Extrait :
Mairie de l'univers Un coup de vent emporte mon bouquet d'éternelle fiancée sur les marches en velours de la mairie de l'univers. C'est là que je fais certifier nos amours nomades : « sincères et véritables ». Entre nous, il n'y a jamais eu d'attaches, rien que la liberté de franchir le seuil : d'entrer et de sortir... Nous étions enfants de l'instant. L'éternel instant.
Ma main tremble quand elle doit apposer ce sceau libertaire sur sa mort. Sa mort ? Tout me la dit : le cercueil, la photo en médaillon pour encadrer sa vie et lui donner un contour définitif. La foule de gens groupés au crématorium dans le froid d'un matin de mars me le dit aussi.
La nuée de femmes disséminées dans la foule - certaines des fleurs à la main - me le redit. Tout me le dit jusqu'à ces quelques notes de musique qui clôturent la cérémonie et que, oui, il aurait pu choisir lui-même.
Mon désarroi me le redit quand le corbillard passe à côté de moi. L'homme debout que j'aimais est maintenant couché.
« Sincères et véritables ». Usurpé ce sceau ? Inappropriée ma présence en ces lieux d'adieu ? C'est vrai qu'il arrivait que ses lèvres boudent l'offrande, hésitent à se livrer, pleines et charnues.
Que nous est encore la vérité ?
La mort me donne l'obligeante liberté de réinventer la vie. Je prends cette liberté. Je pose le sceau « sincères et véritables » sur le grand silence des amours clandestines.
Titre : L'amour est une géographie intérieure Auteur : Elysabeth LOOS Format : 14 cm / 20 cm 121 pages Genre littéraire : prose Prix TTC : 16 ISBN : 978-2-930498-89-8 Parution : Février 2018 Comme un membre fantôme retranché par surprise, l'écriture court, forte et drue.
L'âme errante, confrontée à la disparition subite, au vide que laisse dans l'esprit une affection devenue sans objet, s'efforce de se rassembler au terme de la perte, en un poignant recours (Jean-Michel Aubevert) « Le cadavre carbonisé découvert par un cycliste matinal est identifié. L'autopsie confirme le suicide par le feu.
Les journaux relayent l'information, repiquent une photo sur Facebook et la collent sur un fond boisé, barré d'un ruban de police. Bleu et blanc.
C'est lui qui a pris feu au creux d'un petit bois gonflé de sève, c'est lui qui s'est immolé au milieu des jonquilles. C'est lui, l'homme que j'aimais.
Il n'y a plus que mon coeur qui bat un temps sur trois. Il n'y a plus qu'une urgence. Voir, toucher, sentir, retrouver le velouté de la chair, la pétrir, la mordre, l'avaler, ne jamais la rendre. » (Extrait de L'amour est une géographie intérieure)
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