"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Amour, couple, mariage, art, croyances, gastronomie, travail…En huit nouvelles, Hubert Delahaye s’empare de tous ces thèmes pour raconter la société chinoise contemporaine. Huit nouvelles, parfois tristes, parfois drôles, qui s’inscrivent dans la tradition chuanqi, la transmission de l’ordinaire. Car, oui, l’auteur parle de gens ordinaires qui essaient de s’en sortir dans une société pas toujours tendre. Pour cela, il s’est mis dans la peau d’un écrivain chinois des temps anciens, s’appropriant une culture qui n’est pas la sienne mais à laquelle il a consacré sa vie. Cela donne un recueil qui, pardon pour le cliché, mêle traditions et modernité pour le plus grand bonheur du lecteur qui s’émeut, s’attendrit, sourit et rit de bon cœur. A découvrir.
Merci à Pascaline et aux éditions L'Asiathèque.
Quelle délicatesse dans ce court roman. L'art du thé : "Le thé n'est pas vraiment une cérémonie. Il n'en a pas la pompeuse solennité. Ce n'est pas la messe ou le rituel d'une quelconque religion. [...] "Cérémonie" est un mot trop rigide pour désigner un exercice aussi multiforme, fait de gestes simples et précis qui n'ont d'autre finalité qu'eux-mêmes, pensés et codifiés pour être strictement efficaces, nécessaires et suffisants et qu'on doit idéalement réaliser sans y penser et d'un cœur léger." (p.29)
Toute l'histoire tourne autour de ces moments chez madame Yamamoto. Tout y est lenteur, calme. Tout s'y déroule dans le silence, les regards se croisent, les gestes sont là pour offrir le thé, pour le savourer, et il s'y joue bien autre chose, l'amour naissant des deux jeunes gens. Ils se retrouvent parfois à l'extérieur, à la fin de la séance, marchent côte-à-côte en devisant. L'art du thé se rapproche de l'art de la séduction surtout lorsque ce dernier se fait en japonais : "La langue japonaise n'a rien de facile, sans parler de son écriture. Une conversation peut se révéler malaisée à suivre quand on n'y trouve pas de sujet ou de verbe. On a tendance à exposer les faits selon un ordre impressionniste où il faut savoir entendre au-delà des mots à travers un discours qui paraît éparpillé et qui favorise les apartés et les digressions." (p.58)
C'est beau, délicat, fin et reposant. Lire ce petit livre de Hubert Delahaye -comme son très beau Lettres d'Ogura- promet un moment à part, loin de la rapidité et de la performance, l'un de ceux que l'on savoure en prenant son temps et un thé.
A Kyoto, un jeune étudiant français se rend tous les samedis chez Madame Yamamoto pour y apprendre les subtilités de la cérémonie du thé. Le Gaijin et la Sensei ont développé une complicité faite de respect et d’indulgence. Il admire la vieille dame, elle s’amuse de ses maladresses.
Un matin, la leçon est retardée par Shimizu-san qui finit par arriver en s’excusant. La jeune fille est d’une beauté délicate, réhaussée par son magnifique kimono et l’étudiant n’est pas insensible à son charme. Aussi, quand après le cours, elle l’invite pour un thé chez sa sœur Miya, il accepte sans hésiter. Son prénom, Ichie, signifie ‘’une rencontre’’, elle lui parle d’ichigo, un hasard, pour qualifier le moment qu’ils viennent de vivre. Et en effet, au hasard d’une rencontre autour d’un thé, il va vivre avec la mystérieuse jeune fille, une histoire ‘’de thé et d’amour’’…
Une bulle de délicatesse, de sobriété, de pudeur. Hubert Delahaye nous entraîne à sa suite dans ses souvenirs de jeunesse lorsqu’il était étudiant à Kyoto et s’initiait à la cérémonie du thé, cet art séculaire qu’il tente de maîtriser malgré sa gaucherie et son impatience. Il nous raconte le matériel, toujours choisi avec soin en fonction des circonstances, les gestes, précis, codifiés, délicats, et les émotions liées au cérémonial, apaisement, calme et sérénité. Un environnement où ne déteint pas la belle Ichie, sublimée par les kimonos qu’elle choisit avec soin. C’est pourtant dans la plus parfaite nudité qu’elle choisit de lui préparer un thé, chez lui, dans sa petite maison traditionnelle. Leur liaison sera intense mais fugace, un moment hors du temps, à l’image de la cérémonie du thé. Ichie livre ses secrets mais reste mystérieuse, presque inaccessible. Comme le thé, elle restera à jamais l’essence du Japon, que l’on peut effleurer mais jamais posséder entièrement.
De thé et d’amour est une courte nouvelle totalement envoûtante, un éloge à la culture japonaise, une histoire poétique et intemporelle. A lire pour s’isoler de la trépidation du monde le temps d’un voyage à Kyoto.
Je remercie chaudement Pascaline et L’Asiathèque pour cette parenthèse enchantée.
Sept nouvelles qui ont en commun la mer. Ou plutôt, les mers. Proches ou lointaines, toutes s'y rapportent, par les eaux, par les villes portuaires, par les bateaux, par les hommes qui en vivent...
Il y a du cinématographique, de ce cinéma des années 50, en noir et blanc qui racontait des histoires d'amour, des histoires d'amitié virile, des beuveries, des bagarres pour une femme ou un mauvais regard et toujours de l'humanité et du respect des uns envers les autres. Il y a des références aux grands écrivains voyageurs invétérés ou immobiles, dans les titres des nouvelles notamment : Hemingway, Conrad, Orwell, ... ; j'y ai vu aussi l'ombre d'Edgar Allan Poe. Hubert Delahaye les convoque ainsi que ses connaissances de l'Asie, des pays, des paysages, des hommes et femmes qui y vivent. Ses nouvelles d'environ vingt pages chacune racontent des petites histoires d'hommes et de femmes simples, qui, par obstination, par miracle, par hasard, ont vu leur vie changer -pas toujours pour du mieux-, et tout cela en bord de mer ou sur la mer.
Navigateurs, pêcheurs, acteur, cuisinier, plongeuse, ex-militaire, écrivain, tous ont leur moment de gloire dans les pages de ce recueil formidablement écrit, ainsi que l'était le précédent ouvrage de l'auteur : Lettres d'Ogura. Fin et tendre, délicat et beau, même si comme moi, vous aimez la mer, mais pas de trop près (je ne nage pas), j'aime la voir, la sentir, marcher le long, vous aimerez ce livre publié par la maison L'Asiathèque.
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