"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Cette BD en tonalité de noir et blanc est très sobre dans les couleurs, tout en retranscrivant une palette infinie d'émotions et de situations.
N'ayant pas lu le roman éponyme, je ne peux pas juger de la fidélité de cette adaptation à l'œuvre originale. Ce que l'on découvre est que l'action se déroule dans un monde postapocalyptique, où un père et son fils sont en chemin pour un avenir meilleur. Dans leur cheminement, qu'ils font seuls, ils découvrent des lieux et des situations plus morbides les unes que les autres. Le père essaie de protéger autant que possible son fils de ces horreurs, même si ce dernier voit et comprend plus de choses qu'il ne laisse paraitre.
Ce cheminement sur cette route est une quête non seulement d'un avenir meilleur, mais surtout de nourriture pour survivre. Une lecture pleine d'humanité alors que la situation alentour n'est que désolation. C'est l'amour d'un père pour son fils, qu'il tente de protéger tout en lui inculquant les bases pour qu'il puisse s'en sortir dans ce nouveau monde. Un monde sombre où chaque rencontre et situation risque de faire disparaître la part d'humanité présente.
Une fois la lecture finie, elle ne laissera personne indifférent.
Après mon coup de coeur pour La route, je continue ma découverte de Manu Larcenet avec Blast, une BD en 4 volumes, publiée entre 2009 et 2014.
Polza Mancini, un « écrivain en panoplie de clochard », a été arrêté par la Police pour le meurtre d'une jeune femme et en garde à vue, il raconte son parcours de marginal.
Relégué au banc de la société pour son physique d'obèse et son caractère psychotique, il fuit sa vie de mange-misère à la mort de son père et part à travers la campagne pour une errance qui s'achèvera avec son arrestation.
Mais il sème de nombreux cadavres sur sa route et les policiers qui l'interrogent tentent de le mettre en confiance pour lui faire avouer ses crimes.
La plongée dans l'univers de Polza est mémorable, passant de scènes ultra-violentes en noir et blanc à des scènes très colorées qu'il appelle le Blast, « cet endroit où la souffrance n'existe pas, cette vision d'un monde illimité, débarrassé de toute morale ».
Le personnage de Polza, « dernier d'une grande lignée de pitoyables inutiles », m'a profondément touchée par sa détresse et son incontrôlable folie. Son lien fort avec la nature et son amour pour Carole font apparaître chez lui une sensibilité exacerbée et apportent des petites touches positives à son errance meurtrière.
Autant j'ai aimé les illustrations en noir et blanc de la vie de ce personnage atypique, autant j'ai peu accroché aux représentations colorées de ses pensées qui sont trop psychédéliques pour mon esprit cartésien.
Si je n'aimerais pas croiser la route de cette palette de personnages tous plus terrifiants les uns que les autres, j'ai été totalement séduite par l'univers sombre de cette BD envoûtante qui me laisse un souvenir ému.
L'évènement graphique de l'année ! Et quelle réussite !
Je ne voyais absolument pas comment il était possible d'adapter ce roman « monument », prix Pulitzer en 2007 (si vous ne l'avez pas encore lu vous devez absolument combler cette lacune). Jamais au grand jamais je n'ai connu une telle angoisse en lisant une histoire. J'en rêvais la nuit. Je pensais constamment à cet homme et à cet enfant, me demandant comment ils allaient se sortir de ce monde dévasté, asphyxié par les cendres et cerné de dangers. le souvenir de sa lecture est encore très vif dans ma mémoire et les sensations sont intactes.
Tout est remonté en ouvrant la version Larcenet. Immédiatement, dans les décors, dans les couleurs, on s'immerge dans l'univers post apocalyptique créé par Cormac McCarthy. L'incroyable tension du roman s'installe aussi sûrement dans la bd. On retrouve la radicalité de l'oeuvre d'origine, faite de peu de mots, de peu d'action et de beaucoup de non-dits.
Et on se prend dans le coeur la force du lien qui unit ce père et ce fils.
Alors, une fois la dernière page tournée, l'évidence est là. Larcenet était bien le seul capable de ne pas trahir tout en étant intègre à ce que l'on connaît de lui.
Et voilà, nous y sommes, l’Apocalypse a bien eu lieu ! Il y a bien quelques survivants dans ce monde dévasté et nous allons suivre deux d’entre eux, un père et son fils qui marchent en direction du Sud en poussant un charriot contenant quelques objets hétéroclites, vestiges d’un autre monde, en quête de nourriture, d’un abri pour pouvoir dormir…
Tout est noir, noyé dans la poussière et les décombres, le père et le fils tentent de progresser, évitant les pièges car les autres humains survivants ne sont pas forcément animés de bonnes intentions et la complicité qui existe entre eux est émouvante. A part la poussière et les ruines, il n’y a de traces d’autres animaux, il n’y a plus d’oiseaux par exemple…
Les dessins sont sublimes, toutes ces nuances de gris, de noir, se suffisent pratiquement en elles-mêmes, le texte est parfois superflu. En fait, je suis tombée sous le charme des planches en regardant un mini-reportage sur ARTE (à la fin du JT, il y a toujours cinq minutes consacrées à l’art et là, cela a été le choc, j’étais littéralement foudroyée donc je l’ai rajouté illico à mes suggestions à la médiathèque.
J’ai décidé de lire cette BD, alors que je n’ai pas encore lu le roman qui fait partie comme quelques-uns (1984 par exemple) de ma bibliothèque mais dont je redoute de tourner les pages, tant cela me semble prémonitoire. Je m’étais promis de lire le roman avant d’ouvrir la BD, mais elle était bien en vue à la médiathèque alors, plus d’excuse !
Ce travail est magistral, par contre, je déconseille la lecture en période de morosité, car en refermant la BD, la mélancolie et le désespoir devant l’état de la planète m’attendaient à la sortie. Par contre, je n’ai pas vu le film et je ne regarderai probablement pas, au cinéma il y a une autre dimension, du fait du mouvement qui pourrait me « traumatiser davantage.
Finalement, je lirai peut-être « Le rapport de Brodeck » de Manu Lancenet : j’ai beaucoup aimé le roman, mais je redoutais les images qui pourraient modifier ce qui j’avais imaginé à la lecture.
https://leslivresdeve.wordpress.com/2024/08/21/la-route-de-manu-lancenet/
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