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Pour Jean-Philippe Cazier, l´écriture poétique est d´abord la trace de son expérience.
C´est cette expérience qu´il s´agit de fonder, la part volontaire de risque, la part délibérée et intentionnelle du chemin pris, où on scrutera le corps, le mental et le monde - et bien sûr pas d´autre outil, pour prendre ici écart et savoir, ou seulement transcrire, que s´appuyer sur le fil extrême de la poésie, de Hölderlin à Celan, par Artaud.
Et c´est pour affronter cette limite qu'on recourt aussi à l´arsenal de la pensée-limite (puisque Ghérasim Luca est aussi une des bornes les plus actives de cet univers), et donc la philosophie : elle ne détermine pas l´écriture, elle sous-tend son saut.
Nous présentons simultanément trois ensembles de Jean-Philippe Cazier :
"Écrires", précédé de "Poémonder" a été publié en 2004 par Inventaire/Invention. "Poémonde" est un texte d´un seul tenant, interrogeant les dettes, provoquant la langue, cherchant à cerner le territoire de l´expérience poétique (en entier dans l´extrait en lecture libre). "Écrires" est une suite de textes brefs résultant de cette expérience, dans la tension d´entre le mental et le monde - phrases interrompues, mises en parenthèses comme d´élision du mouvement même d´écrire...
Hommage à Patrick Cahuzac d´avoir pris le premier le risque de cette publication, dont il nous semble important d´assurer la permanence.
C´est pourtant Joseph K. qui est là, référence à Kafka explicite dès le titre, pourquoi ? C´est le Journal de Kafka qu´on interroge : sa façon obstinée de reprendre l´écriture jour après jour. Et, quand on n´a pas de prise sur le monde, ou sur le récit, qu'on n´a pas visage ou matière, c´est de cette difficulté à écrire qu'on se saisit :
Jean-Philippe Cazier s´assigne cette écriture permanente au même point, et s´y mêlent alors les autres strates du Journal de Kafka. On sait qu'une grande partie des personnes qu'il cite, à commencer par ses soeurs, disparaîtront dans la honte d´Auschwitz.
Comment l´écriture alors pourrait se déprendre de ce qu'on porte chacun, après Auschwitz, de judaïté ? C´est toute l´étrangeté de ce texte, entre récit, mémoire, expérience d´écriture, et le portrait en filigrane, de plus en plus insistant à mesure qu´on avance, de Franz Kafka.
Le silence du monde : non plus l´écriture de poésie, mais écriture de ce qu'on lit, travaille, apprend, hérite.
Une longue accumulation de très denses fragments sur la poésie et son dehors, sur la voix et le silence, sur l´affrontement du monde et l´absolu de l´écriture. À la fois un bagage théorique qui a valeur d´essai autonome, à la fois une exploration littéraire en soi-même, vers Lévinas ou Blanchot, ou Deleuze...
Je remercie de vive façon Jean-Philippe Cazier de nous confier ces trois textes pour une parution simultanée où chacun intervient sur la lecture des deux autres.
Passer dès à présent sur son blog, où on trouvera une mine de chemins frontières de la poésie.
FB
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