"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En 2011, en Grèce, la crise économique s'aggrave. Alors que les riches ne payent pas leurs impôts, les pauvres sont partagés entre révolte et désespoir. Une routine qui prend fin le jour où un percepteur anonyme initie une série de meurtres envers les fraudeurs. Le commissaire Charitos, héros de Liquidations à la grecque, va mener l'enquête avec l'aide de deux jeunes femmes : une experte en électronique et une psychologue.
Premier roman de Petros Markaris que je lis et belle découverte.
2011. le récit s'ouvre sur une scène poignante où le commissaire Kostas Charitos ne peut que constater le suicide de quatre retraitées que la période de crise que traverse le pays a poussé à cette extrémité.
Le policier est ensuite confronté à un tueur décidé à se substituer au gouvernement pour faire entrer dans les caisses de l'État les impôts non payés par de riches fraudeurs, sans pitié pour ceux qui ne s'acquittent pas de leurs dettes.
Cet opus est le deuxième de la « trilogie de la crise ». L'auteur nous fait vivre de l'intérieur la réalité sociale et politique de la Grèce, confrontée à l'une des crises les plus profondes de son histoire récente.
L'enquête a du mal à avancer, au sens figuré comme au sens propre, les rues d'Athènes se trouvant régulièrement bloquées par diverses manifestations, obligeant le commissaire et ses collègues à de savants calculs d'itinéraires pour travailler dans des conditions acceptables.
L'humour désabusé des policiers ces conditions difficiles m'a d'ailleurs beaucoup plu.
Les politiciens ne sont pas épargnés, présentés comme des girouettes toujours à la recherche du meilleur vent. le commissaire, en attente d'une promotion, voit celle-ci s'éloigner ou se rapprocher suivant la position de ces mêmes girouettes, qui, suivant leurs intérêts, demandent que les investigations s'arrêtent ou au contraire s'accélèrent.
Le supérieur de Kostas Charitos lui dit à un moment, comme une plaisanterie qui n'en est pas une, que dans l'administration grecque, pour avoir une promotion, il ne faut surtout rien faire.
L'intrigue policière n'est cependant pas totalement occultée par le témoignage de l'auteur sur ce que vit son pays. J'ai apprécié le personnage de ce commissaire, profondément humain, qui se débat, comme tous avec sa famille pour s'en sortir au mieux, mais ne renonce pas à mener à bien sa mission, quelles que soient les embûches.
Dans un contexte social morose: "ça chauffe partout dans Athènes (...)Les immigrés qui se castagnent avec les gars de l'Aube dorée tous les soirs. Les types qui tabassent les politiciens. Les affiches qui ridiculisent les journalistes, et pas un meurtre pour nous éviter la corvée? Quelle poisse!", le commissaire recourt aux grands moyens pour occuper son équipe qui souffre de désœuvrement: "J'ai dit à mes adjoints que c'était l'occasion de mettre un peu d'ordre dans le service. De virer le superflu et d'envoyer aux archives centrales tous les dossiers des affaires classées." (Page 16). Seul le suicide quatre femmes retraitées vient "égayer" leur quotidien bien morne.
C'est alors qu'un cadavre est découvert dans le musée archéologique le Céramique de la capitale grecque; il s'agit de Athanassios Korassidis, chirurgien, tué par une injection de ciguë. Visiblement, le site où le cadavre a été découvert n'est pas la scène du crime. Alors, où le tueur a-t-il opéré? Et comment l'a-t-il amené jusqu'au Céramique? En l'absence de témoins et d'indices probants, l'enquête s'avère compliquée, d'autant que celui qui se fait appeler "Le percepteur national" s'en prend à de riches fraudeurs fiscaux, très mal perçus en cette période de profonde crise économique. Le commissaire Charitos est en proie à un dilemme qu'il ne sait comment résoudre: l'arrêter serait en faire un martyr et du coup un héros national; le laisser libre serait prendre le risque de voir s'accumuler les cadavres.
De quel côté penchera la balance: du côté du flic intègre ou du citoyen indigné?
Les lieux:
Descriptions très sommaire du premier lieu de crime: "Le corps se trouve à une centaine de mètres plus loin, près d'une stèle figurant une femme assise et un jeune homme debout qui lui présente un objet. Dans le fond, quelques cyprès se balancent". (Page 27). =>Sobriété de détails très curieuse, comme si le lieu en lui-même n'avait aucune importance.
Par contre, les déplacements dans la ville d'Athènes sont évoqués avec des détails géographiques très précis, énumérant les rues et les avenues empruntées, comme pour un jeu de piste: "Vlassopoulos met la sirène, mais ne prend pas la rue Pireos. Il évite habilement la place Omonia par la rue Heyden et nous débouchons bientôt dans l'avenue Alexandras." (Page 33) =>On peut trouver ces descriptions tout au long du roman.
Second lieu du crime, un autre site archéologique, avec les mêmes descriptions très sommaires: "Je jette un coup d’œil au décor. Ici aussi nous sommes entourés de cyprès. A droite, une sorte de bosquet. Sur une hauteur, une chapelle surmontée surmontée d'une cloche." (Page 92) Détails bien peu précis concernant une ville comme Athènes qui doit compter des centaines de cyprès, de bosquets et de chapelles surmontées d'une cloche !!
En conclusion:
Le contexte social dans lequel se déroule cette histoire est omniprésent tout au long des pages: c'est la situation de faillite économique de la Grèce qui pousse les gens à prendre des décisions extrêmes, comme les quatre retraitées du début, et qui détermine le mobile des crimes, même s'il est certain que la violence ne constitue pas une solution viable. L'extrait de la lettre laissée par les quatre retraitées est éclairant: "Nous sommes quatre retraitées, sans famille. Nous n'avons ni enfants ni chiens. D'abord, on nous a réduit nos retraites, notre unique revenu. Puis nous avons cherché un médecin qui nous prescrive nos médicaments, mais les médecins étaient en grève. Quand ils les ont enfin prescrits, on nous a dit à la pharmacie que nos mutuelles n'ont plus d'argent et que nous devrons payer de notre poche." (Page 10).
Ainsi, le roman est émaillé de nombreuses petites notes qui donnent un aperçu criant du quotidien que vivent les Grecs, exceptés les fraudeurs fiscaux, les corrompus et les ministres qui, eux, s'en mettent plein les poches: les jeunes qui passent des heures sur internet à chercher le moindre petit boulot; la circulation quasi inexistante, les Athéniens n'ayant plus les moyens de mettre du carburant dans leurs véhicules; un magasin sur deux fermé; les salaires réduits, les coupes sombres dans les budgets...Dans un tel contexte, on peut comprendre le désespoir, la peur de l'avenir qui animent les personnages: comment survivre et comment accepter que certains, riches à millions, ne paient pas les impôts qui, certes, ne renfloueraient ps le pays, mais au moins lui accorderaient une bouffée ou deux d'oxygène? Là réside le dilemme du commissaire...
Chaque étape de l'enquête policière menée par Charitos et son équipe est décrite avec minutie, comme si le lecteur faisait partie de la brigade: nous assistons aux débriefing, aux interrogatoires de témoins, aux investigations, racontés avec beaucoup de réalisme et de vraisemblance. N'est-ce pas ce que tout lecteur de polar attend d'un bon roman?
Le dépaysement, le contexte social, la réalité de la Grèce vue de l'intérieur sont autant d'atouts présentés par Le Justicier d'Athènes...et bien d'autres que je vous laisse découvrir par vous-mêmes...
Athènes, 2011. La Grèce n'en a pas fini avec la crise qui l'a touchée de plein fouet en 2008. Salaires réduits, retraites rognées, primes supprimées, les grecs manifestent chaque jour dans les rues de la capitale pour crier leur indignation et leur désespoir. D'autres baissent les bras et le suicide devient leur dernier acte de rébellion. Pour le commissaire Charitos, la source d'inquiétude est sa fille Katérina. Il s'est saigné aux quatre veines pour payer ses études de droit et là voilà travaillant presque à titre gratuit à la défense des migrants. Entretenue par son mari, soutenue financièrement par ses parents, la jeune fille envisage l'exil pour enfin pouvoir subvenir à ses besoin par elle-même. Une décision difficile qui met en émoi son mari, ses parents et ses beaux-parents. Miné par l'éventuel départ de sa fille, le commissaire doit aussi retrouver le Percepteur National. Un homme insaisissable qui menace les fraudeurs fiscaux par mail, leur ordonne de payer leurs impôts et les empoisonne à la ciguë s'ils désobéissent. Grâce à lui, ce sont presque 2 millions d'euros qui sont déjà venus renflouer les caisses de l'Etat. Les athéniens en ont fait leur héros, les ministres s'énervent et Charitos marche sur des œufs. Au moindre faux pas, son avancement lui passera sous le nez.
Après le ''Robin des banques'' qui, dans Liquidations à la grecque, semait la mort à Athènes tout en incitant la population à ne plus rembourser ses prêts, voici le ''Percepteur national'' qui s'attaque aux fraudeurs fiscaux qui magouillent en toute légalité pour prospérer sans payer les impôts dus à un Etat complice des plus riches. Encore une fois, Petros Markaris sonde l'étendue de la crise qui touche son pays. Les retraités se suicident, suivis par les jeunes diplômés sans emplois et les petits commerçants ruinés. Les manifestants n'en finissent pas de bloquer les rues d'une capitale dirigée par des politiciens sommés par l'Europe d'améliorer la gestion économique du pays mais peu enclins au changement. Dans ce contexte où la fracture sociale devient un gouffre, les classes moyennes tentent de survivre, inquiètes de voir leur situation se détériorer à tout moment. Le ''Percepteur national'' dont le mobile n'est certainement pas d'aider l'Etat à collecter l'impôt fait office de héros tout droit sorti de l'Antiquité pour rappeler aux grecs qu'une mauvaise action doit être immédiatement punie sans état d'âme. Charitos, quant à lui, cherche avant tout un meurtrier, ce qui n'est jamais chose aisée quand on s'attaque au pouvoir en place. Ménager les susceptibilités, être diplomate, obtenir des résultats rapides, préserver ses chances de promotion...un véritable casse-tête pour le policier qui voit sa fille, avocate, contrainte à l'exil comme les ouvriers des années 70 qui partait en Allemagne pour nourrir leurs enfants.
Enquête policière et étude sociologique se mêlent dans cet opus qui nous mène au cœur des mécanismes d'une fraude fiscale généralisée, lourde en conséquences sur la société. Passionnant et instructif.
Le Commissaire Charitos a du pain sur la planche, des personnes importantes ou célébrités sont tuées froidement, et le tueur ne revendique qu'une seule chose, que toutes ces personnes paient leurs impôts et leurs taxes. Pourquoi, parce que nous sommes en 2011 et la Grèce peine à remonter son économie, on parle de la faire sortir de l'Union Européenne. Tout un peuple qui souffre, parce que comme dans beaucoup d'autres pays, les grands de ce monde ne s'acquittent pas de leurs dettes et c'est le petit peuple qui subit cette malédiction. A lire absolument.
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