"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Manu Larcenet s'attaque pour la première fois à une adaptation, celle du chef-d'oeuvre de Philippe Claudel, Le Rapport de Brodeck. Mais lorsque l'auteur de Blast et du Combat ordinaire s'empare du texte, c'est pour le faire sien et lui donner une nouvelle vie, éclatante, sombre et tragique. Des pages d'une beauté stupéfiante, magnifiant la nature sauvage et la confrontant à la petitesse des hommes ; une plongée dans les abîmes servie par un noir et blanc sublime et violent. Un très grand livre.
Un village tout juste libéré d'une invasion ennemie, une honte collective que porte chaque villageois et un étranger qui débarque d'on ne sait où, pour étudier la Nature.
Mais comment accepter cet "Anderer" si bon, si paisible, quand il renvoie à chacun son véritable visage comme un miroir ?
Car la honte est une arme de destruction massive et le reflet de la vérité menace l'apparente tranquillité du village.
Brodeck, "le seul innocent parmi les coupables", va devoir écrire un rapport sur ce qui s'est passé mais saura-t-il être impartial, lui qui a tant subi des siens ?
D'une noirceur insondable, cette BD est une plongée terrifiante dans les travers de l'âme humaine et l'on ne sort pas indemne de cette lecture.
"C'est très curieux la sainteté. Lorsqu'on la rencontre, on la prend souvent pour autre chose, pour tout autre chose, de l'indifférence, de la moquerie, de la conspiration, de la froideur ou de l'insolence, du mépris peut-être. On se trompe, et alors on s'emporte. On commet le pire. C'est sans doute pour cela que les saints finissent toujours en martyres.
C'est toujours simple de regretter après coup ce qui s'est passé. Ça ne mange pas de pain, et ça permet de se laver les mains et la mémoire, à grande eau, pour les rendre pures et blanches."
Très beau texte de Philippe Claudel superbement illustré en noir et blanc par Manu Larcenet dans ce roman graphique en 2 volumes dont je me souviendrai longtemps.
Voici une adaptation réussie d'un roman de Philippe Claudel que j'ai adoré. Manu Larcenet, dans son trait de crayon, met bien en scène l'ambiance du roman, la noirceur de l'histoire et de l'innommable.
Dans ce premier tome aux nombreuses planches sans bulles, on découvre un paysage montagneux, une nature très présente.
Brodeck est un homme taiseux dont le travail est d'établir des notices sur l'état de la flore selon les saisons.
Un soir il arrive à l'auberge du village pour demander du beurre, et là, sa vie va basculer. Il comprend très vite qu'une terrible chose s'est passée dans ce lieu et on le contraint à rédiger un rapport. Il devient l'otage du village.
Cette bande-dessinée, malgré son côté très sombre, est une œuvre magistrale, très belle. On aime le format à l'italienne qui permet au dessinateur de nous faire découvrir les paysages austères mais grandioses que Brodeck chemine tous les jours. Les visages sont déconcertants tellement ils sont vivants. On est touchés vraiment dès ce premier volume.
Cette bande dessiné est inspirée du roman de Philippe Claudel, paru en 2007 et est découpée en deux tomes : le premier (en 2015), intitulé L'autre, et le second (en 2016), intitulé L'indicible. Je n'ai pas lu le roman et ne peux donc comparer. L'histoire est forte, noire et violente. Elle parle de crime, de la lâcheté humaine, de la peur et de la haine de l'autre, l'étranger, de la trahison. Elle parle également de la seconde guerre mondiale et du nazisme, de la supposée supériorité de certains, de la déportation et de la survie dans les camps et du retour dans un village coupé de tout et de tous lorsqu'on a subi les pires horreurs et que les villageois restés n'apprécient pas ce retour.
Manu Larcenet développe tout cela dans un dessin noir et blanc duquel sourdent la violence et le désespoir, la noirceur des hommes et leurs pires lâchetés et turpitudes. On est assez loin du dessin net et précis et plutôt dans des traits flous, il est parfois difficile de reconnaître les hommes entre eux. A priori un genre que je n'apprécie pas plus que cela, mais je dois dire que dans ce double album, il renforce la noirceur, l'âpreté du monde décrit, la violence. C'est assez prodigieux. Parfois, les images surgissent d'un fond blanc, avec un minimum de traits, de points et si l'on s'y attarde, des détails apparaissent, pas visibles si la lecture est trop rapide. Les albums ne sont pas très bavards, parfois les dessins sont muets et ce ne sont pas ceux qui sont les moins parlants.
Je ne sais pas si je lirai le roman, mais ce dont je suis persuadé c'est que si je le lis, je ne pourrai pas me défaire des visages et des lieux que Manu Larcenet a dessinés.
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J'ai adoré le livre, mais il m'a marquée. Je redoute un peu la noirceur de Manu Larcenet sur ce texte déjà très sombre...