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Dans « Nous deux », Nicole Malinconi raconte sa mère. Elle nous parle de la vie de celle-ci, de sa jeunesse dans un petit village à son départ avec sa sœur pour « la capitale », de son mariage avec un immigré italien dans les années 40, de sa relation fusionnelle avec sa fille (l’auteure, donc), totalement exclusive du mari et père (il n’est question que de « l’homme » dans le texte), de sa vieillesse dissoute dans la maladie d’Alzheimer. Nicole Malinconi n’a écrit cette histoire qu’après la mort de sa mère « car, de son vivant nous n’avions pu, elle et moi, nous parler de l’amour et de la haine qui nous unissaient, qui faisaient de nous deux quelque chose de confondu ».
Par fragments, sans chronologie, elle éparpille les tranches de vie, utilise le langage de sa mère pour raconter les frustrations de celle-ci, ses blessures, ses souffrances, sa déprime, ses avis, ses pensées, les tâches du quotidien.
Les phrases sont courtes, descriptives, les mots sont durs, incisifs, ne ménagent personne. Il n’y a pas de pathos, l’auteure reste à distance, et c’est d’autant plus fort. En particulier, pour en connaître un bout sur la maladie d’Alzheimer, je peux vous assurer que ces mots sont douloureusement justes. A plusieurs reprises, je me suis retrouvée à penser que « mais oui, c’est exactement ça ».
« Da Solo » est qualifié de roman, mais ce texte, à l’écriture plus fluide et plus douce que le précédent, entre tellement en résonance avec « Nous deux » que son narrateur ne peut qu’être le père de Nicole Malinconi. Le vieil homme revient lui aussi sur sa propre vie, sa jeunesse en Toscane et son désir d’aller voir « derrière les collines », son arrivée en Belgique, son travail de serveur de restaurant, sa déportation à Dresde jusqu’à la fin de la deuxième guerre, son mariage, son inexistence en tant que père et mari dès la naissance de sa fille, la maladie de sa femme et ses « retrouvailles » avec sa fille après la mort de celle-ci. Des retrouvailles qui leur permettront enfin de faire connaissance, de s’expliquer, de se comprendre et de s’aimer.
Récits ou romans, ces deux textes forment un diptyque où il est question de difficultés de communication, de regrets, de nostalgie, de solitude, de vieillesse et de fin de vie. Il y est aussi beaucoup question de mémoire et de parole, et du désarroi ressenti quand les deux se perdent dans la maladie : si ce qui n’est pas dit n’existe pas, alors qui/que devient-on quand la parole s’efface ? Et la question ne se pose pas que pour le malade, mais aussi pour son entourage.
Des mots sur du papier, c’est forcément réducteur quand il s’agit de fixer des vies entières avant qu’elles ne s’échappent des mémoires. Mais quand ils sont forts et déchirants comme ceux de ces deux textes, c’est, d’après moi, le plus beau des hommages.
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