Des révélations, des confirmations et des paris littéraires
Il faut rappeler comme une loi que la vie n'est jamais pareille à la littérature et, surtout, que c'est une folie de vouloir remplir sa vie de littérature. Puisse ce livre ou un autre, mais plutôt ce livre, démontrer l'inverse. » Olivier Ravanec.
Au-dessus d'une petite île de la Méditerranée, un hélicoptère survole un château en flammes. À son bord, un « enquêteur d'assurances » lancé sur la piste d'un écrivain passé de mode et néanmoins recherché : Olivier Ravanec. Sa disparition est d'autant plus troublante qu'elle survient quelques mois à peine après celle de sa compagne, l'éditrice Dominique Bremmer. « Une histoire d'amour, avait dit un jour Ravanec, c'est trois personnes minimum. » Songeait-il en particulier à ce roi déchu de la nuit parisienne, dont Dominique avait été longtemps éprise ? Lui s'appelle Vincent Zaid ; son intelligence est aussi vraie que dépourvue du moindre esprit, et si sa fortune lui a donné beaucoup d'amis, sa condamnation pour meurtres les a fait disparaître. Ravanec, Bremmer, Zaid : trois créatures venues d'un prétendu âge d'or - les années 80 - et qui n'ont pas retrouvé leur place dans le « monde d'après », attiédi et salement hygiéniste.
Ici commence le roman, le vrai, celui qui déborde, celui de la vengeance, où l'on verra justement qu'une passion pour le romanesque peut vous offrir toutes ces aventures et mésaventures qu'on appelle, par commodité, « un destin ».
Des révélations, des confirmations et des paris littéraires
Un écrivain rare, un hymne amoureux à la phrase et au verbe
Venez rencontrer, Karine Tuil, Brigitte Giraud, Jean-Philippe Blondel, Jean Le Gall, Valérie Tong Cuong, les auteurs de la rentrée littéraire romans français !
La septième édition des explorateurs de la rentrée ? Des débats riches, des échanges nombreux, une équipe sensationnelle
Le roman s’ouvre sur le survol en hélicoptère d’une île en flamme par un enquêteur d’assurance et un paparazzi, lancés sur les traces d’Olivier Ravanec, un écrivain disparu.
Malgré des débuts prometteurs, l’écrivain n’a pas eu le succès qu’il escomptait. Il hante le monde de l’édition et de nuit et c’est là qu’il rencontre Dominique Brenner, éditrice à l’intelligence aiguë et Vincent Zaid, homme d’affaires retord. Le trio est en place.
Plus que l’intrigue, c’est surtout le style et le caractère des trois personnages qui sont intéressants et qui donne la saveur au récit. Pour ma part, j’ai véritablement eu une révélation avec l’écriture de cet auteur que je ne connaissais pas du tout.
Ce roman est une plongée au cœur du monde littéraire parisien qui prend sa source dans les années 80 et nous mène jusqu’à aujourd’hui. Il nous décrit un monde désenchanté et des personnages qui perdent peu à peu leurs illusions à mesure que leur monde change et les laisse à la traîne.
Le récit est habité par un humour grinçant et ne se laisse pas apprivoiser facilement car il regorge de digressions et de références plus ou moins cachées qui nécessitent d’avoir une certaine connaissance des événements ou des personnalités qu’il évoque. J’avoue d’ailleurs ne pas forcément avoir tout saisi mais cela ne nuit pas à la compréhension de l’ensemble.
La formule fait mouche, la construction du récit déstabilise parfois et le tout donne l’impression d’évoluer au cœur d’un véritable exercice de style. Mais un exercice maîtrisé avec brio qui n’égare pas le lecteur et le mène au contraire au travers des trente cinq ans que dure le récit mêlant les histoires personnelles des personnages et l’évolution du monde littéraire.
J’ai éprouvé beaucoup de plaisir à la découverte de ce livre malgré, ou à cause de, son pessimisme caustique.
Ce n'est pas l'intrigue mais la singularité des personnages qui fait la force de ce roman.
Trois personnages singuliers, atypiques si éloignés les uns des autres mais pourtant si proches dans la vie de la littérature : Olivier Ravanec, anti -héros, écrivain dépassé, qui se cherche, rêve d'écrire le Roman qui va changer sa vie, il tombe éperdument amoureux de Dominique Bremmer, belle femme, éditrice, il lui voue un amour sincère, fidèle mais si compliqué où l'amour livresque laisse la place à l'amour réaliste : "elle me dirait, un jour :Olivier, tu es l'homme de ma vie". Le 3ème personnage principal est Vincent Zaid, homme riche, aimant les soirées arrosées parisiennes, aimant la politique, intelligent mais si égoïste, qu'il détruit et tue tout ce qu'il touche, marié à Dominique Bremmer.
Après leurs épopées parisiennes, Zaid personnage ubuesque va jusqu'à les enfermer dans une île introuvable d'Italie, afin d'écrire le Roman de sa vie.
J'ai aimé cette lecture, tellement différente, et atypique.
L'auteur nous amène dans son monde, fait référence à certains romans comme Balzac, ou le Comte de Montecristo, il parle de politique dans les années 80 entre réelle et imagination, parlant des personnages connus publiques, il faut avoir une certaine culture pour déterminer le faux du vrai, réalité et imaginaire.
Un très bon roman, je pense qu'une deuxième lecture est appropriée, car ce qui en fait sa force c'est que ce n'est pas l'intrigue qui le caractérise mais les faits et gestes des personnages, et c'est quand même assez rare dans un roman d'intéresser le lecteur de cette vision là.
Belle lecture en perspective
Je suis très partagée après la lecture de ce roman d'un auteur que je ne connaissais pas ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle mon choix s'est porté sur ce livre car j'aime les découvertes littéraires même si elles ne sont pas toutes réussies.
En effet, j'ai commencé par ressentir de la déception car la quatrième de couverture, sur laquelle j'avais fondé mon choix, ne correspond pas à ce que l'on découvre au fil des pages.
Puis est venu l'ennui car ce roman est, du moins au début, un essai quasi-philosophique, une réflexion sur la littérature, l'édition, la musique, assez ardu, érudit qui fait appel à de nombreuses références un peu trop absconses par moment et ce n'est pas ce que je recherchais. La description des réceptions mondaines du microcosme littéraire, politique et artistique où on se gargarise de grandes phrases ronflantes et pompeuses a failli me faire décrocher définitivement.
Ce qui m'a retenu c'est la belle écriture, l'ironie et parfois l'humour corrosif qui se dégage du texte ; j'ai bien fait de persévérer car, vers la page 80, la fiction s'installe avec trois personnages principaux : Olivier Ravanec, un écrivain sans grand succès qui a publié 9 romans dont un qu'il n'a pas écrit, Dominique Bremmer éditrice chez Gallimard et Vincent Zaid, aux méthodes louches qui a fait fortune dans la musique et amant de Dominique. Mais à nouveau, dans la troisième partie, les personnages s'effacent au profit de la description de la méthode pour écrire « un roman romanesque sur la littérature » comme le déclare l'auteur en page 382 et des affres de l'écrivain moyen, sans réel talent, qui cherche LE sujet.
Rendue à ce point, j'ai définitivement abandonné ce pur jeu intellectuel de très grande qualité mais qui n'a créé aucune émotion ou vibration en moi. Néanmoins la musique des mots a charmé mon esprit et c'est déjà ça.
" L'île introuvable " de Jean Le Gall
Les explos 2019
Le début de cette histoire ressemble au pré-générique d'un James Bond : un hélicoptère survolant un château en feu dans une île perdue et une silhouette semblant s'échapper des flammes. La suite prend une autre tournure avec la confession d'un écrivain en panne de succès et d'imagination, Olivier Ravanec, qui prétend s'être trouvé au bord de la mort dans ce même incendie. Est-ce lui qui s'est échappé in extremis? Le narrateur nous ramène ensuite loin en arrière et raconte la vie de Ravanec, sa rencontre avec le richissime Zaïd, un producteur de musique, et avec une éditrice envoûtante, Dominique Bremmer. On suivra les relations de ces personnages pendant quatre décennies, des clinquantes années 80 jusqu'à aujourd'hui.
A la fois roman, récit, pamphlet, essai, ce livre aborde des thèmes très divers : la politique, la philosophie, le journalisme, la littérature, l'argent fou, qui font parfois perdre le fil de l'histoire. Les personnages principaux sont un peu caricaturaux, leurs relations improbables. L'auteur nous met dans l'embarras par les commentaires désobligeants qu'il fait sur des personnalités connues et quand il leur prête des attitudes ou des propos peu flatteurs : est-ce de la réalité ou de la fiction? Le récit est fluide, plaisant et drôle, émaillé de digressions, d'anecdotes, de citations, de slogans, d'aphorismes et de maximes. Ce foisonnement ralentit la progression dramatique et égare un peu le lecteur.
Les idées de Jean Le Gall sur l'écriture et l'évolution de la littérature m'ont intéressé, mais la construction alambiquée de son roman, jusqu'au coup de théâtre final, m'a décontenancé.
Explorateurs de la rentrée littéraire. Etape de la page 100 :
Les protagonistes de cette histoire ont pris leur place, les rôles sont distribués.
Je commence à me faire une idée de la personnalité de Ravanec, le héros écrivain ; son côté flambeur en retrait mais qui sait se servir des autres pour briller lui-même ; et cet aura d’artiste maudit qui plâne au-desus de sa tête. J’ai hâte de savoir ce qu’il va devenir au fil des pages.
C’est plaisant et bien écrit.
La critique :
D’abord, il y a cette femme qui orne la couverture. Magnifique dans sa simplicité avec ce visage androgyne tellement séduisant et tellement… intrigant. Superbe.
Ensuite, il y a ce titre. Invitation au voyage avec une pointe de mystère comme une étrange aventure qui pousse le lecteur à se plonger dans ce roman.
Et quelle découverte, quel éblouissement !
Je l’avoue, je ne connaissais pas cet auteur. Mais pour une première fois, c’est une révélation.
Le thème de ce roman, d’abord, a touché l’amoureuse des livres que je suis.
RAVANEC, journaliste et écrivain médiocres, trace son chemin sans gloire, se contentant du peu de reconnaissance qu’a la profession pour lui grâce à un livre dont il n’est même pas l’auteur. Mais, au fond de lui, somnole un amoureux des livres désireux, malgré tout de connaître son heure de gloire. La fréquentation du flamboyant Vincent ZAID, homme d’affaire dans le milieu musical, un peu voyou sur les bords, et surtout celle de Dominique, la maîtresse de celui-ci, éditrice, dont il tombe amoureux, vont l’entraîner dans des actions dont il mesurera plus tard les conséquences.
Les états d’âme de l’écrivain, son cercle d’amis, son mode de vie… tout m’a interpellé.
Ensuite, le traitement qu’en fait l’auteur, de par sa forme, est atypique, original, tout en ne perdant jamais le lecteur en cours de route.
En effet, les différentes digressions de l’auteur –changements d’époques, apartés, considérations philosophiques, irruption de personnages ayant un rôle très secondaire, etc- peuvent dérouter voire lasser le lecteur. Mais il faut passer outre, croyez-moi ! Car, malgré tout, on ne perd jamais le fil de l’histoire.
Des années 80 à aujourd’hui, j’ai traversé le temps dans l’ombre de Ravanec et ça m’a fait un bien fou.
Ce roman est avant tout celui d’un amoureux des livres, d’un amoureux des mots, d’un amoureux d’une femme. Une femme qui, comme lui, vit à travers les livres de par son métier, éditrice.
Littérature, alcool, drogue, soirées déjantées, héros flamboyant aux allures d’Edmond Dantès, héroïne magnifique, héros écrivain banal devenu par la grâce des mots un Don quichotte de la littérature ; il y a tout dans ce roman pour m’embarquer dans un univers qui flirte avec l’imaginaire et pourtant reste très plausible.
C’est une histoire d’amour et de vengeance, de mots et de maux.
A mon sens, la littérature peut nous entraîner très loin, il suffit juste de se laisser aller.
Et croyez-moi, plonger dans ce beau roman vous transformera à jamais et vous fera voir les écrivains d’un autre œil.
Critique Explorateurs de la rentrée littéraire 2019
L'Île introuvable est le roman de la ville, des intellectuels et des gens compliqués, torturés par la vie dans tout ce qu'elle a de plus vaine et superficielle.
Un vrai coup de coeur pour moi que cette Ile introuvable. Un méta-roman, qui traite de notre rapport à la fiction, à la littérature, à la lecture et à l'écriture. Un roman sur le roman, une mise en abyme qui n'est pas pour me déplaire quand elle est faite avec autant de facilité dans l'écriture. On trouve des comparaisons à foison, et surtout de nombreuses citations d'autres oeuvres littéraires, qui viennent nourrir le roman et lui donnent constamment un autre éclairage, une autre façon d'éclairer son propos.
En terme de rythme, le prologue est vraiment excellent, il m'a plongé tout de suite dans l'histoire et m'a donné envie d'en savoir plus. La première partie pose les bases de l'intrigue de façon beaucoup plus molle, mais elle permet de bien cerner le personnage principal de Ravanec, l'anti-héros romanesque par excellence, l'auteur raté qui cherche à survivre dans l'impitoyable et débauché monde de l'édition des années 1980 à 2019. Mais le livre prend véritablement son envol avec la seconde partie, où l'auteur s'attache plus à décrire le personnage de Zaïd, haut en couleur et simplement exaltant, avant de finir son oeuvre par une troisième partie brillante, qui résout tous les conflits, donnent les clefs qui me manquaient à la fin de la première partie, ballotté que j'étais par une intrigue qui ne révèle pas ses ficelles avant la dernière ligne droite.
Je crois que ce livre est avant tout un texte à clef. On sent par exemple de nombreuses références cachées ou révélées dans le choix des noms de lieux ou de personnages : l'île de Vitanuova fait référence à la Vita Nova de Dante, le nom de Ravanec fait inévitablement penser à Ravaillac ou à Ravachol, Zaïd s'impose comme un caïd, Jacques Lousteau fait chez moi écho avec Etienne Lousteau, un des personnages de Balzac, etc.
C'est bien évidemment un livre hommage au Comte de Monte Cristo d'Alexandre Dumas, qui le parodie, l'adule et s'en détache, le chef d'oeuvre étant une référence récurrente et omniprésente dans l'ensemble du roman, à tel point qu'un des personnages possède une bibliothèque entière des différentes éditions du roman. C'est dire si ce livre a dû obséder Jean Le Gall.
Un roman exigeant donc, qui sera d'autant plus apprécié que son lecteur possède une bonne culture littéraire et une bonne culture tout court. Je n'ai pas compris la plupart des références qui sont faites, je ne connais pas non plus ou trop peu la majorité des personnages qui sont évoqués (la musique de George Michael, des auteurs comme Tom Wolfe, Simon Leys ou Gustave Thibon, des critiques littéraires comme Matthieu Galey, etc.).
Mais certaines références, plus accessibles à ma génération des années 1990, m’ont beaucoup fait rire. Je pense par exemple aux mises en scène de personnages réels comme François Hollande avec ses blagues douteuses, d'autres sont simplement évoqués comme Balladur ou François Mitterrand. Je ne suis pourtant pas du tout fan de politique, mais ce qui me plaît ici c'est justement sa critique acerbe et très juste. Tout le monde en prend pour son grade, ceux de gauche comme ceux de droite, même si ce sont les centristes qui ont droit à leur plus belle diatribe.
Une scène notamment, démontre toute la culture littéraire de Jean Le Gall, celle où deux personnages élaborent un "planétarium littéraire", où chaque écrivain représente une planète plus ou moins proche, ou très éloignée des autres planètes constituées par leurs semblables, au mépris des époques. Ainsi Jules Renard côtoie Alphonse Daudet, Stendhal rayonne partout, Alexandre Dumas n'est qu'à quelques encablures de Joseph Conrad. L'amour des oeuvres et des auteurs est ici palpable, et c'est un livre qui, à la façon de La Cité des Livres qui Rêvent de Walter Moers, est un chant d'amour aux livres, aux écrivains et à leurs oeuvres, et qui démontre leur pouvoir d'attraction et d'évasion.
La force de Jean Le Gall est à mon sens d'avoir su digérer l'ensemble de ses lectures, qui doivent être très nombreuses, pour en restituer une oeuvre telle que l'Ile introuvable, un vrai roman d'un amoureux du roman, une fiction qui parle de fiction, et qui en parle bien, pour mon plus grand plaisir.
Un roman hommage à la littérature que je prendrai plaisir à relire plus tard, lorsque ma propre culture littéraire aura grandi, et que je pourrai découvrir de nouveaux sens cachés au texte qui m'ont échappé je le sais à cette première lecture innocente.
Explorateurs de livres 2019. Avis de la page 100.
Après un début en fanfare avec un prologue très bien ficelé, dynamique, explosif, qui joue à la perfection son rôle d'entrée dans le livre in medias res, on retombe un peu dans le creux de la vague avec les cinquante premières pages d'une première partie qui nous plonge dans le monde de l'édition parisienne des années 1980, avec ses soirées sous obétrol, une "amphé très légère" comme le lui indique une amie de notre héros. Il me tarde de voir où me mènera cette lecture, surtout après un tel contraste, j'imagine que la remontée ne peut qu'être intéressante.
Explorateur de la rentrée 2019 Avis complet ( 26 août 2019)
« L’île introuvable », une surprise ! J’en termine la lecture, ferme le livre, le dépose sur la table. Je le regarde et me contemple : trempé, éclaboussé de la tête aux pieds par des évocations, des anecdotes, des critiques à l’égard d’écrivains et de leurs écrits. J’émerge d’un bain de littérature, à tout le moins d’une douche de critiques littéraires. Je ne m’y attendais pas ! Je laisse dégouliner, je respire, reprends souffle et je tâche de me faire une opinion. Qu’ai-je bien pu trouver à cette île introuvable ?
La fragrance qui colle à la peau, le musc qui imprègne mes doigts après avoir tourné chaque page de ce récit romanesque est un subtil mélange des traces laissées par des ‘huiles littéraires’ s’étant un jour crues essentielles : Balzac, Cohen, D’Ormesson, Dumas, Houellebecq, Hugo, Sulitzer, pour ne citer qu’eux, de mémoire mais dans l’ordre alphabétique, et par un auteur original, Jean Le Gall, atypique dans le traitement de son sujet.
En effet, « L’île introuvable » est avant tout un roman littéraire. Un roman ‘genèse’ qui expose les affres et tourments d’un ‘écrivant’ rêvant de devenir écrivain et d’être publié, lu, encensé par les lèvres du tout Paris. Ce qui apporte de l’originalité dans le traitement du sujet, somme toute assez commun, c’est la prise pour cibles de toutes ces huiles dans le chef d’Olivier RAVANEC, anti-héros, auteur en quête d’imagination qui voudrait jouer dans la cour des grands et qui sue toute sa rancœur de ne pas l’être. Il n’a trouvé pour se sentir un peu moins mal que l’idée de prendre plaisir à déprécier tous les capitaines aux longs cours de la littérature qui ont jeté l’encre bien plus loin que lui. Ce roman est donc une histoire de jalousie !
Mais c’est aussi un roman d’amour et de jalousie ! Une histoire teintée de passions confirmant l’adage : ‘l’amour commence à trois !’ Car Ravanec ancre sa vie dans un amour décalé pour Dominique Bremmer, cadre des Editions Gallimard, alors que l’amour en date est un autre, celui qu’elle porte à Vincent Zaid. Tandis qu’elle excelle dans l’art de plaire et déplaire, toujours occupée à se montrer trop vraie sans jamais être vraiment de son temps, lui se vit tout à la fois criminel, mafieux, impresario de génie, noceur, amoureux transi, violent et assoiffé de vengeance. Et, bien sûr, ce roman d’amour sera donc aussi un roman de jalousie qui ne sera pas que littéraire, et pourra virer à la vengeance.
Enfin, « L’île introuvable » est peut-être avant tout le roman de la désillusion. Zaid, Bremmer et Ravanec n’ont jamais imaginé devoir s’adapter au temps d’après. Le monde leur appartenait, déjà ou en promesse ! Comme du sable, il a fui entre leurs doigts. Les certitudes d’hier sont devenues inadaptées, celle de demain pas encore inventées. Comment se sentir de nouveau appelé à vivre après avoir brûlé une jeunesse pensée éternelle? Vivre une telle métamorphose tiendrait du miracle… Mais, il en est, dit-on, capables de faire renaître des Phénix de leurs cendres… Mais là, silence ! Je ne dirai rien de plus à propos de l’histoire. A chacun de larguer les amarres, cap sur l’île…
Quant à l’écriture, j’ai aimé chez Jean Le Gall l’art de bâtir un roman qui se façonne à travers le temps, les époques, les priorités d’alors et les ambitions de toujours. Il utilise beaucoup, mais de manière efficace, la mise sous tension d’idées proches dont la juxtaposition inattendue fixe le cadre, les personnages, leurs idées. Ex : « Dans les campagnes, les coqs se répondent. En ville ce sont les voitures. » ou « Je veux faire un roman romanesque ou le sujet serait la littérature. […] ou tout ce qui est proscrit dans les recettes habituelles serait autorisés : l’humour, la digression, le commentaire du commentaire, le mélange des genres […] et même la politique. Un roman total, totalement emmêlé. »
Incontestablement, il a le sens de la formule et bien qu’il fasse dire à Ravanec : « C’est curieux: mes idées semblent appartenir à tous et mes sentiments ne tenir qu’à moi », le lecteur se prendra plus d’une fois à partager les sentiments des personnages sans nécessairement faire siennes leurs idées. A travers son écriture, Jean Le Gall lève le voile sur la vie de tout écrivain en butte avec ses points de vue, d’interrogation ou d’exclamation qui assènent des vérités aussi irréfutables que les contrevérités qui leur donnent corps. Le roman touche alors à plus grand, plus large que lui, le roman se fait invitation !
Permettre au lecteur de croire l’histoire, d’accepter le romanesque de cette île qui concentre des personnages pleins de curiosités ! Et tant pis si l’on perd parfois le fil du récit, noyé de digressions telle la représentation du système planétaire des grands noms de la littérature (digressif mais superbe travail, repris aux pages 242-243). L’auteur se connait amateur de ces chemins de traverse, de digressions. Et s’oblige à ponctuer son récit d’une voix off rassurante : ‘On se rappellera que Ravanec…’ Surfant sur ces ruptures de rythme, le lecteur pourra méditer sur le fait que toujours, face au temps qui passe, les modes se façonnent, s’estompent et s’effacent. Au-delà ou à cause de cette « île introuvable », le lecteur prendra davantage conscience de ce temps qui passe.
Puisse-t-il avoir envie de reprendre en main le sien et de s’immerger, une fois encore, dans ce que les écrivains ont à nous conter.
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