"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
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Lorsque l’on faisait sa communion solennelle, Il fallait choisir des images pieuses parmi tout un lot présenté par nos parents. Lucie est convoquée dans le bureau de son père pour faire cela. Le texte est déjà choisi. Il est inscrit au dos d’une image « Hélène Morgenstern, en souvenir de la première visite de Jésus dans mon cœur, le 30 mai 1946 ». Il n’y aura que le nom à changer.
Alors, Lucie demande :
- C’est qui, Hélène Morgenstern ?
La question a fusé, mais la réponse de Maman aussi, d’un petit ton sec que Lucie connaît bien.
« C’était une amie de classe », dit-elle, indiquant que la conversation s’arrête là.
Pourquoi porte t'elle le même prénom que sa mère, quelles étaient leurs relations pour qu’elle ait gardé l’image de communion et veuille le même texte pour ses images de communion à elle ? Que de questions dans la tête de la petite fille. Oui, Lucie voudrait en savoir plus sur cette amie de sa mère qu’elle n’a jamais rencontrée, dont sa mère n’a jamais parlé. « D’ailleurs, elle ne parle jamais d’avant »
« Lucie sait que dans cette famille, il y a des questions à ne pas poser et des sujets à ne pas aborder. Mais c’est la première fois qu’elle en prend conscience. »
Sa famille se résume à ses parents, son frère et elle.
Lucie voudrait bien connaître ce qui est arrivé à ses grands-parents, mais toujours la même réponse de sa mère : « pas question ! »
Adulte, pour arriver à ses fin, savoir ce qui se cache derrière ce silence obstiné, Lucie va devoir ruser, passer outre-mère, outre l’obstacle de sa mère et essayer de vider l’outre qui gonfle et étouffe sa mère
« Ma mère use avec nous de ce procédé qui a muselé toute une génération après la guerre, celle des rescapés, celle des revenus de l'enfer, celle des enfants cachés, celle des survivants. De tous ceux qui tentaient de raconter leur épouvantable histoire et qu'on a fait taire d'un "Tu n'as pas à te plaindre; au moins, toi, tu es vivant". Ils avaient survécu, leur souffrance était inaudible: on les priva de parole. Ou ils se résignèrent d'eux-mêmes au silence. »
Est-ce la douleur de la disparition ? Ses grands-parents sont-ils morts dans les camps ? Petit-à-petit, j’apprends que non. Pas de résistants, pas de héros, mais un grand-père, Charles Morgenstern, juif, qui collabora activement avec les autorités allemandes en dénonçant des réfractaires au travail obligatoire, voire des juifs. Il s’est enfui en Allemagne.
« Vous avez obligé sa mère (la grand-mère de Lucie) à partir pour l’Allemagne alors que l’enfant avait juste quatre mois. Il n’était même pas sevré. Mais bien sûr, de cela vous ne vous êtes pas vanté. »
La narratrice se découvre toute une famille car son grand-père a eu une vie amoureuse compliquée avec maîtresses et enfants de plusieurs lits.
Lucie ne cache rien de ses recherches, ne met pas sous le boisseau la noirceur de son grand-père qui tombe du mauvais côté parce que « l’armée belge n’a pas voulu de lui ».
« La frontière est parfois mince entre ce qui fait qu’un homme devient un héros ou un traître. Combien se sont trouvés du côté des bons ou des méchants juste parce qu’ils avaient fait un choix d’opportunité qui, en fin de compte, leur a ouvert un destin ? »
Lucie a remué beaucoup de documents, casser la gangue, fait quelques dégâts. A la veille d’écrire un livre sur ses recherches, elle se demande qu’elle sera la réaction de ses amis juifs lorsqu’ils découvriront le document.
"Je l'écris pour Hélène. Je l'écris contre son gré.
J'écris aussi cette histoire pour mes enfants. Je l'écris pour mettre à plat, comprendre, reconstituer, mettre de l'ordre. Pour transmettre."
« Dans les caves de cette histoire dont personne ne m'a donné les clés, j'ai trouvé des cadavres et des monstres ; quelques trésors, aussi. J'ai trié, rangé, empaqueté, nettoyé les toiles d'araignée et chassé la poussière. »
Seront-elles pus heureuses, plus apaisée après ? Rien n’est moins sûr pour sa mère. Pas facile d’officialiser être la fille d’un salaud. J’avais rencontré ce thème avec « Trompe-la-mort – Les carnets de Pierre Paoli, agent français de la Gestapo » de Jacques Gimard ».
Une écriture efficace, sans fioriture, quelques fois poignante sans être larmoyante, juste, dense. Un livre fort, un très bon premier roman sur les secrets de famille.
Livre lu dans le cadre des 68 premières fois.
L’idée est intéressante, le parcours aussi, de cette fille qui se cherche une ascendance acceptable, qui tient absolument a retrouver les racines que sa mère lui cache. Secrets de famille lourds à porter, juifs ou collabos, traitres ou Justes, ramifications et répercussions jusque dans le présent de ces silences lourds à porter, de ce passé si dense, tout ceci est très significatif sur le besoin de recherche et de mémoire, mais l’auteur nous perd dans les méandres d’une famille tentaculaire et disparate. Bref, si j’ai par moment eu envie de connaître la suite, je n’ai pas ressenti assez d’émotions pour avoir envie de vibrer, de pleurer ou de rire avec Lucie.
un premier livre qui ne m'a pas convaincue malheureusement. Peut être le thème trop sensible pour moi.
Les histoires de famille c'est toujours un peu compliqué pour qui n'en fait pas partie. Difficile de ne pas s'égarer parmi les branches maîtresses, les rameaux, les ramilles de l'arbre généalogique, de discerner les filiations, alliances et ramifications. Pour peu que des secrets, des silences, des hontes cachées, occultent une partie de la ramure et la famille devient un puzzle impossible à représenter. Et si, pour couronner le tout, les bouleversements de la guerre ont jeté un grand souffle de tempête et emmêlé ou brisé racines, tronc, feuillage et branches, les recherches généalogiques s'apparentent vite à un cauchemar labyrinthique.
C'est un peu l'impression qui subsiste après ma lecture d'"Outre-Mère" où il m'a semblé que les choix narratifs et l'écriture nuisaient finalement à un sujet et à un matériau potentiellement puissants. Obnubilée par sa quête familiale et généalogique, par son rapport à sa mère, la narratrice oublie quelque peu - me semble-t-il - le lecteur en cours de route. Plutôt que de clarifier les liens entre les différentes branches de la famille, la construction, le système des personnages et son traitement, ont embrouillé ma lecture et lassé mon intérêt.
C'est un peu comme si "Outre-Mère" était l'exact inverse de "Nous, les passeurs", tant du point de vue du personnage central - ici, un héros ; là, un criminel - que de la façon de raconter les faits et d'y impliquer le lecteur. Si bien que, très rapidement, j'ai renoncé à tisser les liens qui m'auraient simplement permis de comprendre. Un sujet pourtant très fort et je regrette de n'avoir pu m'y intéresser.
Il est des rencontres manquées sans que l’on sache en comprendre la véritable raison. Ce fut le cas entre "Outre-Mère" le premier roman de Dominique Costermans et moi : ma première grande déception dans la sélection des premiers romans.
Des secrets de famille lourds et douloureux, la recherche de soi à travers celle de ses ancêtres, un grand-père juif et pourtant enrôlé dans l’armée allemande et même recruté en qualité d’indicateur au sein de la Gestapo – je ne savais pas que c’était possible – une mère mutique sur sa jeunesse et son ascendance, une volonté affichée de devoir de mémoire : tous les ingrédients étaient réunis pour me plaire, me toucher, rendre ce récit passionnant à mes yeux. Lucie part, en effet, sur les traces de ce grand-père pour tenter d’obtenir des réponses aux questions qui toujours se heurtent à des silences pesants. Il s’agit à la fois d’une quête humaine et administrative semée d’embûches, d’attentes et de rendez-vous.
Alors, pourquoi, pourquoi n’ai-je pas réussi à entrer en empathie avec cette jeune femme, pourquoi son anxiété, son angoisse, ses espérances n’ont-elles pas réussi à me toucher, pourquoi ai-je parfois eu envie de ne pas aller au bout ? L’écriture sèche, administrative, telle celle d’un rapport ne m’a pas prise dans ses filets. Je me suis perdue dans les branchages d’une famille tentaculaire au point de revenir souvent en arrière pour tenter de déchiffrer cet arbre aux nombreuses ramifications. Plus qu’à un roman, j’ai eu l’impression d’avoir affaire à une enquête policière, rondement menée certes, mais qui ne m’a pas donné les clés pour en pénétrer les sentiments, les chagrins, les victoires.
Même si la "délivrance", à la fin du roman m’a semblé plus positive, il m’a manqué quelque chose. Il m’a manqué cette alchimie entre une histoire au sujet fort intéressant et la manière de la raconter. Le style de l’auteur est, certes, clair comme le stipule la quatrième de couverture mais trop froid à mon gré.
C’est bien ce que je disais au début : ce fut une rencontre manquée.
Editions Luce Wilquin
Tout commence avec une citation de François EMMANUEL, "L'oeuvre, une ombre plus fidèle que la biographie." semant le doute entre la fiction et la réalité. Dominique COSTERMANS s'est effectivement inspirée de faits réels pour l'écrire...
Nous sommes en mai 1969, il y a tout juste 48 ans, une petite fille, Lucie, est convoquée par ses parents pour la préparation de sa première communion, cette "première visite de Jésus dans son coeur". Sa mère lui présente une image pieuse servant de modèle. Il s'agit de celle d'Hélène Morgenstern célébrée en mai 1946. Qui est Hélène Morgenstern ? Quels liens avec sa propre famille ? Quelle influence sur sa propre vie ? Lucie, interpellée, va partir en quête du passé de cette enfant dont les premières traces apparaissent il y a une bonne vingtaine d'années. Nous étions à la fin de la seconde guerre mondiale !
Je ne vous en dis pas plus car il s'agit du sujet même de ce roman. Lucie est la narratrice. Elle explique rapidement sa démarche : transmettre.
Vous l'aurez compris, ce roman va alterner les passages dédiés aux recherches menées par Lucie et la vie d'Hélène découverte progressivement au gré des pièces qui vont lentement trouver leur place dans le grand puzzle familial. Il va y avoir une alternance aussi dans le temps, avec chaque fois une génération d'écart.
Et puis, il y a un mystère qui éveille tout de suite la curiosité de Lucie enfant, sa propre mère s'appelle Hélène. Y a-t-il un lien entre les deux femmes ? Un secret plutôt ? précieusement gardé ! Pourquoi cette intonation dans la voix de sa mère quand Lucie pose la question de qui est Hélène, ce ton employé comme voulant mettre un point final à l'échange, un ton qui ne semble pas laisser de discussion possible autour d'un passé de longue date resté caché. Il n'en faudra pas plus, bien sûr, pour susciter les convoitises de Lucie, les punitions dans la chambre de ses parents dont toute l'intimité semble servie sur un plateau doré ne feront que renforcer les velléités de l'enfant à découvrir l'histoire d'Hélène.
La grande Histoire va ponctuer l'itinéraire d'Hélène, voire de Lucie. Elle va laisser des traces plutôt inavouées vous l'aurez compris. La seconde guerre mondiale s'invite régulièrement maintenant dans la littérature contemporaine. L'originalité de ce roman concerne l'un des personnages qui a collaboré avec l'ennemi notamment dans le Nationalsozialistiche Kraftfahrkorps (NSKK), une organisation paramilitaire du parti nazi qui n'a pas recruté qu'en terres allemandes mais a aussi accueilli des volontaires étrangers.
Certains Belges y ont trouvé leur voie, c'est le cas de Charles Morgenstern. Comme d'autres juifs, il s'y est engagé pour servir l'occupant, celui dont les siens sont pourtant l'une de ses premières cibles. Mais pourquoi ? Dominique COSTERMANS essaie d'en exposer les motifs...
Quel passé bien lourd à porter pour les générations suivantes, c'est ce que la famille de Lucie essaie de surmonter au quotidien.
La démarche de ce roman est à l'image de celle menée par Marie BARRAUD dans son 1er roman "Nous, les passeurs", publié également lors de cette rentrée littéraire de janvier 2017.
Il n'en a toutefois pas la même construction. J'avoue avoir été parfois désarçonnée par la multitude de personnages dont les destins individuels sont imbriqués les uns dans les autres. L'arbre généalogique des dernières pages est indispensable pour donner une vision globale de la famille. L'émotion y a été moins forte aussi mais il n'en reste pas moins un roman puissant.
Je voudrais saluer le devoir de mémoire auquel l'écrivaine concourt et pour cette voix donnée à "toute une génération après la guerre, celle des rescapés, celle des revenus-de-l'enfer, celle des enfants cachés, celle des survivants. [...] Ils avaient survécu, leur souffrance était inaudible : on les priva de parole. Ou ils se résignèrent d'eux-mêmes au silence." P. 26
Avec ce roman, elle contribue aussi à offrir une certaine émancipation du passé à des générations qui en étaient privées.
Quant à la plume, le nombre de citations révèle une grande qualité, des mots justes. Je voudrais maintenant accéder au registre des nouvelles de Dominique COSTERMANS.
http://tlivrestarts.over-blog.com/2017/05/outre-mere-de-dominique-costermans.html
http://lechatquilit.e-monsite.com/pages/mes-lectures-2017/outre-mere.html
Une fois n’est pas coutume, je commence cette chronique par un souvenir personnel. Au décès de mon père, mon frère aîné a voulu creuser la généalogie familiale. Il a parcouru les bureaux d’État-civil, enregistré des dizaines d’actes, interrogé les plus vieux avant de se heurter aux branches de l’arbre généalogique qui s’achevaient brusquement, faute de documents, faute de certitude. Avec l’arrivée des sites de généalogie en ligne, j’ai pris le relais et pu ainsi étoffer considérablement la base de données et trouvé quelquefois des connexions amusantes avec quelques célébrités. Mais j’ai surtout découvert une formidable façon d’étudier l’Histoire et la géographie ou encore la sociologie. Claude Lévi-Strauss avait bien raison de dire que « chercher ses racines, c'est au fond se chercher soi-même : qui suis-je ? Quels sont les ancêtres qui m'ont fait tel que je suis ? Des noms d'abord, des dates, quelques photos jaunies ou, avec plus de chance, un testament, une lettre. »
Aussi c’est avec un plaisir non-dissimulé que je me suis identifié à l’auteur dans sa quête et dans sa volonté de témoigner : « Pendant des années, j’ai accumulé les questions, les traces, les signes et les preuves. J’ai fréquenté les administrations, les archives, les palais de justice. J’ai envoyé des requêtes, interrogé des fichiers, rencontré des témoins. Pendant des années, j’ai pris des notes. Le temps est venu de rassembler les fragments de cette histoire et de les articuler en un récit éclairant. »
Mais l’exercice n’a rien de facile, bien au contraire. Car pour la narratrice, il va falloir passer Outre-mère, pour reprendre le titre éclairant de ce récit qui est autant chargé de silences que de bruit et de fureur. Quand la petite Lucie découvre une image pieuse dans le missel de sa mère avec cette inscription : «Hélène Morgenstern, en souvenir de la première visite de Jésus dans mon cœur, le 30 mai 1946» et qu’elle demande qui est cette personne portant le même prénom que sa mère, on lui répond qu’il s’agit d’une amie de classe.
Lucie comprend très vite qu’on essaie de lui cacher quelque chose. Que poser des questions crée un malaise. « Ma mère use avec nous de ce procédé qui a muselé toute une génération après la guerre, celle des rescapés, celle des revenus de l'enfer, celle des enfants cachés, celle des survivants. De tous ceux qui tentaient de raconter leur épouvantable histoire et qu'on a fait taire d'un "Tu n'as pas à te plaindre; au moins, toi, tu es vivant". Ils avaient survécu, leur souffrance était inaudible: on les priva de parole. Ou ils se résignèrent d'eux-mêmes au silence. »
Sauf qu’ici, ce n’est pas la douleur qui empêche de parler, mais la noirceur des actions commises. Car il apparaît très vite que Charles Morgenstern, le grand-père, s’est enfui en Allemagne, condamné à la peine de mort par contumace l’année même où sa fille fait sa communion.
Bribe par bribe, les lourds secrets apparaissent. Les fils se tissent entre les différents membres de la famille. Très vite aussi les recherches vont scinder le clan entre ceux qui préfèrent ne rien savoir et ceux qui veulent comprendre. Il y a l’histoire de l’adoption de sa mère après la fuite de son père. Il y a ensuite la question de la religion et l’éventualité d’origines juives. Il y a les alliances et les origines des branches paternelles et maternelles. Il y a enfin les oncles et tantes et tous les descendants. Patiemment, l’auteur nous détaille son enquête : « Dans les caves de cette histoire dont personne ne m'a donné les clés, j'ai trouvé des cadavres et des monstres ; quelques trésors, aussi. J'ai trié, rangé, empaqueté, nettoyé les toiles d'araignée et chassé la poussière. »
On la suit tout au long d’un passionnant parcours, car elle ne nous cache rien de ses doutes, des éclats de voix qui émaillent certaines interrogations ou indignations, de la documentation qu’elle amasse, de sa volonté de comprendre combien « la frontière est parfois mince entre ce qui fait qu'un homme devient un héros ou un traître. Combien se sont retrouvés du côté des bons ou des méchants juste parce qu'ils avaient l'opportunité qui, en fin de compte, leur a ouvert le destin. »
Tout au long du livre, on admire ce cheminement toujours sur le fil du rasoir et on découvre derrière cette famille bruxelloise le destin de millions de personnes.
Lisez Dominique Costermans et vous comprendrez – pour peu que vous ne jugiez pas – le formidable paradoxe qui les unit toutes et sur lequel elles se sont construites : « oublie, n'oublie jamais. »
Mieux que des dizaines d’essais ou de documents historiques, ce roman nous apporte une preuve cinglante, parce qu’assumée jusque dans sa noirceur la plus extrême, du devoir de mémoire. http://urlz.fr/57xW
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