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Les Olympiades. C'est là, autour de la dalle de béton de cet ensemble d'immeubles du Chinatown parisien que s'est installée la famille Truong, des boat people qui ont fui le Vietnam après la chute de Saigon. Victor Truong chérit l'imparfait du subjonctif et les poésies de Vic-to-Lou-Go (Victor Hugo). Alice, sa femme, est fan de Justin Bieber mais déteste Mitterrand, ce maudit « communiste » élu président l'année où est née leur fille Anne-Maï, laquelle, après une enfance passée à rêver d'être blonde comme une vraie Française, se retrouve célibataire à 40 ans, au désespoir de ses parents.
Cette tour de Babel de bric et de broc, où bruisse le murmure de mille langues, est une cour des miracles aux personnages hauts en couleurs. Voilà Ileana, la pianiste roumaine, désormais nounou exilée ; Virgile, le sans-papier sénégalais, lecteur de Proust et virtuose des fausses histoires, qui squatte le parking et gagne sa vie comme arnaqueur. On y croise aussi Clément, le sarthois obsédé du Grand Remplacement, persuadé d'être la réincarnation du chien de Michel Houellebecq, son idole. Tous ces destins se croisent, dans une fresque picaresque, faite d'amours, de deuils, de séparations et d'exils.
La Vie mode d'emploi de Perec est paru en 1978, quand les Olympiades sortaient de terre. Comment Perec raconterait-il le Paris d'aujourd'hui ? Ce premier roman de Doan Bui tente d'y répondre, en se livrant lui aussi à une topographie minutieuse d'un lieu et de ses habitants. L'auteure y décrit la France d'aujourd'hui, de la coupe du Monde 98 aux attentats de 2015 dans un roman choral d'une drôlerie grinçante.
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La Tour est parmi celles qui se dressent sur la dalle des Olympiades, l’un des quartiers asiatiques de Paris, dans le treizième arrondissement. Mille destins s’y côtoient, dans un caléidoscope dont le raccourci « Chinatown » ne donne qu’un très approximatif aperçu. Y habitent ainsi les Truong, boat people échoués ici après leur fuite du Vietnam à la chute de Saigon ; Ileana, pianiste devenue nounou de petits Parisiens dans l’espoir d’offrir un avenir à sa fille restée en Roumanie ; Virgile, sans-papier sénégalais qui squatte les parkings du sous-sol et vit d’arnaques « à la nigériane » sur internet… Et, parmi les Français de souche, Clément, ex-provincial obsédé par le Grand Remplacement, et aussi Michel Houellebecq, qu’il idolâtre au point d’en jalouser le chien…
La plus grande malice préside au récit, et c’est avec jubilation que l’on se délecte de cette série de portraits hauts en couleurs qui dresse un tableau plein d’ironiques vérités sur le Paris d’aujourd’hui. Rédigé avec une précision dont on ne sait si elle est totalement documentaire ou si elle le simule dans une forme de bluffante auto-dérision, le texte s’avère aussi divertissant qu’édifiant dans l’acuité de ses observations et la pertinence de ses commentaires. L’on se trouve vite convaincu de la parfaite représentativité de cette brochette de modestes personnages plus ou moins imaginaires, où viennent complaisamment se mêler les silhouettes décalées, bien connues du quartier, du célèbre écrivain et de son chien corgi.
Les trajectoires de vie qui s’échouent dans ce quartier comme autant de naufrages sur une île, dessinent une humanité bigarrée qui n’a pour point commun que ses innombrables et inguérissables meurtrissures. Et, pendant que Clément et ses semblables « historiquement » français se sentent dépassés par ce qu’ils envisagent, avec une certaine panique, comme une vague venue les submerger, tous les déracinés rassemblés ici tentent, modestement et douloureusement, de s’acclimater à une existence dont ce froid et rigide environnement de béton souligne très symboliquement l’aspect désespérément hors-sol.
Des trois histoires d’exil, de deuil et de séparations que l’auteur évoque avec une lucidité implacable assortie d’autant d’humour que d’humanité, le lecteur ressort plein d’une tendresse émue pour leurs personnages plus vivants que nature, dont l’ordinaire et modeste anonymat cache de si tragiques parcours et tant d’absurdes et injustes drames. Plus jamais l’on n’envisagera du même œil ce quartier de Paris, que l’on quitte, à l’issue de cette lecture, le coeur empli d’un irrésistible mélange de tristesse et de rire. Un premier roman époustouflant et un grand coup de coeur.
La tour de Doan Bui est à la fois un roman sur la société urbaine, une dystopie et une critique des rapports humains ; bref une photo de notre société dans sa globalité.
L’auteur nous entraine dans les tours occupées principalement par les asiatiques qui ont fuit les régimes dictatoriaux. Alors que les cadres parisiens, auxquels était destiné ce projet, peinaient à investir les lieux ; les familles de réfugiés y ont trouvé un toit. Elles ont sans doute, sans le savoir, sauvé du désastre ce complexe vertical.
On y apprend beaucoup sur ce quartier parisien des Olympiades. Les tours qui le composent ont été construites à partir de la toute fin des années soixante, sur une petite dizaine d’années. Celle mentionnée par l’auteur n’existe pas. Mais inspiré de la réalité, l’auteur décrit une vie bouillonnante et mystérieuse avec sa part de secrets. Des appartements dans les étages aux sous-sol tous les espaces sont envahis, occupés par des habitants hantés par leur passé.
L’écriture m’a semblé parfois brouillonne et décousue. L’auteur a inséré de nombreuses notes Elles permettent d’éclairer les propos par des explications sur des faits (ou situations) réels mais le nombre et la longueur sont décourageants. J’ai fini par en abandonner la lecture.
Il s’agit là d’un premier roman. Certes tout ne m’a pas plu (loin sans faut) mais je ne regrette pas de l’avoir lu.
Un grand merci a lecteurs.com et aux Editions Grasset pour l'envoi de ce livre
Une tour de 37 étages avec 4 ascenseurs et énormément de gens qui y vivent, voici les Olympiades.
On va suivre tour a tour sans jeu de mots la vie de ses occupants, la Famille Truong dont Victor le père, en hommage a victor Hugo, homme qui qui jubile de conjugué l'imparfait du subjonctif...
Sa femme Alice et leur fille Anne-Mai, ce sont eux que l'on va le plus suivre mais il y aura aussi des sans papiers, un homme se prenant pour le chien de Houellebec, des squatteurs..
Enfin vous l'aurez compris on va découvrir des instants de vie de tous ces personnages hors du commun, leur parcours, leur arrivée dans cette tour, leur conditions...
C'est une histoire des années 70 qui raconte la fuite du vietnam, la découverte de la France et de ses désillusions.
Un roman qui nous fait découvrir l'accueil de toutes ces personnes qui viennent de plusieurs coins du monde, un récit tantot drole, tantot poignant qui nous confronte a une réalité de la vie pas toujours idéale.
Livre surprise du jeu concours de Noël offert par lecteurs.com que je remercie.
Doan Bui est auteure et grand reporter à l'Obs.
Le projet Italie 13 vit le jour dans les années 50 afin de rénover le 13ème arrondissement. Une grande dalle de béton et un très beau nom Les Olympiades. Objectif séduire les familles de cadres supérieurs à grands coups de promesses : écoles, crèches, espaces verts, équipements sportifs, patinoire, piscine.
Quatre tours furent construites en un an mais les cadres ne furent jamais intéressés. Les tours restèrent à moitié vide. Ensuite Valéry Giscard d'Estaing fut élu et il détesta ces tours. On ne construisit que 11 tours sur les 55 prévues.
Dans les années 80, les rescapés des boat people, vietnamiens, cambodgiens vont s'y installer puis quelques roumains, sénégalais, algériens.
L'auteure nous raconte la vie quotidienne de ces familles déracinées et plus particulièrement les Truong. Ils ne sont pas acceptés , leur accent, leur couleur de peau, leurs yeux bridés, leur cuisine dérangent.
Leur fille bien que née en France et donc française est perdue entre le Vietnam qu'elle n'a pas connu et la France qui ne l'accepte pas. On va donc vivoter avec eux dans une de ces tours. L'auteure brosse un portrait de notre société et ses excès.
Un roman où l'on apprend beaucoup sur ce quartier du 13ème et sa population livrée à elle-même. Une vie à la sauce asiatique très réussie sans fard ni artifice.
Imaginées comme un concept moderne et haut de gamme, les Olympiades avaient pour vocation de dynamiser le XIIIè arrondissement de Paris en attirant les cadres et les familles aisées. Las ! L’arrivée au pouvoir de Giscard en 74 et sa détestation des tours qui lui gâchaient la vue ont mis un frein à l’expansion du quartier. Les piscines, la patinoire, les espaces verts n’ont jamais vu le jour et les cadres supérieurs n’ont pas voulu emménager dans ces tours agencées autour d’une dalle de béton. A l’agonie, les Olympiades ont été sauvées par les boat-people vietnamiens qui ont pris possession des bâtiments, suivis ensuite par d’autres réfugiés, en vagues successives, au gré des guerres et des exils.
Arrivés en France après la chute de Saïgon, les Truong ont été parmi les premiers à investir la tour Melbourne, 37 étages pleins à craquer, jusqu’au parking souterrain, dernier refuge de SDF venus d’ici ou d’ailleurs. Un melting-pot d’habitants qui se croisent, se toisent, tentent surtout de planter leurs racines dans le béton français, au grand dam des bons blancs angoissés par le grand remplacement.
Avec ce premier roman, la journaliste Doan Bui frappe fort en termes d’originalité, d’écriture et de personnages.
C’est un conte moderne qui commence dans les années 70 quand les Olympiades sortent de terre et se terminent en 2045 lorsque leur but premier est enfin atteint : la modernité et le standing.
Entre temps, l’autrice nous présente des individus déracinés qui ont quitté leur pays pour une meilleure vie. Mais l’est-elle vraiment ?
Sont-ils heureux les Truong dans leur F3 sans perspective, eux qui vivaient richement au Vietnam ? La France, pays rêvé, aimé, a-t-elle tenu ses promesses ? Leur accent dérange, l’odeur de leur cuisine dérange, leur présence dérange. Ils sont vietnamiens et alors ? En France, ce sont des Chinois, des jaunes, les vecteurs du Covid. Leur fille, leur fierté, est née en France, n’a jamais connu le Vietnam, mais comme tous les Asiatiques, elle n’est qu’une Chinoise parmi les autres. Elle ne sera jamais ni blanche, ni blonde, ni belle.
Autour de cette famille, d’autres destins se jouent. De Roumanie, du Sénégal, d’Algérie, des familles, des individus, perdus dans un océan de réfugiés qu’on appelle désormais migrants, qu’on tolère dans le meilleur des cas, qu’on souhaite voir partir dans le pire.
C’est une photographie de notre société que nous donne à voir Doan Bui, avec ses excès, ses dérives, mais aussi ses moments suspendus, ses bulles d’espoir.
Elle-même d’origine vietnamienne, elle brosse un portrait drôle et touchant de la famille Truong, avide d’intégration mais toujours légèrement décalée.
Un roman léger et cynique, savoureux et tendre, sérieux et fantaisiste. Une belle réussite qui donne à réfléchir sur la France, cette terre d’accueil de moins en moins hospitalière.
Un grand merci à Lecteurs.com, Orange Fondation et les éditions Grasset pour cette belle découverte.
Les Olympiades, mode d’emploi
Dans un premier roman très original dans sa construction, Doan Bui explore la question identitaire en racontant le quotidien des habitants du quartier des Olympiades, dans le XIIIe arrondissement. On y croisera aussi Houellebecq et son chien.
Si la dalle des Olympiades est un lieu bien réel, dans le 13e arrondissement de Paris, la tour Melbourne n’existe que dans mon imagination. Ainsi que tous les personnages qui y habitent (sauf les fantômes, bien sûr, qui eux existent vraiment).
Raconter les Olympiades, c'est d'abord parler de l'architecte qui a imaginé ce grand ensemble composé de tours autour d'une dalle qui serait entourée d'équipements sportifs et de services. Une utopie qui ne verra jamais le jour, au moins telle qu'elle avait été dessinée vers la fin des années 1960. En revanche, de 1969 à 1977, ce sont une trentaine de hautes tours destinées aux cadres qui ont été érigées et qui ont été baptisées des noms de villes ayant accueilli les Jeux olympiques.
Longtemps de nombreux appartements et étages de ces cubes de béton resteront vides. Puis ils serviront à loger ceux que l'on appelait pas encore des migrants,
Observateur privilégié et passablement agacé de ce melting pot, Clément Pasquier occupe l'appartement 510. S’il n’apprécie pas ses voisins directs, les Truong, qui ont fui le Vietnam en 1975, il voue un culte à Michel Houellebecq qui a choisi de vivre dans «ces forteresses quadrangulaires construites dans le milieu des années 1970, en opposition absolue avec l'ensemble du paysage esthétique parisien», comme il définit le quartier dans La carte et le territoire. Il ira même jusqu’à se prendre pour le chien de l’écrivain. D’ailleurs il porte le même nom que le canidé désormais célèbre, Clément. Sauf que son obsession va le pousser jusqu’à l’agression et faire le bonheur des chaînes d’info.
Une publicité dont les Truong, Victor, Alice et leur fille Anne-Maï se seraient bien passés, eux qui préfèrent de loin rester transparents. Car ils ne vont pas tarder à devenir la cible d’attaques: «Les médias annonçaient une récession mondiale historique. Les températures atteignaient des records. Les incendies ravageaient la planète. Les virus allaient continuer à décimer la population. Le monde s'effondrait. Eux, les non-désirés, les immigrés, ils seraient les premiers à payer les pots cassés. Énième déchéance. Ça devait être dans leurs gènes. Ses parents étaient riches à Saigon puis, pouf, ils s'étaient retrouvés en France, tournant en cage dans leur F3 des Olympiades. Des nha que! (Ça se prononçait niakoué, insulte qui les désignait eux, les chinetoques.»
En racontant leurs vies qui se croisent, en revenant sur leurs origines respectives et leurs relations, Doan Bui nous livre un concentré des questions identitaires qui secouent la France. Et ce faisant, elle se rapproche davantage du Perec de La Vie mode d’emploi que de Houellebecq, de la comédie satirique que du pamphlet. On se régale des confrontations, du choc des cultures et des visions du monde des uns et des autres habilement mises en scène autour d’événements comme le coupe du monde football en 1998, le confinement lié à la pandémie ou le dérèglement climatique de 2045 ! Avec beaucoup d’humour et une touche d’autodérision – la journaliste Doan Bui qui apparaît dans le récit a bien de la peine à analyser la situation à laquelle elle est confrontée – ce roman pose avec finesse les questions auxquelles le pays va devoir répondre dans les prochaines années pour définir ce qu’est un vrai français.
https://urlz.fr/jxIc
Dans les années 70, des tours ont été construites dans le XIIIème arrondissement .
Une majorité d'asiatiques s'y installe.
Mais aussi quelques roumains, polonais ou sénégalais .
Un livre qui commence d'une façon étrange.
N'en connaissant rien je ne savais à quoi m'attendre.
On dirait une étude journalistique, un article sur Les Olympiades, cette construction architecturale particulière.
Des notes très précises renseignent le lecteur.
J'ai peur de m'ennuyer un peu.
Et puis, voilà la rencontre avec certains habitants.
Et la lecture devient un régal.
La vie de ces migrants vietnamiens nous enchante.
Les raisons de leur exil, les difficultés de leur adaptation, le devenir de leurs enfants.....
C'est passionnant.
Et ça se termine par un récit visionnaire sur le devenir de ces tours en 2045.
L'écriture est juste parfaite.
Précise, intelligente, sensible.
On sent la journaliste derrière la romancière.
La construction originale permet de se repérer dans les personnages et les époques.
C'est un roman sociétal, historique où se mêlent humour, romance, humanité.........
les thèmes y sont nombreux, en particulier l'immigration et le racisme.
Les personnages très variés sont tous d'une grande crédibilité.
Des personnages qui se frôlent et ne se rencontrent parfois jamais.
Un premier roman riche et intense que je suis ravie d'avoir découvert.
Si « Les Olympiades » existe bel et bien, Doan Bui a fait preuve d'une grande imagination pour décrire ce coin du 13e arrondissement de Paris fait de hautes tours érigées au cœur du quartier chinois, reflet d'une France prospère et créatrice, celle d'avant le premier choc pétrolier.
Dans la lignée d'un Alaa El Aswany (« L'Immeuble Yacoubian ») ou encore, plus sûrement, d'un Georges Perec (« La Vie mode d'emploi »), l'autrice sonde les destinées d'une poignée de résidents d'un building de 37 étages et de 296 cases, autant d'yeux « qui s'ouvrent et se referment ».
Dans cette zone éloignée des lieux prisés de la capitale et destinée, à l'origine, aux cadres supérieurs, vit une famille de Vietnamiens. Alice et Victor Truong, menacés par les forces soutenues par la Chine qui les considèrent comme des « capitalistes exploiteurs », ont fui leur pays trois ans avant la chute de Saïgon. À l'issue d'un éprouvant périple, ils posent leurs valises en France.
À cette époque, notre pays s'était mobilisé pour accueillir les victimes du communisme (je me souviens des opérations « bol de riz » organisées dans l'institution catholique où j'étais scolarisée !!!). Enfin, surtout la droite, comme le rappelle avec humour l'autrice, la gauche préférant soutenir les persécutés des régimes de Pinochet ou encore de Perón. Chacun son migrant en somme...
Les Truong sont bien évidemment consternés par l'élection, avec le soutien du PCF, de François Mitterrand en 1981. Alice accuse même le nouveau président d'avoir tari ses seins, l'empêchant de nourrir correctement son bébé.
Aussi véhémentes soient-elles, ses invectives ne sortent pas du cercle familial et c'est l'une des raisons pour lesquelles l'immigration asiatique semble aussi peu déranger les bons « souchiens ». Même si leur cuisine exhale d'entêtantes odeurs de nuoc- mâm... Ils sont en effet de parfaits modèles d'assimilation. À l'instar de Victor Truong qui déclame des vers du grand Toto, pensant que parler la langue de Molière fait de lui un parfait Français. Ce qui n'empêche pas la nostalgie du pays de l'enfance, une mélancolie accentuée par la déception provoquée par le contraste entre la terre d'accueil rêvée et la triste réalité... « Cette France-là n'avait rien à voir avec celle de la dalle des Olympiades » constate amèrement Victor en se rappelant ses lectures. « Le ventre des Halles de Zola, la belle et grasse campagne normande de Maupassant ou Flaubert […], les aubépines de Combray chez Proust » ne sont que des chimères.
Quant à Anne-Maï, la fille d'Alice et de Victor née dans l'hexagone, ses racines vietnamiennes sont un non-sujet pour celle qui a tout d'une antihéroïne houellebecquienne.
Pourtant, en période de crise, les hommes s'accrochent à leurs soi-disant identités et cherchent un bouc-émissaire qui serait, ô miracle, la solution à tous leurs maux.
Quand on les yeux bridés, on est forcément responsable d'une épidémie provoquée par un virus qui pourrit notre manière de vivre depuis plus de deux ans... Les peurs irrationnelles et l'ignorance de l'autre ont de beaux jours devant elles...
Ce sont toutes ces questions qui parcourent « La Tour ». Et Doan Bui les traite avec humour. Pour alléger ses propos pessimistes sur les travers humains et sur le futur qui nous attend.
Au-delà du dilemme « communautarisme vs intégration », l'autrice pointe du doigt l'extrémisme, frôlant la folie, qui s'empare de certains, à l'heure où les réseaux sociaux sont un exutoire qui renforce les croyances. Ces délires, ils sont incarnés par Clément Pasquier. Celui-ci est tellement fasciné par Michel Houellebecq qu'il se prend pour le chien de l'auteur au prénom éponyme ! Il est aussi un raté pathétique et fanatique adepte, entre autres inepties, de la théorie du grand remplacement.
Quant aux droits de l'homme, ils sont plus que malmenés par la France qui les brandit comme un étendard quand il s'agit de condamner les manquements des pays voisins. Car, sous la dalle des »Olympiades », vit une nouvelle génération de migrants dans l'attente d'une hypothétique régularisation. Et ces exilés, ils sont rejetés par ceux qui étaient à leur place quelques décennies plus tôt ! Ces réfugiés, ils sont incarnés par Virgile, « le Sénégalais de la bande », amoureux de Proust.
En mêlant fantaisie et gravité, personnages réels et de fiction, la journaliste Doan Bui, qui signe là son premier roman, a su exprimer, dans une langue fluide et avec un art de la digression pour mieux camper son récit dans l'histoire, le malaise qui secoue nos sociétés contemporaines dans lesquelles nous sommes pris en étau entre notre impression d'être citoyen du monde et notre besoin quasi viscérale d'une identité, et aussi entre notre sensation d'être entouré d'amis plus ou moins virtuels et notre profonde solitude.
EXTRAITS
- Les Truong et tous les réfugiés d'hier dénonçaient avec virulence ces réfugiés d'aujourd'hui.
- L'inutilité était la définition même de l'élégance. Le français était une langue de riches qui pouvait se permettre l'inutilité. La langue des pauvres était abrupte, elle n'avait pas le temps de se perdre en détours, elle allait à l'essentiel, manger, dormir, marcher, des verbes d'action secs et efficaces.
- On ne sait jamais, au moment où elle se déroule, qu'on vit l'Histoire. Peut-être parce que c'est toujours les Événements qui prennent le dessus, que l'Histoire avec son grand H écrase toujours les histoires individuelles.
- Le jeu des chaises musicales était l'allégorie parfaite du monde capitaliste.
- En 2040, le dernier moineau de Paris était mort.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-la-tour-doan-bui-grasset/
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