leurs semblables." (P123 - L'eau de toutes parts)
Avant d'être romancier, Leonardo Padura est journaliste et c'est ce regard critique sur ce Cuba qu'il aime plus que tout qui fait de lui un grand auteur.
Alors oui, Passé parfait comporte des petites imperfections mais c'est déjà un livre important dans l'œuvre de Leonardo Padura pour comprendre l'évolution de La Havane et de Cuba.
Passé parfait de Leonardo Padura
Traduit par Caroline Lepage
GF : Éditions Métailié
Poche : Éditions Métailié (indisponible au 18/01/2023)
Poche : Éditions Points
La Havane c’est comme un village, avec sa bande de copains inséparables depuis l’enfance, son lycée où les amitiés se consolident et les amours se nouent, ses bars où l’on parle des matches de baseball en buvant du rhum.
Le lieutenant Mario Condé nous invite sur son île, avec une enquête sur un ancien camarade de classe disparu et l’on s’imprègne tellement de l’ambiance qu’on a la sensation d’être installé depuis longtemps à Cuba, d’avoir toujours connu ce groupe d’amis et de partager avec eux la douceur de l’hiver cubain et la saveur des plats locaux.
L’enquête n’est pas en soi passionnante et traîne un peu en longueur, mais elle est un prétexte à raconter ce pays, où les habitants vivent de petites combines, avec un sens de l’amitié et du dévouement que l’on ne retrouve qu’au sein d’une même famille.
Dans un style drôle et sensuel, Leonardo Padura nous dévoile des personnages désabusés du régime communisme et fatalistes quant à leur avenir, qui ont malgré tout conservé une profonde joie de vivre.
Plus besoin de partir en vacances à La Havane, on vient d’y passer un roman, et c’était bien agréable.
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