Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Un homme seul, obèse et sale, est amené au commissariat. Ce qu'il a fait, pourquoi il est là, nous n'en saurons encore rien. Au cours de l'interrogatoire, confession impudique, il va livrer sa vie et expliquer au lecteur passionné comment il a, un jour, lâché prise, et est parti sur les routes à la recherche du Blast - cet instant magique où tout s'illumine et sa vie devient parfaite. Après Le Combat Ordinaire, le nouveau chef-d'oeuvre de Manu Larcenet est un pavé de 200 pages en noir et blanc d'une époustouflante beauté formelle.
Après mon coup de coeur pour La route, je continue ma découverte de Manu Larcenet avec Blast, une BD en 4 volumes, publiée entre 2009 et 2014.
Polza Mancini, un « écrivain en panoplie de clochard », a été arrêté par la Police pour le meurtre d'une jeune femme et en garde à vue, il raconte son parcours de marginal.
Relégué au banc de la société pour son physique d'obèse et son caractère psychotique, il fuit sa vie de mange-misère à la mort de son père et part à travers la campagne pour une errance qui s'achèvera avec son arrestation.
Mais il sème de nombreux cadavres sur sa route et les policiers qui l'interrogent tentent de le mettre en confiance pour lui faire avouer ses crimes.
La plongée dans l'univers de Polza est mémorable, passant de scènes ultra-violentes en noir et blanc à des scènes très colorées qu'il appelle le Blast, « cet endroit où la souffrance n'existe pas, cette vision d'un monde illimité, débarrassé de toute morale ».
Le personnage de Polza, « dernier d'une grande lignée de pitoyables inutiles », m'a profondément touchée par sa détresse et son incontrôlable folie. Son lien fort avec la nature et son amour pour Carole font apparaître chez lui une sensibilité exacerbée et apportent des petites touches positives à son errance meurtrière.
Autant j'ai aimé les illustrations en noir et blanc de la vie de ce personnage atypique, autant j'ai peu accroché aux représentations colorées de ses pensées qui sont trop psychédéliques pour mon esprit cartésien.
Si je n'aimerais pas croiser la route de cette palette de personnages tous plus terrifiants les uns que les autres, j'ai été totalement séduite par l'univers sombre de cette BD envoûtante qui me laisse un souvenir ému.
Le chef d’œuvre de Manu larcenet
Je viens de terminer BLAST de Manu LARCENET.
Comme de plus en plus souvent avec le bonhomme, il s’agit d’une histoire en plusieurs tomes, dont GRASSE CARCASSE est le premier. Il nous conte une partie de la vie d’un dénommé POLZA MANCINI, jeune écrivain obèse, à crâne rasé et nez pointu, qui aura eu la chance d’avoir un père communiste. Nous le découvrons en garde à vue, entouré d’enquêteurs, qui tout en essayant de le ménager tentent de comprendre les origines de l’agression, voire pire, d’une certaine Carole, dont il serait le suspect numéro un. Ce dernier est sujet au phénomène du blast, dont on ne sait s’il est plus une drogue ou un symptôme, mais qui donne son nom à l’histoire.
Tout LARCENET est dans cette bande dessinée. Toute la bande dessinée est dans ce LARCENET. Le trait est formidable, grandiose ou émouvant ou bien les deux à la fois, dans les portraits comme dans les scènes ou les décors. On y retrouve le noir et blanc, tantôt rassurant, souvent inquiétant. La couleur y fait quelques apparitions, comme sur les couvertures, pour mettre encore plus en valeur son propos et ses talents. De plus, comme l’auteur est un grand humble il intègre des dessins d’enfants et nous dispense de la dispensable page de l’inventaire « du même auteur ». L’humour se fait discret, mais semble toujours possible, là où l’on s’y attend le moins, notamment dans les dialogues qui rappellent que l’on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui (« Tu détesteras ton prochain comme toi-même. »). Le rêve est là et même mystérieuses les statues de l’île de Pâques dont la présence le restera dans quelques planches.
L’artiste se pose toujours autant de questions et aimerait peut-être bien que nous l’aidions à y répondre. Il nous rappelle que la ville et la campagne peuvent être tout aussi belles que laides l’une et l’autre, à l’image de la solitude et du communautarisme. Sans faire de psychanalyse à quatre centimes, quoique le ticket modérateur doive être légèrement plus cher à l’heure actuelle, on y retrouve le thème éternel de la mort et l’ambigu rapport aux paternels. Après le combat ordinaire dans les ports on découvre celui possible dans les îles. Tout homme est une île paraît-il. Quand au porc, tout homme l’est ?
A l’instar de son personnage central, l’ouvrage est un monument et s’achève après deux-cents pages sur nombre d’interrogations et une impatience formidable. J’espère que BLAST ne sera pas son apogée et qu’il en pondra de nombreux de ce niveau, à l’attention de tous et pour tous les âges, puisqu’il sait tout faire et surtout parce qu’on le veut. Car le LARCENET c’est bon comme du bon lait, de la naissance au décès. Mais il est clair que ce pavé marquera un cap important dans sa création et laisse entrevoir maintes surprises.
Vivement la suite pour que demain je rêve.
« Comment ne pas se haïr quand il est si naturel de se faire haïr ? »
Assis dans une cellule, Polza Mancini, 38 ans, 150 kilos, critique gastronomique, attend. Visiblement en garde à vue. Il tourne la tête et voit une figure moai.
De l’autre côté de la porte, un inspecteur l’observe. « Il n’a pas l’air coriace » s’étonne-t-il.
Et pourtant… internements fréquents en hôpital psychiatrique, automutilations en tous genres, altération du jugement, comportement asocial, hallucinations, arrestations multiples et variées et puis, une femme, Carole Oudinot, à qui il a fait quelque chose, on ne sait pas quoi mais on craint le pire. Elle est dans le comma, pas sûr qu’elle s’en sorte…
Les policiers l’interrogent, il faut le faire avouer. Mais Polza peut se taire, se refermer comme une huître. De toute façon, ils sont prévenus, il compte prendre son temps, leur raconter tout dans le détail : « Si vous voulez comprendre, il faut que vous passiez par où je suis passé. »
Et il en a fait des tours et des détours.
Alors, on suit Polza qui, sur huit cents pages (quatre volumes), nous raconte, se raconte… C’est lui qui cause, il faut l’écouter. Vrai, pas vrai, mensonges, vérité ? Un récit subjectif en tout cas…
D’abord, la mort de son père, l’homme à tête d’oiseau, à peine humain, que l’on découvre recroquevillé sur son lit d’hôpital. Et puis, le départ de Polza. Il quitte tout du jour au lendemain: sa maison, sa femme, son métier pour devenir clochard, clochard volontaire, expérimenter la liberté, sortir du cadre. Enfin ! Après la mort du père, il s’autorise….
Il prend le train, descend au bout de la ligne et s’enfonce dans la nature… Retour à l’état sauvage presque : contemplation des petites bestioles qui grouillent et des plus grosses qui traversent le paysage. On se laisse aller à rêver sur des planches superbes, de vrais tableaux… On admire les lieux, limite si on n’est pas un peu jaloux de toute cette liberté que s’est offerte le gars Polza, même si l’on sent comme une menace.
Parfois, à l’aide d’alcool et de médicaments, surgit le blast, espèce d’instant en suspension, d’ « effet de souffle, d’onde de choc ». Il voit des têtes de moai, les fameuses statues de l’île de Pâques. C’est l’extase qu’il recherchera, toujours et encore, état second où il devient léger physiquement et moralement. Moments rares, fugitifs et précieux…
Puis les premières rencontres, les paumés, les marginaux, les malades. Ceux avec qui il passe du temps, discute, semble échanger, un peu. Et les errements reprennent.
Il faut survivre, se défendre, frapper, être frappé et humilié. C’est le prix de la liberté. Devenir presque un animal, retourner à l’état sauvage. Souvent ivre mort, il faut se relever quand même, traîner ses blessures, calmer ses plaies et sa souffrance.
Et Polza raconte, détaille, se souvient. De temps en temps, il avale des barres Funky chocolat, les policiers les lui fournissent. Ce sont ses barres préférées. Alors, si ça peut l’aider à en dire un peu plus…
Qui est Polza Mancini ? Est-il ce qu’il dit être ? Est-on se qu’on croit être ?
« Parfois je mens. Je dis que je ne me souviens de rien… Mais il n’est rien qui ne s’efface, bien sûr. Je bouillonne en dedans. Je suis en feu. Je suis gris, lourd, crasseux, mais je suis en feu. Je suis la limaille, le cambouis, les miasmes, les ordures. Je suis la souillure, la suie qui s’incruste sous les ongles, les paupières, qui se niche au fond des poumons. Le désespoir, c’est comme la prison, la mine ou l’usine…Ça vous lâche jamais. Mais je suis en feu. Alors je mens. Je dis que je ne me souviens de rien. Mais mon histoire est faite de cicatrices. Il me suffit d’inspecter ma peau… Et tout me revient. »
Personnalité complexe, énigmatique, autour de laquelle le lecteur va tourner, s’interroger… Cet individu repoussant, abject, n’est-il qu’un pauvre homme vulnérable, seul car différent, dégoûté de lui-même et des autres et dont on ne peut qu’avoir pitié ? Est-il un individu prêt à payer cher sa liberté, refusant la normalité et la société de consommation ? Ou bien, est-ce un être chez qui « il n’y a pas trace de morale, d’éthique ou même de justice…. » ? « Là où vous vous réduisez à la loi, je ne me conforme qu’à la nature… et la justice n’existe pas dans la nature. » précise-t-il aux deux policiers…
Un roman graphique d’une noirceur insondable et fascinante, des planches anthracites où le blast ultra-coloré vient soudain, comme un immense feu d’artifice, briser la grisaille, le noir et blanc dans lequel on replonge illico…
Une œuvre à la fois belle et cruelle, poétique et sordide ! Terriblement impressionnante. Essentielle en tout cas.
Retrouvez Marie-Laure sur son blog: http://lireaulit.blogspot.fr/
Noir, intelligent, envoûtant. Je vais me jeter sur les tomes suivants.
Larcenet explore la noirceur. La marginalité glisse vers la violence au fur et à mesure des pages. Une régression à peine freinée par le Blast, une suspension du temps, de la gravité sur fond de dessins d'enfants. Dérangeant.
Un homme en prison, gros, gras, énorme avec une tête ronde, affublé d’un nez qui fait penser à un bec. Les policiers l’interrogent sur une mystérieuse et violente affaire où Polza Mancini (c’est son nom) est impliqué et il raconte : son enfance, son corps de pachyderme, la mort de son père, sa fuite devant la mort, la ville, et puis le « Blast » cette sorte d’état second violent où tout semble suspendu qui l’incite à fuir son histoire, à fuir sa vie, à s’éloigner des hommes….Il s’agit là du premier tome d’une histoire noire où Manu Larcenet nous offre de superbes dessins en noir et blanc, des dessins qui semblent être réalisés à la plume, une plume qui dessine mais aussi une plume qui rature et un pinceau qui exprime toute une gamme de gris qui n’est pas sans rappeler dans certaines cases le dessinateur italien Gipi. Magnifique réalisation, on attend avec impatience la suite.
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