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Il y a un art de bien vivre et de bien vieillir propre au Japon. Et c'est à Ogura, petit village niché au creux d'un vallon aux pieds de montagnes des environs de Kyoto, que l'auteur nous invite à le découvrir.
Des années durant, Hubert Delahaye s'est régulièrement plongé dans ce monde en miniature où, malgré le passage des saisons et un monde en pleine mutation, le temps paraît suspendu. Empruntant le regard et la voix d'une de ses habitantes, une vieille dame à la bienveillance et la sagesse confondantes, il en a rapporté ces lettres, peintures impressionnistes d'un Japon intime.
La contemplation d'une nature débordante de vie où hommes et bêtes vivent dans une délicate harmonie est subtilement égrainée de réflexions sur les rapports entre générations, le respect des traditions religieuses, l'entraide sociale, l'abandon des campagnes, mais aussi la mémoire d'un passé douloureux, le chamboulement climatique ou les fissures dans les liens familiaux, autant d'enjeux pour toute la société japonaise contemporaine.
La vieille dame semble nous dire « Je suis née, donc je suis là » et qu'importe le fracas du monde, il fait bon vivre, vieillir et même mourir à Ogura.
C'est le troisième titre de la collection Liminaires qui a pour vocation de témoigner d'un ailleurs géographique et culturel aux travers de textes littéraires.
Après Taiwan avec Une tablette aux ancêtres de Stéphane Corcuff en 2015 et la Corée avec Halaboeji de Martine Prost en 2016, c'est au tour du Japon de nous dévoiler l'un de ses visages les plus touchants.
L'Asiathèque est, comme son nom l'indique, un éditeur spécialisé dans les ouvrages d'apprentissages des langues d'Asie. Mais la maison publie également des romans et des nouvelles d'auteurs locaux et des petits textes d'auteurs français connaisseurs des pays d'Asie dans la jolie collection Liminaires. Ce fut le cas avec le très beau Halabeoji, de Martine Prost ; c'est de nouveau réussi avec Lettres d'Ogura. Cette fois-ci, le Japon. Mais pas celui qu'on nous montre partout, ultra-connecté, moderne, à la pointe du progrès. Hubert Delahaye s'intéresse à un petit village et plus particulièrement à une vieille dame qui y habite. Comme chez nous, ce village éloigné est déserté par les jeunes, des maisons sont abandonnées et ne restent quasiment plus que des vieux voire des très vieux qui s'aident, se parlent.
Le texte est beau, lent, très lent, contemplatif, décrivant admirablement la nature, la faune et la flore. Il colle parfaitement au rythme de vie du village. Dès le début je suis sorti des mes lectures habituelles et me suis retrouvé plongé dans un monde qui n'a pas mes codes. C'est troublant parce le texte n'est pas écrit par un Japonais et que pourtant tout pourrait le faire croire. Cent-vingt pages de zen, de calme, de beauté, de fréquentation de cette vieille dame charmante qui ne se plaint pas. Cent-vingt pages positives teintées d'un léger humour qui font sortir du quotidien.
Belle collection à la couverture et la mise en pages soignées qui a les bonnes idées d'abord d'insérer dans le texte français des mots écrits en japonais, non pas que je les comprenne, mais ça permet d'entrer encore plus dans le monde décrit par Hubert Delahaye et ensuite de n'être pas chère. Si vous ne connaissez pas encore L'Asiathèque -ce n'est pas bien parce que j'en ai parlé, toujours conquis (Le phare, Histoire de dame Pak, L'art de la controverse, Halabeoji, Le magicien sur la passerelle)-, passez le cap, regardez attentivement le catalogue et n'hésitez pas à en parler à votre libraire préféré(e). Je me permets ce conseil, car j'ai toujours eu un peu de mal avec la littérature asiatique -et particulièrement la japonaise- et grâce à L'Asiathèque entre autres -mais aussi Intervalles-, j'apprends à la connaître et à l'apprécier.
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