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Une mère dévote et hystérique qui pousse son fils à entrer au parti pour que sa soeur puisse épouser le rejeton d'une ancienne famille noble dont le père opportuniste exige en dot un communiste pour assurer ses arrières.
Une cuisinière habillée d'une robe dont on dit que c'est celle de l'impératrice, qui porte le même prénom que la grande duchesse héritière du trône de Russie et qui passe aux yeux des nostalgiques de l'ancien régime pour une promesse de Restauration. C'est là la situation rocambolesque imaginée par Nikolaï Erdman pour sa première pièce, Le Mandat. Et tout ce petit monde, confiné dans l'espace étouffant d'un appartement communautaire, que traverse l'inévitable mouchard, coiffé d'un plat de nouilles au lait, développe des peurs et des espoirs qui entraînent une multitude de dérives, de quiproquos et de mini-catastrophes burlesques.
A la fois comédie de moeurs, vaudeville et farce, créé par Meyerhold en 1925 dans une mise en scène qui fut une réussite absolue, Le Mandat s'inscrit pleinement dans son époque, celle de la NEP, avec tout ce que celle-ci comportait de situations contradictoires et loufoques.
Monté dans la plus pure tradition gogolienne, Le Mandat touchait des spectateurs qui venaient rire d'eux-mêmes (ils riaient, paraît-il, plus de trois cents fois au cours de la représentation) et, pour reprendre le mot de Nicolas Ier, à propos du Revizor, "chacun en prenait pour son grade".
Mais si, au lendemain de la première, l'Union soviétique se réveillait avec un nouveau dramaturge de talent (et une nouvelle gloire en la personne de l'acteur principal Eraste Garine), l'euphorie ne durera pas : Erdman sera cassé par le régime à la fin des années vingt, après l'interdiction dont fera l'objet sa deuxième (et dernière) pièce, Le Suicidé.
Le pouvoir avait d'ailleurs certainement raison de se méfier, car, au-delà du rire que déclenche le pseudo-communiste Pavel, qui ignore comment se déchiffre l'abréviation PC, mais qui pense pouvoir "arrêter toute la Russie" avec sa nouvelle serviette et le mandat qu'il s'est lui-même délivré, on pressent, dans toute cette agitation, le régime de terreur qui se met peu à peu en place.
Réhabilité à la faveur de la perestroïka, Erdman retrouve aujourd'hui sa place dans l'histoire de la littérature et du théâtre soviétiques aux côtés de Zochtchenko, d'Ilf et Pétrov et d'autres satiristes de ces années où l'on commençait à remettre en question le droit de rire.
Contrairement au Suicidé, déjà connu par deux traductions et plusieurs mises en scène, Le Mandat est ici publié pour la première fois en français.
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