L'auteur de "L'allègement des vernis" vous dévoile 10 précieux conseils de lecture
«La photo en noir et blanc d'une petite fille en maillot de bain foncé, sur une plage de galets. En fond, des falaises. Elle est assise sur un rocher plat, ses jambes robustes étendues bien droites devant elle, les bras en appui sur le rocher, les yeux fermés, la tête légèrement penchée, souriant. Une épaisse natte brune ramenée par-devant, l'autre laissée dans le dos. Tout révèle le désir de poser comme les stars dans Cinémonde ou la publicité d'Ambre Solaire, d'échapper à son corps humiliant et sans importance de petite fille. Les cuisses, plus claires, ainsi que le haut des bras, dessinent la forme d'une robe et indiquent le caractère exceptionnel, pour cette enfant, d'un séjour ou d'une sortie à la mer. La plage est déserte. Au dos : août 1949, Sotteville-sur-Mer.» Au travers de photos et de souvenirs laissés par les événements, les mots et les choses, Annie Ernaux donne à ressentir le passage des années, de l'après-guerre à aujourd'hui. En même temps, elle inscrit l'existence dans une forme nouvelle d'autobiographie, impersonnelle et collective.
L'auteur de "L'allègement des vernis" vous dévoile 10 précieux conseils de lecture
Prix Goncourt 2018, Nicolas Mathieu nous confie sa bibliothèque idéale
Avec le temps, va, tout s’en va
Pour moi c’est une relecture, et je me souviens parfaitement de cette découverte en 2008 et de cette phrase liminaire qui cingle le lecteur : « Toutes les images disparaîtront. »
Comme pour tout grand livre, grand écrivain, une relecture c’est faire de nouvelles découvertes en restant éblouie.
Plus d’un demi-siècle défile sous nos yeux, et si comme moi vous n’êtes pas de la génération de l’auteur, et si vous prenez le train en marche vous vous sentirez concernés par cette mémoire de l’intime vers l’universel, ce « moi » ou « soi » intégré à la marche du monde.
Réminiscences des tablées familiales :
« On vivait dans la rareté de tout. Des objets, des images, des distractions, des explications de soi et du monde, limitées au catéchisme et aux sermons de carême… »
Toujours fascinée par ce fil rouge qu’est la lucidité d’Annie Ernaux sur son époque, sur le monde et ce travail sur l’écriture, l’emploi de l’imparfait, du « on » parfois du « elle ».
Le rythme des phrases qui vont à la ligne sans faire précéder d’un point et sans la majuscule, fait que le temps s’écoule, qu’il glisse avec ses évolutions inexorables qui nous entraîne avec lui.
« Dans le cours de l’existence personnelle, l’Histoire ne signifiait pas. On était seulement, selon les jours, heureux ou malheureux. »
L’évolution se fait dans la manière dont le corps est appréhendé, celui des femmes particulièrement, le langage des origines, famille, milieu social, les modes de consommation, l’arrivée de la publicité, du marketing, des médias.
L’écriture est précise, il n’y a pas de place à l’enveloppement, il peut y avoir de la brutalité à dire, pas de préciosité dans l’écriture.
Les années, est un livre précieux pour dire le travail, la création littéraire, souvent un clef éclairant les ouvrages précédents.
C’est un livre unique dans la manière qu’il a d’ouvrir le temps et non pas de clore ces années-là.
C’est un livre à partager avec sa descendance car il éclaire le chemin.
Annie Ernaux explore le temps jusqu’à la moelle, en se dévoilant, se mettant à nu.
En conclusion reprendre les mots de Pierre Desproges :
« S’il vous plaît, continuez d’exister et d’écrire des livres. Vous êtes l’Écrivain. »
Même si ce dernier n’a pas pu lire ce livre, ce sont des mots qu’il a écrits après la lecture de La Place et Une Femme
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2023/01/30/les-annees/
Quel plaisir de relire Les années !Malgré un style froid, distancié c'est vraiment un livre très touchant.à lire si l'on veut réveiller ses souvenirs et les revisiter sous l'angle de notre histoire récente sans sombrer dans la nostalgie.
Annie Ernaux a composé une "autobiographie impersonnelle"où le "je"est absent pour mettre en forme par l'écriture son "absence future".En s'appuyant sur 12 photos qu'elle décrit avec précision elle dit le temps qui passe pour elle et pour les autres dans une France qui change.
Elle a écrit la vie d'une femme des années 1940 aux années 2000 en relatant des souvenirs disparates,ce qui reste en fait à la fin d'une vie.En quelques lignes, elle parvient à donner la tonalité d'une période, à la fois d'une manière intime et de manière globale pour une écriture universelle.
Elle naît en 1941 dans une société très fermée où se transmet de génération en génération un héritage de pauvreté et de privations...
Récit intéressant mais déroutant quant au passage de la Vie et de notre vie sur Terre .... Je dois lire cet ouvrage peut-être un peu trop tôt ou à un moment peu propice de mon parcours personnel ?!
C'est une forme originale et étonnante d'autobiographie que nous propose Annie Ernaux.
Sur la forme d'abord :
- Une autobiographie où "elle", "on" et un "nous" impersonnel remplacent le "je". L'auteur se raconte comme elle conterait la vie d'une copine, ou d'un groupe de copains. On ne peut douter de la véracité du contenu, mais elle y met beaucoup de distance et de recul, qui cachent sans doute une grande pudeur.
- Une autobiographie rythmée par des photos ou des extraits de film, prétextes à analyser l'évolution physique de l'auteurs et l'impact personnel et sociétal du vieillissement.
- Une autobiographie continue, sans découpage en chapitres ou parties thématiques ou temporelles, qui se déroule inexorablement, comme le temps qui s'écoule.
Sur le fond ensuite : l'auteure nous propose tout autant une réflexion sur le temps qui passe et l'évolution de la société des années 1940 au début du 21ème siècle qu'une véritable biographie. Quand on tourne la dernière page, on a le sentiment d'en savoir plus sur l'environnement familial, social et sociétal dans lequel elle a vécu que sur Annie Ernaux elle-même, un peu comme si elle se caractérisait plus au travers de ses interactions avec les autres que par elle-même...
Le résultat est étonnant et intéressant, tant sur la forme que sur le regard porté sur la seconde moitié du 20ème siècle et le début de 21ème, même si on en apprend finalement assez peu sur ce qu'a fait l'auteure au cours de ces années.
http://michelgiraud.fr/2020/08/31/les-annees-annie-ernaux-gallimardfolio-une-autobiographie-originale/
Elle est née en 1940, elle était enfant pendant la période des privations, jeune femme au temps du yé-yé, déjà professeur de français en 1968. Au travers d’un album photo, elle se raconte, à la troisième personne parce que sa vie toute simple, c’était la vie de toutes. C’est la première fois que je lis un roman d’Annie Ernaux, et c’est une rencontre étonnante. Son roman sans intrigue « Les Années » c’est une autobiographie par petites touches, une autobiographie désincarnée ou elle parle d’ « Elle », de « On » ou de « Nous » mais n’emploie jamais le « Je ». Dans les premières pages, le style est déconcertant, on se demande si cela va fonctionner sur la durée et puis, d’une façon un peu magique, ça marche ! A chaque étape de la vie, à chaque photo une brève description, puis tout se qui se cache derrière, et puis aussi, au-delà de la petite histoire d’une vie, la Grande Histoire qui s’écoule. Cette femme toute simple, mariée jeune, maman de deux fils, divorcée dans les années 80, professeur de français, engagée parfois, émue souvent, indifférente aussi à la longue, devant un monde qui va de plus en plus vite et qui devient inextricable. Son regard engagé est souvent pertinent, de plus en plus désabusé au fil des années, mais c’est un peu normal quand on vieillit, non ? C’est un livre qui m’a forcément davantage « parlé » dans sa seconde moitié, vu que je suis née 30 après elle. Mais je pense que c’est un roman qui devrait plaire à ma maman, d’ailleurs je vais le lui faire lire ! Il n’est pas facile d’en dire davantage, aucun suspens à ménager, aucun spoiler à éviter, c’est une vie qui s’écoule dans un monde de l’après-guerre, de la Guerre Froide, de la Chute du Mur, du 11 septembre, avec ses présidents qui défilent, ceux pour qui elle a voté (deux fois), ceux qu’elle n’aime pas (les autres). Son regard, clairement de gauche, est souvent sans concession, parfois un peu injuste ou dogmatique (mais bon, c’est de bonne guerre !), on n’est pas d’accord avec tous ses choix, ses engagement mais quand elle évoque ses combats de femme, Charronnes, Malik Oussekine, la Guerre du Golfe, les attentats de la rue de Rennes ou du métro Saint-Michel, son émotion ou ses colères nous parlent, puisque elles rentrent en écho avec les nôtres. Dans ce monde qui va à 100 à l’heure et qui a la mémoire d’un poisson rouge, « Les Années » d’Annie Ernaux, c’est une plongée en nous-mêmes qui fait étrangement du bien, et dont on retire une certaine sérénité, une fois la dernière page tournée.
Les années d'Annie Ernaux est un livre à part : ni essai historique, ni autobiographie, c'est un livre où Histoire et vie personnelle se mêlent intimement. Ces deux visions du passé nous offrent un roman des plus intéressants.
La thématique principale est bien sûr le temps qui nous emmène vers une fin inéluctable, avec un poids du passé qui ne fait que s'accentuer et qui est l'objet de tant de débats, d'inquiétudes et de réminiscences, véritables listes à la Prévert d'événements passés qui s'enchaînent inexorablement. La forme épouse parfaitement le fond lorsque Annie Ernaux ne met pas de majuscules à certaines des phrases comme si le temps justement lui manquait.
Un livre optimiste et touchant sur un thème qui nous concerne tous d'une manière ou d'une autre.
Nous terminerons avec cette très jolie citation de l'auteure (toute dernière phrase de cet ouvrage) :
Sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais.
Je ne sais pas trop s'il m'est possible de donner mon avis sur ma lecture de "Les années" tant je suis fan de l'écriture d'Annie Ernaux ! Je manque donc forcément d'objectivité. Mais en même temps est-on jamais objectif face à une lecture ? Surtout une lecture comme celle-ci qui tresse les fils du temps en y accrochant des images, photos jaunies ou réminiscences ; des gens, la famille, les inconnus, les "célèbres" ; des conversations ; des instants ; toute une vie.
Il s'agit d'un roman autobiographique sans que cela soit un roman ni une autobiographie. Il s'agit du passage des années entre l'immédiat après-guerre et aujourd'hui. Des années qui sont à la fois inscrites dans la mémoire collective et dans celle, personnelle, de l'auteur. Ce jeu entre proximité intime et distance impersonnelle instaure une profondeur de champ cinématographique dans laquelle chaque lecteur peut projeter ses propres souvenirs.
Le temps trouve toute sa mesure dans cette démarche qui met la mémoire au coeur de la réflexion, et d'une manière plus profonde encore, qui pose finalement la question de l'être.
L'écriture d'Annie Ernaux nous révèle nos propres secrets, notre propre condition, dans un murmure qui constate plus qu'il n'analyse. Et c'est de tout cela que surgit l'émotion, la puissance, le rayonnement du roman.
Comment puis-je parler objectivement d'un roman d'Annie Ernaux ? Je ne le peux pas car son roman, celui-là comme les autres, fait partie de ce qui m'est essentiel, vital, de ce souffle qui me fait avancer de manière moins tâtonnante. Et de ce qui me fait aimer toujours davantage les mots, les livres, les gens et la vie. Tout simplement.
Roman largement autobiographique pourtant écrit à la troisième personne, sans doute pour donner à l’ensemble un regard extérieur au personnage qu’elle était alors. Annie Ernaux raconte son histoire à travers les évènements qui ont fait les Trente Glorieuses et jusqu’à ceux du début du 21è siècle. Un bon roman qui joint mémoire individuelle et mémoire collective.
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