"A la croisée des genres, voici mes dix titres indispensables... des textes dont les personnages m’inspirent et me bouleversent encore." Frédéric Couderc
Rubén, fils du célèbre poète Calderon assassiné dans les geôles de la dictature argentine, est un rescapé de l'enfer. Trente ans plus tard, il se consacre à la recherche des disparus du régime de Videla. Quand sa route croise celle de Jana, une jeune sculptrice mapuche qui lui demande d'enquêter sur le meurtre de son amie Luz, la douleur et la colère les réunissent.
Mais en Argentine, hier comme aujourd'hui, il n'est jamais bon de poser trop de questions, les bourreaux et la mort rôdent toujours...
"A la croisée des genres, voici mes dix titres indispensables... des textes dont les personnages m’inspirent et me bouleversent encore." Frédéric Couderc
Peut-être est-ce parce que j’ai déjà lu plusieurs romans (policiers ou non) sur l’Argentine, peut-être est-ce parce que ce pays m’attire, peut-être suis-je trop exigeante en matière de romans noirs, peut-être est-ce parce que j’avais beaucoup aimé « Zulu« , un autre livre de Caryl Férey, en tout cas j’attendais beaucoup de ce livre de cet auteur sur ce pays. Et souvent, c’est quand on espère trop qu’on est déçu. Ça n’a pas manqué en ce qui me concerne.
Or donc, nous avons d’un côté Jana, sculptrice appartenant au groupe ethnique des Mapuche, jeune et pourtant déjà salement meurtrie par la vie, squattant un hangar désaffecté à Buenos Aires. Quand Paula, son amie travestie, déboule paniquée parce qu’un autre trav’ de ses amis a disparu, Jana décide de faire appel à un détective privé.
Et nous avons donc, de l’autre côté, Rubén, beau et ténébreux quarantenaire, rescapé des geôles de la dictature où il a été torturé alors qu’il était à peine adolescent. Depuis lors, il consacre sa vie à enquêter sur les exactions de la junte, ses victimes et ses tortionnaires. La disparition d’un travesti n’est donc pas son cœur de métier. Jusqu’à ce qu’il s’aperçoive que l’histoire que lui raconte Jana est liée à l’affaire dont il s’occupe au même moment, à savoir la disparition de la fille d’un riche entrepreneur, soutien financier d’un futur candidat à la présidence de l’Argentine. Et voici Rubén et Jana lancés dans une enquête dangereuse qui les amène à plonger dans le passé nauséabond d’un pays qui n’en finit pas de régler ses comptes avec lui-même.
Tout est très bien documenté, et si vous n’avez jamais rien lu sur l’histoire récente de l’Argentine, vous allez en prendre et en apprendre pour votre argent. Sur la dictature et son régime de terreur, les arrestations arbitraires, les tortures, les disparitions, les vols de la mort, l’appropriation des enfants de prisonniers par des familles proches du régime, la résistance des « folles » de la Plaza de Mayo, la mascarade de la Coupe du Monde de football 1978, la guerre des Malouines qui précipite la fin de la junte, la survivance, au-delà du retour de la démocratie, de certaines « amitiés » tissées pendant ces heures noires et qui continuent à mener la danse politique en coulisses.
Tout cela donne un thriller très sanglant et très violent, un peu trop même (rien à redire sur la cruauté avérée de la dictature, mais fallait-il faire dans la surenchère gratuite pour les péripéties de l’enquête actuelle ?). Et ce goût de « too much » ne s’arrête pas à la débauche d’hémoglobine, il concerne aussi le style : beaucoup de métaphores douteuses ou de formules alambiquées plombent le récit (il « riait avec l’élégance d’un semi-remorque sous la pluie« , « la honte allait la déminéraliser« , « Parise empoigna le corps avec des frissons de lépreux« , « le monde était là, avec ses poumons de pétrole« …).
A ce thriller moyennement efficace et vraisemblable, l’auteur ajoute une histoire d’amour assez mièvre (trop de poésie massacre la poésie) et prévisible, et une sorte de vengeance par-delà les siècles des Esprits indigènes massacrés par les conquistadors espagnols. Et surtout il veut montrer qu’il connaît l’Argentine aussi bien qu’un autochtone, et nous sert, tout en parsemant son texte de mots en espagnol pour démontrer sa maîtrise du sujet, une foule d’informations sur, pêle-mêle, le foot, le tango, l’asado du dimanche, le vin argentin, le bœuf argentin, la pampa, la cordillère des Andes, l’immigration européenne au début du 20ème siècle, la crise financière des années 2000, la corruption, le milieu culturel de Buenos Aires. Et encore, le maté n’arrive que dans la deuxième moitié du bouquin. C’est intéressant, certes, mais dommage que ce soit plaqué sur l’histoire un peu artificiellement, façon extraits de pages Wikipédia insérés entre deux avancées de l’enquête, sans réel liant entre tous ces ingrédients. Un condensé d’Argentine en 550 pages, c’est ambitieux, mais pour moi ça n’a pas pris.
Bon j’arrête de faire ma mauvaise tête et je passe à autre chose.
PS : pour des histoires sur l’Argentine par des auteurs argentins, lire entre autres « Le baiser de la femme-araignée » (M. Puig), « Luz ou le temps sauvage » et « Double fond » (E. Osorio), « L’échange » (E. Almeida) ou « Les eaux troubles du Tigre » (A. Plante).
superbe livre, très prenant
Après « Zulu », lu il y a maintenant quelques années, « Mapuche » est mon second roman de Caryl Ferey, emporté pour mes vacances en Amérique latine. C'était pour moi une façon d'en savoir plus sur l'histoire de l'Argentine, des bébés enlevés durant la dictature, du rôle des « abuelas », les « grands-mères » qui sans relâche essaient de retrouver les disparus, parents et enfants. Et quoi de mieux que le roman dans cette fonction de découverte du monde ? D'autant plus que Caryl Ferey sait parfaitement mener son intrigue, à travers des personnages écorchés vifs et attachants (ici Jana, la jeune indienne Mapuche, et le détective Ruben Calderon, fils d'un poète enlevé et assassiné durant la dictature) et des décors sauvages du bout du monde. Tout comme dans « Zulu », il y a des scènes très violentes, mais on est pris dans l'intrigue, dès le début et on n'a pas envie de lâcher le livre !
Un très bon roman, très bien mené et instructif : à lire !
J'ai adoré ce thriller ! Je l'ai trouvé bien mené, bien écrit et surtout pleins de rebondissements. En effet, la mort de Luz un jeune travesti proche de Jana et Paula et la disparition de Maria amènent les deux personnages de Jana et Rubén à se rencontrer.
Rubén : jeune détective vit toujours dans le passé et cherche les tortionnaires qui ont tué son père et sa soeur. Les deux personnages principaux sont dotés d'une haine et d'une certaine violence encrée en eux mais il y a aussi une certaine fragilité et une sensibilité très présente au sein de l'écriture.
je vous le conseille car c'est un thriller qui nous fait vivre diverses émotions.
Cette histoire vous prendra aux tripes...une fois les premiers chapitres franchis. Il faut se donner la peine de lire ces premiers chapitres qui nous perdent un peu mais ont l'avantage de dresser l'intrigue et de présenter les personnages. Une fois ces difficultés passées, vous découvrirez une histoire prenante qui vous replonge dans les troubles de la dictature en Argentine et ses conséquences : le deuil impossible pour les familles, les disparus jamais retrouvés, les enfants volés. Tout en racontant une histoire fictive, l'auteur parsème son livre d'événements réels qui semblent tout droit sortis de l'horreur et des enfers. On se demande comment cela est possible. L'histoire est bouleversante, touchante, surprenante, la fin inattendue. Un livre que je recommande.
Si ce livre n’était que passionnant, haletant, émouvant, au suspense à peine supportable, ce serait un bon polar comme d’autres… mais Caryl Férey, avec "Mapuche", va bien au-delà. Il réussit une plongée indispensable dans ce que fut la dictature en Argentine, afin que l’oubli ne recouvre pas tous ces crimes, toutes ces abominations commises il n’y a pas si longtemps et dont les plaies ne cicatriseront jamais.
Le Processus de réorganisation nationale - dénomination officielle d’une dictature qui a duré de 1976 à 1983, imitant ce que l’Uruguay avait fait auparavant, avec l’aval de Gérald Ford, Président des USA, et de son secrétaire d’État, Henry Kissinger - a causé 30 000 disparitions, érigé la torture systématique, bénéficiant des conseils de militaires français rôdés en Algérie, et volé à leurs parents plus de 500 bébés élevés dans des familles proches du pouvoir.
La force de Caryl Férey est là : emmener le lecteur dans une histoire tendue, tenant le lecteur en haleine tout en rappelant régulièrement le contexte historique, politique, économique du moment dans un pays dont il donne précisément les caractéristiques géographiques. L’auteur ne résiste pas à nous rappeler la fameuse formule caractérisant bien l’Argentine : « Les Mexicains descendent des Aztèques, le Péruviens des Incas, les Colombiens des Mayas, les Argentins descendent du bateau. »
Après une ouverture glaçante où des sbires appliquent encore les mêmes méthodes que durant la dictature pour éliminer les opposants ou, tout simplement, les gêneurs, nous faisons connaissance avec Jana, jeune sculptrice mapuche. Elle est la « fille d’un peuple sur lequel on avait tiré à vue dans la pampa… les chrétiens n’avaient pas fait de quartier… huit cent mille morts. » Son meilleur ami est Miguel Michellini, un travesti qui se fait appeler Paula, « sœur de misère et d’espoir. »
Premier drame : le corps de Luz, un autre travesti, ami de Paula, est repêché dans le port. Entre alors en scène Rubén Calderón, détective privé, fils de Daniel, un poète victime de la dictature, comme sa petite sœur. En quelques pages, dans son "Cahier triste", il nous plonge dans l’horreur de sa détention, en pleine Coupe du monde de football 1978, en… Argentine ! Sa mère, Elena, fait partie des Abuelas, ces femmes qui ont défié le pouvoir sur la Plaza Mayor, à Buenos Aires, femmes qu’on a appelé folles alors qu’elles réclamaient simplement la vérité sur le sort de leurs enfants et de leurs maris.
Jana et Rubén vont lier leur sort dans une quête folle parsemée de cadavres. C’est encore l’occasion de rappeler le sort des Mapuche : « tirés comme des lapins… livrés aux écoles religieuses… parqués, acculturés, appauvris, réduits au silence, mentant sur leur origine lors de rares recensements, oubliant par honte ou désœuvrement leur culture, les Mapuche avaient traversé le siècle comme des ombres. »
Inutile d’en dire davantage. Il faut se plonger dans la lecture de Mapuche, traverser tout le pays, se rendre dans les Andes, batailler dans les marécages du delta du Río de la Plata, passer en Uruguay, retraverser le pays, découvrir les riches vignobles établis en spoliant les propriétaires pour voir Jana devenir Kulan, la femme terrible de la tradition Mapuche.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Ce roman, c'est un peu une grande claque toutes les 50 pages !
Au propre comme au figuré !!
Le cadre historique est un personnage à lui tout seul et on ne peut passer outre.
Ruben Calderon est un Portenio pure souche qui a connu les prisons de la dictature, la torture et la disparition de ses proches.
Sa mère fait d'ailleurs partie de ces grand-mères de la place de mai qui tournent en rond tous les jeudi pour réclamer le retour de leurs proches ou des enfants enlevés à leur famille dans les années 1970.
Que l'on connaisse ou non ces évènements, on apprend énormément de choses dans ce roman.
Dans le fil du récit, les informations sont distillées petit à petit et le lecteur découvre les enlèvements, les tortures, les disparitions, le gouvernement militaire.
Voilà un excellent thriller qui tient le lecteur en haleine et suspend son souffle entre chaque page...Tous les ingrédients pour maintenir un suspens de la première à la dernière page y figurent, avec en fond de texte des faits historiques sur l'Argentine des dictateurs et le travail des "Grands -Mères " de la place de Mai...C'est plus qu'un conseil une véritable invitation voire même une obligation à lire ce livre remarquable ! A ne pas manquer !
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