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Il y a Eva, il y a Piotr, il y a Tom. Une femme, un homme, un enfant. Trois personnages jetés dans 42 univers parallèles. La vie s'y manifeste, happée par la mort, l'amour tangue, la violence guette, menace, jaillit. Il y a la force du désir et celle des rêves. C'est la nuit, c'est le jour. L'avenir se joue avant le passé et le passé se vit encore au présent. Le temps se distribue dans l'univers. Fusion. Tout se répète, rien n'est identique. Une piste vaut un monde, un monde vaut ce que valent ces trois destins et les mots pour les dire.
La capacité exhaustive, une spirale, le fil d’Ariane. Une déambulation entre les images-rayons, les mouvements d’un texte bleu-nuit, viscéral et poétique.
Les pistes, sans danses aucune, le plein de la vie, le vide des échéances.
Un pas après l’autre, Perrine Le Querrec nous octroie la direction.
Main tendue, le regard qui dévore notre vaste humanité. Le huis-clos à flanc de falaise. La conscience affûtée, sans illusions est le tremblant de ce viatique. Des mots sur les maux.
Les pistes sans manège, avec des chutes et des électrochocs.
Les aléas comme du givre qui perce une fenêtre fissurée par les épreuves. Le renom prend place.
119 pages, entrelacs, nuages qui filent dans un décorum dont Perrine Le Querrec maîtrise tout.
Ils sont trois. Éva, fille, femme, mère, épouse, seule ou envahie. Piotr, homme, père, époux, seul ou l’universel. Tom, tour à tour, enfant, fils, linceul et drame.
L’écriture cadencée dans une justesse infaillible est un port d’attache. Tout advient de l’intrinsèque. Les vagues comme des pistes, des scènes au ralenti. La cruauté de la vie. La mort comme un blâme ou la rédemption.
Perrine le Querrec est la quintessence même. Elle comble les vides de cette poésie, main, chevelure, corps, enfant sur un tricycle. Éve, Piotr, Tom, le choix des pistes, les conséquences et les drames humains.
« Les tombes rectangles noirs, caractères anonymes entre lesquels serpentent les mots. Vues du ciel elles composent une poésie existentielle trouée par le silence. »
L’écriture en devoir de prononciation. Étreindre les mots comme le silence dans une chapelle endormie. La rémanence des choix.
« Éve ne dit mot empêche le soleil de se répandre sur la semi-nudité de Piotr, elle déploie une très large nappe bariolée de papillons aux ailes dessinées de motifs géométriques tels des masques aux mille regards recouvrent entièrement le corps de Piotr le bras tendu et l’image incertaine de l’enfant Tom remplissent l’espace. Roulis de la nappe où Éve renverse le contenu entier de son panier d’osier. Battement d’ailes. »
« ...La nuit tombée. L’écriture est tombée. L’écriture est le verdict. »
Les pistes à l’instar d’un kaléidoscope en pleine lumière. Écrire ainsi l’épure et le plein, les larmes et douleurs comme des ressemblances avec ce qui est visible à l’œil nu.
« Étrange paysage griffé de couleurs vives. Des repères. Pour qui ? Seuls les plus désespérés. Ceux qui fuient, ceux qui doivent passer, ceux qui ignorent tout de l’endroit où ils sont arrivés. »
« Migrants, bâillonnés, traqués perdus. Laisser derrière la terre l’origine la langue. »
Les séquences comme des conséquences. Les fragments sont des images qui nous frôlent et nous alertent. La vie est ici. Le seuil de l’hospitalité langagière aussi. Dans la création même du mot. Assigner à l’entendement et à l’apaisement, à l’ultime vérité.
Petit Tom sous toutes les coutures. Ne pas s’effrayer de l’exactitude du mot placé au plus juste. Perrine Le Querrec change les décors, loin des images d’Épinal. La vie n’est pas franche. Elle blesse dans le dos. « Je pars rien ne m’intéresse garde tout . À rebrousse-mots remonte les allées, les façades et nous pencher sur un balcon . »
Les montages comme les sillons d’un disque. La littérature sans distance. Perrine Le Querrec est douée, intuitive et détient la force et l’obstination pour rassembler l’épars des évènements, des aléas comme une gouttière percée en plein orage. La langue époustouflante de ce texte aux traductions indéfectibles. Assembler l’immensité du monde. Changer la donne et lancer les balles en plein ciel. Prendre part au recommencement, autrement.
Lire « Les pistes », « l’invisible de la vie », le déroulé du triomphe des mots. L’incarnation avant-gardiste d’une prose de prodigalité.
Collection Fictions ShushLarry. Publié par les majeures Éditions Art&Fiction.
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