"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un texte bouleversant et la couverture nous raconte ce qu'est ce "pays de nulle part" et ce berceau vide.. Où est partie la petite fille de 15 jours de la narratrice ?
C'est sa troisième fille, prénommée Mê Linh, et j'ai encore été plus troublée quand j'ai trouvé une signification de ce prénom vietnamien : Les personnes portant le prénom Meï-linh sont souvent perçues comme ayant une personnalité douce et apaisante. Le nom lui-même évoque une certaine délicatesse et une beauté intérieure. Il est fréquemment associé à des traits tels que la gentillesse, la sensibilité, et la sagesse.
Meï-linh peut aussi être synonyme de détermination et de résilience. Bien qu'il puisse évoquer une nature calme, ceux qui portent ce prénom démontrent souvent une force intérieure étonnante. Ils peuvent naviguer avec grâce à travers les défis tout en inspirant ceux qui les entourent par leur attitude positive.
La narratrice nous raconte la mort de cette petite fille, quinze jours après sa naissance, des scènes terribles dans les chambres d'hôpital, dans les couloirs, dans les bureaux pour remplir des papiers...
La narratrice raconte aussi sa façon de surmonter cette peine. Elle a décidé d'écrire peu après la mort, mais l'a enfoui dans un placard, dans un fichier de son ordinateur. Puis à décidé de partager ce texte, car la narratrice est en fait l'écrivaine, Doan Bui, qui nous raconte son deuil. Elle parle très bien de ses recherches, de ses lectures, d'autres mères "orphelines" (comme la mère de Verlaine) ou inconnues.
Elle parle avec sincérité, dérision de ce neverland land De Peter Pan, de ce pays de nulle part, où se réfugient les enfants partis trop tôt.
Elle a tenté de surmonter, de partager (des pages émouvantes et "rigolotes" sur les forums pour les Mamanges" (néologisme pour désigner les femmes qui ont perdu leur « ange »).
Un texte dur mais qui parle très bien de ce deuil, si difficile à partager, même quand l'entourage est bienveillant. Il y a paradoxalement de belles pages et j'ai apprécié l'écriture et vais lire les autres textes de cette auteure.
« Je vous parle d’un endroit secret où les enfants perdus ne grandiront jamais : le Pays de Nulle part.
Je vous parle de l’une d’entre eux, petite fille morte à quinze jours.
Je vous parle d’une mère qui veut “réussir son deuil”, à défaut d’avoir “réussi son enfant”.
Je vous parle de toutes ces mères au ventre vide.
Je vous parle de la mère de Peter Pan, qui un jour ferma sa fenêtre, le condamnant à rester dans Neverland, et de Stéphanie Verlaine, qui conserva chez elle ses fœtus dans des bocaux de verre.
Je vous parle de la honte et de la douleur des mères.
Je vous parle de l’une d’entre elles. Parce que c’est apaisant, la fiction d’une autre.
Et pour me convaincre que je ne suis pas elle. » D.B
#LepaysdeNullepart #NetGalleyFrance
Existe t-il une hiérarchie dans le deuil ? Le nombre d’heures partagées avec le disparu est-il proportionnel au chagrin à afficher ? Certes non, la perte est là. Et pourtant, la légitimité de la tristesse semble dans les faits dépendre des instants vécus ensemble, dans leur durée et quelle que soient leur intensité.
C’est un épisode douloureux que Doan Bui tente d’exorciser dans ces lignes, en analysant de manière très exhaustive ce qui s’est passé des années auparavant. La perte d’une petite fille, née prématurément.
Doan Bui a beaucoup écrit pour elle-même et longtemps hésiter à faire paraître le récit. Elle consacre d’ailleurs toute une partie à la réflexion sur l’intérêt de cette démarche.
En tant qu’ancienne professionnelle de néonatalogie, ces pages me parlent bien sûr, et cet aspect n’est pas non plus négligé : l’impact de la mort dans un service où l’on se bat pour que l’avenir ait lieu. Et si la routine est là et si les nouveaux patients viennent occuper les incubateurs vides, les traces sont là et les souvenirs s’impriment en filigrane tout au ont des années passées au chevet des tout-petits.
C’est un récit doux et nostalgique, empreint d’une tristesse mais loin d’être morbide. Et qui pourrait être une aide précieuse pour les professionnels de la petite enfance autant que pour les parents qui vient ces heures difficiles.
Doan Bui, dans ce texte très intime, nous fait partager la mort de sa 3ème fille, Mê Linh, 15 jours après sa naissance, le 13 mars 2013. Elle l'a écrit peu après la mort du bébé, l'a enfoui au fond d'un placard, l'a caché au milieu des fichiers de son ordinateur et n'a pu le publier que dix ans après.
C'est un cri de douleur, toujours très présente malgré les années écoulées. Elle nomme l'insupportable sans jamais utiliser de périphrases ou d'images douces: elle utilise le mot "mort" dans sa froideur, sa réalité, son horreur. Elle l'affronte. Elle couche sur le papier, bien sûr son immense douleur, sa sidération, mais aussi sa culpabilité : celle de n'avoir pas su protéger son enfant, celle d'avoir été impuissante face à la mort.
Ce texte, tout en pudeur, mais aussi colère, est également un hommage à toutes les femmes, toutes les mères, connues (comme la mère de Verlaine) ou inconnues qui vivent avec la douleur de l'enfant perdu, qui errent dans "le pays de Nulle part", le Neverland de Peter Pan, où se retrouvent les enfants qui ne grandiront pas.
C'est le deuxième livre que je lis, cette année, sur la perte d'un bébé, quelques jours après sa venue au monde. Le précédent était "J'ai regardé la nuit tomber" de Lolita Chammah. Alors que ce texte était un cri de douleur mais aussi d'espoir car Lolita était sûre d'avoir un troisième enfant, celui de Doan Bui ne dégage pas cette lumière. Par ailleurs, cette dernière s'exprime avec une certaine distance, décrit des situations absurdes (elle n'est pas acceptée dans un groupe de paroles après ce qui pourrait être comparé à un entretien d’embauche, elle collectionne les nécrologies de chiens morts en 2013 ....) qui prêtent à sourire peut-être pour se protéger, ne pas se laisser submerger par la peine et cela m'a tenue moi-même partiellement à distance de mes émotions malgré quelques scènes déchirantes.
#LepaysdeNullepart #NetGalleyFrance
La Tour est parmi celles qui se dressent sur la dalle des Olympiades, l’un des quartiers asiatiques de Paris, dans le treizième arrondissement. Mille destins s’y côtoient, dans un caléidoscope dont le raccourci « Chinatown » ne donne qu’un très approximatif aperçu. Y habitent ainsi les Truong, boat people échoués ici après leur fuite du Vietnam à la chute de Saigon ; Ileana, pianiste devenue nounou de petits Parisiens dans l’espoir d’offrir un avenir à sa fille restée en Roumanie ; Virgile, sans-papier sénégalais qui squatte les parkings du sous-sol et vit d’arnaques « à la nigériane » sur internet… Et, parmi les Français de souche, Clément, ex-provincial obsédé par le Grand Remplacement, et aussi Michel Houellebecq, qu’il idolâtre au point d’en jalouser le chien…
La plus grande malice préside au récit, et c’est avec jubilation que l’on se délecte de cette série de portraits hauts en couleurs qui dresse un tableau plein d’ironiques vérités sur le Paris d’aujourd’hui. Rédigé avec une précision dont on ne sait si elle est totalement documentaire ou si elle le simule dans une forme de bluffante auto-dérision, le texte s’avère aussi divertissant qu’édifiant dans l’acuité de ses observations et la pertinence de ses commentaires. L’on se trouve vite convaincu de la parfaite représentativité de cette brochette de modestes personnages plus ou moins imaginaires, où viennent complaisamment se mêler les silhouettes décalées, bien connues du quartier, du célèbre écrivain et de son chien corgi.
Les trajectoires de vie qui s’échouent dans ce quartier comme autant de naufrages sur une île, dessinent une humanité bigarrée qui n’a pour point commun que ses innombrables et inguérissables meurtrissures. Et, pendant que Clément et ses semblables « historiquement » français se sentent dépassés par ce qu’ils envisagent, avec une certaine panique, comme une vague venue les submerger, tous les déracinés rassemblés ici tentent, modestement et douloureusement, de s’acclimater à une existence dont ce froid et rigide environnement de béton souligne très symboliquement l’aspect désespérément hors-sol.
Des trois histoires d’exil, de deuil et de séparations que l’auteur évoque avec une lucidité implacable assortie d’autant d’humour que d’humanité, le lecteur ressort plein d’une tendresse émue pour leurs personnages plus vivants que nature, dont l’ordinaire et modeste anonymat cache de si tragiques parcours et tant d’absurdes et injustes drames. Plus jamais l’on n’envisagera du même œil ce quartier de Paris, que l’on quitte, à l’issue de cette lecture, le coeur empli d’un irrésistible mélange de tristesse et de rire. Un premier roman époustouflant et un grand coup de coeur.
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