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Contre les débordements lyriques, l'auteur impose la chair, les muscles et l'os.
C'est une poésie concrète qui sait pourtant convoquer l'univers jusque dans les plus infimes manifestations des deux éléments fondant l'humanité au sens de l'auteur : l'amour et la création, les deux étant d'ailleurs profondément interdépendants. L'amour est la condition de la vie, mais comme celle-ci, on le sait fini dès sa naissance. L'auteur nous donne à penser que l'on porte toujours le deuil de l'amour, causant une douleur constante, et c'est là la condition pour que la création puisse émerger des tréfonds.
Dès lors, la question soulevée par le recueil est limpide : lorsque le deuil de l'amour ne tardera plus à s'achever, qu'aucun nouvel élan n'est venu le remplacer, la douleur diminue insensiblement et affaiblit la création sans comburant désormais. Mais la création est tout autant indispensable à la survie de l'auteur que l'amour, or les deux disparaissent sous nos yeux !
Heureusement, le néant nouveau finit lui aussi par faire ressurgir la douleur qui seule maintient en vie la création, dans l'attente du nouvel amour. Au final, nous vivons une poésie de l'exorcisme, de la connaissance par les gouffres intérieurs et une cruelle lucidité.
Comme l'auteur, sa poésie n'est jamais en repos ou en contemplation : il s'agit ici encore, même dans l'apparence du renoncement, d'une épreuve physique et d'une guerre totale menée contre le confort, contre l'idée d'abdiquer l'amour ou la création, au prix d'un labeur de chaque instant.
V. Seghers.
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