"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Sergine Ollard est vétérinaire dans une clinique des Izards, le quartier de Toulouse où a grandi Mohamed Merah. Une adolescente effrayée, Samia, lui demande d'examiner un des chiens que son frère aîné, Nourredine Ben Arfa, un caïd du quartier, cache dans une cave d'immeuble. Le docteur découvre que le rottweiler sert de « mule » : il a le ventre rempli de capsules de drogue. Le petit caïd, en passe de devenir un trafiquant majeur, organise des convois de chiens passeurs. Il est par ailleurs indicateur pour les stups de Toulouse mais aussi informateur pour le renseignement intérieur : travaillé par l'islamisme radical, le quartier est aussi un vivier pour des terroristes potentiels, et à ce titre, Ben Arfa est aussi un indic à la solde de la police.
Mais Sergine ignore tout de ce contexte : elle embarque le chien et l'examine à la clinique. C'est alors que deux jeunes la braquent et s'emparent du rottweiller et de son précieux chargement. Ces deux hommes sont les frères Hamid et Nejib Omane, islamistes radicaux, ils ont décidé de prendre le pouvoir sur le quartier en éliminant Ben Arfa, cet Arabe occidentalisé qui a refusé de soutenir le djihad.
À partir de ce vol de marchandise, la jeune femme va se trouver embarquée malgré elle au milieu d'un combat entre les deux camps qui partagent les mêmes recoins de la cité toulousaine et la même culture de violence.
La mule
Toulouse, Les Izards. Un quartier « défavorisé » pour employer le langage « politiquement-correct » qui n'est pas à un euphémisme près… Un quartier gangréné par le trafic de drogues, mais pas que. A côté des dealers, il y a aussi les islamistes extrémistes dont les paradis artificiels ne sont pas moins dangereux que la cocaïne ou l'héroïne. D'ailleurs, Les Izards, c'est là que Mohamed Merah a grandi, à l'ombre des barres d'immeubles délabrés… C'est aussi là qu'habite Samia, une jeune collégienne dont la famille n'est pas idéale : parents musulmans très traditionnalistes, frère ainé, Nourredine, caïd du coin… Samia n'est pas dupe, elle sait très bien quelles sont les occupations de son frère, mais elle tente de vivre à l'écart, jusqu'au soir où elle surprend Nourredine cachant plusieurs chiens dans des caves. Et l'un de ces chiens a l'air vraiment mal en point, si bien que Samia appelle le vétérinaire de garde. C'est le docteur Sergine Ollard qui répond : Sergine, 1m85, 85 kilos, ancienne rugbywoman, première ligne, mais un colosse au grand coeur (brisé qui plus est) … Elle accepte d'aider Samia mais quand elle se rend compte que l'abdomen du chien est rempli de capsules de drogues, c'est le début d'un engrenage infernal.
Je ne connaissais pas cet auteur et c'est la liste de Pecosa « Polars et banlieue » qui me l'a fait découvrir (cette liste n'a pas fini de m'inspirer d'ailleurs !). Merci Pecosa car cette rencontre est l'une de celles que l'on ne peut oublier.
L'intrigue est somme toute assez classique mais cependant le télescopage entre le trafic de drogue et l'islamisme radical en fait un polar très actuel qui résonne fort au regard d'une certaine actualité… L'auteur décrit avec brio les quartiers nord de Toulouse (qui visiblement n'ont rien à envier à ceux de Marseille ou de Paris !), les habitants qui s'y retrouvent « piégés » faute de moyen pour déménager, l'absurdité de l'urbanisme qui accentue la frontière infranchissable entre le centre ville voué à la gentrification et les banlieues délaissées et ghettoïsées, les relations entre la police dite de proximité qui doit gérer en direct les « problèmes » nés des trafics et les stups ou la DGSI (ex Renseignement Généraux).
Un très bon polar, qui donne à réfléchir sur notre société et ses dérives.
Dans ce roman, les mules qui transportent de la drogue ne sont pas des hommes, mais des chiens. Ils passent aisément la frontière espagnole à pattes, et les trafiquants les récupèrent en France.
Dans ce roman, il est également question de Daesh et de l’endoctrinement de deux frères par l’imam de la cité.
Dans ce roman, nous sommes plongés dans une cité nord de Toulouse, loin du centre-ville rose.
Dans ce roman, il est question du mariage forcé d’une adolescente de 14 ans et de l’impuissance de ses amies.
Dans ce roman il est question de la brigade des stup qui s’acoquine avec le contre-terrorisme, au détriment des agents de terrain.
Dans ce roman, nous croisons les résidences ultra-sécurisées Monné-Decroix, comme une excroissance dans le paysage.
J’ai aimé la première moitié du roman, qui met en place le drame. moins la seconde qui délaye à loisirs l’action finale sur des dizaines de pages.
Un roman comme une photographie à l’instant T d’une cité comme il en existe des centaines en France.
L’image que je retiendrai :
Il ne faut pas donner de Doliprane à un chat : ça le fait mourir.
http://alexmotamots.fr/?p=2439
Paroles de Benoit Séverac lors d'une rencontre littéraire sur la relation des auteurs via à vis des faits divers :
« Transcender le fait divers pour se dégager de l’émotion et retrouver l’humain dans les auteurs de faits divers. S’il y a une tendance lourde, il faut que les écrivains en parlent, ils ne mettent pas les mêmes mots que les journalistes et les historiens.
L’écrivain n’est pas tenu de véracité, ne doit pas être dans l’émotion, il amène une nuance, jusqu’à une empathie avec le méchant.
Le roman noir s’attache à trouver pourquoi le crime a été commis »
J'ai rencontré Benoit Séverac à plusieurs reprises ces derniers mois et en particulier lors du salon Toulouse Polars du Sud en octobre 2016. A cette occasion j'ai acheté "Le chien arabe" … et l'ai dévoré dans la foulée.
Avec des mots simples, une intrigue bien menée, Benoit Séverac nous fait vivre ce qui se passe tous les jours dans les banlieues "chaudes" des grandes villes, les trafics de drogues leurs petits dealers, la vie des gens dans ces cités, la montée du radicalisme. Il nous raconte aussi, dans un rythme soutenu, ce qui malheureusement se produit de plus en plus, ici et ailleurs dans le monde, un acte de terrorisme fait au nom de dieu, dans le but de tuer un maximum de monde.
Tout cela se passe à Toulouse, dramatiquement et particulièrement marquée par l’affaire MERAH, connaissant un peu la ville j’ai trouvé agréable de pouvoir situer les différents faits.
J'ai aussi beaucoup aimé la façon dont l'auteur nous montre comment ça se passe. L'influence des petits trafics, le rôle de la police et des différents services, la vie de ces gens ghéttoÏsés, la réaction des « bien pensants » blancs. Les arcanes et choses "inconnues" du simple mortel en ce qui concerne les services de police m'ont surprise et confirmé que l'on ne sait pas tout.
Dès les premières pages je me suis prise d'affection pour la jeune héroïne Samia, victime malgré elle d'un système qu'il m'est difficile d'accepter et très courageuse. Comment ne pas se prendre de sympathie et d'empathie pour Sergine la vétérinaire, inconsciente de ce en quoi elle s'engage mais elle aussi courageuse et convaincue. Idem pour Decrest de la police de Toulouse Nord via laquelle l'auteur nous montre la difficulté de la vie de ces personnes qui tentent de nous protéger au quotidien et qui doivent mener leur vie privée au quotidien malgré le poids de leur vie professionnelle.
« Le chien arabe » est totalement dans l’actualité du moment, l'auteur n'est pas dans l'émotion mais m'a plongée moi dans des émotions très fortes, intensifié l'inquiétude pour l'avenir de notre monde tout en ravivant l’utopie pour qu’il évolue dans le bon sens et confirmé mon envie de faire bouger les choses à mon faible niveau, se serait-ce que par la tolérance et l’ouverture aux autres.
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