Un écrivain rare, un hymne amoureux à la phrase et au verbe
Un écrivain rare, un hymne amoureux à la phrase et au verbe
"Un roman qui se façonne à travers le temps, les époques, les priorités d’alors et les ambitions de toujours"
Découvrez la critique du roman de Jean Le Gall par Jean-François Simmarano
Cette semaine, suivez Cécile Boyer-Runge, PDG de Robert Laffont et Betty Mialet codirectrice des éditions Julliard.
Je remercie Lecteur.com pour l’envoi de ce roman paru en 2016.
L’histoire, cynique et d’un humour parfois grinçant, suit le parcours de trois personnages. Jérôme Vatrigan, jeune auteur couronné du prix Goncourt et qui devient éditeur. Il rencontre Greta Violette, journaliste dévorée par l’ambition et femme diabolique, dont il tombe amoureux malgré leurs tempéraments opposés. Le troisième personnage, c’est Antoine, le frère de Jérôme, un chirurgien plastique qui a choisi la voie de la politique.
Tout ce petit monde, avide de pouvoir et manipulateur en diable, baigne dans une ambiance délétère et pernicieuse. La moralité en prend un coup dans cette comédie humaine acide.
Après l’apogée, on assiste à la chute de ces trois personnages.
L’originalité réside dans la façon dont est racontée l’histoire, à travers les cassettes autobiographiques de Jérôme, les lettres subtiles entre lui et son frère ainsi que des articles de presse.
On découvre les coulisses du monde de l’édition et de celui de la politique. Bien sûr, certains épisodes renvoient à des affaires connues, comme quoi la fiction n’est jamais loin de la réalité.
Le lecteur qui apprécie l’ironie cinglante et les jeux de mots trouvera son bonheur dans ce roman foisonnant que, pour ma part, j’ai trouvé quelque peu ennuyeux.
Le roman s’ouvre sur le survol en hélicoptère d’une île en flamme par un enquêteur d’assurance et un paparazzi, lancés sur les traces d’Olivier Ravanec, un écrivain disparu.
Malgré des débuts prometteurs, l’écrivain n’a pas eu le succès qu’il escomptait. Il hante le monde de l’édition et de nuit et c’est là qu’il rencontre Dominique Brenner, éditrice à l’intelligence aiguë et Vincent Zaid, homme d’affaires retord. Le trio est en place.
Plus que l’intrigue, c’est surtout le style et le caractère des trois personnages qui sont intéressants et qui donne la saveur au récit. Pour ma part, j’ai véritablement eu une révélation avec l’écriture de cet auteur que je ne connaissais pas du tout.
Ce roman est une plongée au cœur du monde littéraire parisien qui prend sa source dans les années 80 et nous mène jusqu’à aujourd’hui. Il nous décrit un monde désenchanté et des personnages qui perdent peu à peu leurs illusions à mesure que leur monde change et les laisse à la traîne.
Le récit est habité par un humour grinçant et ne se laisse pas apprivoiser facilement car il regorge de digressions et de références plus ou moins cachées qui nécessitent d’avoir une certaine connaissance des événements ou des personnalités qu’il évoque. J’avoue d’ailleurs ne pas forcément avoir tout saisi mais cela ne nuit pas à la compréhension de l’ensemble.
La formule fait mouche, la construction du récit déstabilise parfois et le tout donne l’impression d’évoluer au cœur d’un véritable exercice de style. Mais un exercice maîtrisé avec brio qui n’égare pas le lecteur et le mène au contraire au travers des trente cinq ans que dure le récit mêlant les histoires personnelles des personnages et l’évolution du monde littéraire.
J’ai éprouvé beaucoup de plaisir à la découverte de ce livre malgré, ou à cause de, son pessimisme caustique.
Ce n'est pas l'intrigue mais la singularité des personnages qui fait la force de ce roman.
Trois personnages singuliers, atypiques si éloignés les uns des autres mais pourtant si proches dans la vie de la littérature : Olivier Ravanec, anti -héros, écrivain dépassé, qui se cherche, rêve d'écrire le Roman qui va changer sa vie, il tombe éperdument amoureux de Dominique Bremmer, belle femme, éditrice, il lui voue un amour sincère, fidèle mais si compliqué où l'amour livresque laisse la place à l'amour réaliste : "elle me dirait, un jour :Olivier, tu es l'homme de ma vie". Le 3ème personnage principal est Vincent Zaid, homme riche, aimant les soirées arrosées parisiennes, aimant la politique, intelligent mais si égoïste, qu'il détruit et tue tout ce qu'il touche, marié à Dominique Bremmer.
Après leurs épopées parisiennes, Zaid personnage ubuesque va jusqu'à les enfermer dans une île introuvable d'Italie, afin d'écrire le Roman de sa vie.
J'ai aimé cette lecture, tellement différente, et atypique.
L'auteur nous amène dans son monde, fait référence à certains romans comme Balzac, ou le Comte de Montecristo, il parle de politique dans les années 80 entre réelle et imagination, parlant des personnages connus publiques, il faut avoir une certaine culture pour déterminer le faux du vrai, réalité et imaginaire.
Un très bon roman, je pense qu'une deuxième lecture est appropriée, car ce qui en fait sa force c'est que ce n'est pas l'intrigue qui le caractérise mais les faits et gestes des personnages, et c'est quand même assez rare dans un roman d'intéresser le lecteur de cette vision là.
Belle lecture en perspective
Je suis très partagée après la lecture de ce roman d'un auteur que je ne connaissais pas ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle mon choix s'est porté sur ce livre car j'aime les découvertes littéraires même si elles ne sont pas toutes réussies.
En effet, j'ai commencé par ressentir de la déception car la quatrième de couverture, sur laquelle j'avais fondé mon choix, ne correspond pas à ce que l'on découvre au fil des pages.
Puis est venu l'ennui car ce roman est, du moins au début, un essai quasi-philosophique, une réflexion sur la littérature, l'édition, la musique, assez ardu, érudit qui fait appel à de nombreuses références un peu trop absconses par moment et ce n'est pas ce que je recherchais. La description des réceptions mondaines du microcosme littéraire, politique et artistique où on se gargarise de grandes phrases ronflantes et pompeuses a failli me faire décrocher définitivement.
Ce qui m'a retenu c'est la belle écriture, l'ironie et parfois l'humour corrosif qui se dégage du texte ; j'ai bien fait de persévérer car, vers la page 80, la fiction s'installe avec trois personnages principaux : Olivier Ravanec, un écrivain sans grand succès qui a publié 9 romans dont un qu'il n'a pas écrit, Dominique Bremmer éditrice chez Gallimard et Vincent Zaid, aux méthodes louches qui a fait fortune dans la musique et amant de Dominique. Mais à nouveau, dans la troisième partie, les personnages s'effacent au profit de la description de la méthode pour écrire « un roman romanesque sur la littérature » comme le déclare l'auteur en page 382 et des affres de l'écrivain moyen, sans réel talent, qui cherche LE sujet.
Rendue à ce point, j'ai définitivement abandonné ce pur jeu intellectuel de très grande qualité mais qui n'a créé aucune émotion ou vibration en moi. Néanmoins la musique des mots a charmé mon esprit et c'est déjà ça.
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