"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un couple sans histoire, Laure et François Berteau. Leur fils adoptif, David, adolescent enjoué qui se pose des questions sur ses origines. Le père Georges Tellier, un prêtre qui s'arc-boute à sa foi, dans une Eglise qui s'étiole. Frédéric Nguyen, flic résolu à l'action et au silence, pour préserver sa vie privée. Hicham, que le goût du risque et de la frime finit par conduire en prison. Des remarques blessantes, de mauvaises rencontres. Une emprise croissante de l'islamisme et une colère de plus en plus radicale.
Et tout se précipite. Vers cette petite église d'un village du Sud-Ouest de la France, la tragédie attire comme un aimant explosif des hommes que rien ne prédestinait à se rencontrer.
Le sujet de La Grande Epreuve nous concerne tous. La violence peut surgir au coin de la rue, comme ce fut le cas pour le père Hamel assassiné dans son église de Saint-Etienne du Rouvray. Etienne de Montety s'en inspire librement, en romancier. Car ce que seul un roman peut nous faire comprendre, par son souffle, ses échos et son irrésistible accélération, c'est la dimension inéluctable de tels événements. Le courage, la prudence, la peur, l'amour ou le désarroi, rien ne pourra arrêter une religion devenue folle.
L'église Saint-Michel, dans un quartier de Brandes. A l'intérieur, le père George Tellier donne la messe devant un petit groupe de religieuses et quelques fidèles. Soudain Daoud et Hicham, deux hommes en djellabas, surgissent.
Le préambule rappelle évidemment l'assassinat du père Hamel dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray le 26 juillet 2016.
L'originalité du roman est de chercher à reconstituer le parcours des principaux acteurs du drame : David, enfant adopté par une famille chrétienne, qui deviendra Daoud le révolté, converti à l'Islam ; Frédéric, petit-fils d'un migrant vietnamien, enfant sans père qui a choisi la police ; Agnès, la jeune fille libérée, qui inexplicablement a choisi de devenir nonne ; Georges, l'instituteur devenu prêtre après la guerre d'Algérie ; Hicham, petit délinquant, enfant rebelle d'une famille marocaine plutôt bien intégrée...
L'auteur nous fait pénétrer dans ces vies par les faits, sans porter de jugement. Il n'explique pas, mais fournit les clés pour que chacun essaie de comprendre. Le sujet est sensible, mais il est traité avec pudeur pour ne pas risquer de blesser le lecteur.
C'est écrit simplement, sans recherche de fioriture ou d'effet de manche. L'alternance des personnages donne du rythme, de l'élan, à une narration qui aurait pu être monotone. Le livre, relativement court, se lit donc facilement.
Une très belle découverte.
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2022/09/09/la-grande-epreuve-etienne-de-montety-stock/
Il arrive qu’un roman exprime mieux qu’une thèse le malaise d’une société. C’est le cas du roman d’Étienne de Montety que l’Académie française a eu la lumineuse idée de récompenser.
Un terroriste, « made in France », n’est pas issu d’une génération spontanée mais d’un environnement qui l’a stigmatisé à force d’insultes et de regards mauvais. Pas besoin d’être islamo-gauchiste pour s’en alarmer. Mais cela ne suffit pas à l’absoudre, le bourreau n’est pas la victime de son vécu, ce serait trop facile, comme une plaidoirie d’avocat. Contre tout déterminisme, les personnages de ce roman font des libres choix.
L’Islam n’est pas soluble dans la République. La laïcité est née avec et contre l’Église catholique. L’Islam est étranger à ce compromis de départ, d’où les malentendus. Il a ses lois et sa résilience. L’auteur le montre bien en retraçant le parcours de deux gosses conduit à la radicalisation par leur trouble identitaire.
Étienne de Montety nous parle de foi. Foi en le Christ (Agnès et George), foi en l’Islam (Daoud et Hicham) ou foi en la Nation (Frédéric). Il le fait avec pertinence, sans tomber dans la caricature (malgré quelques dialogues un peu didactiques). Ce livre est un état des lieux des incompréhensions. Certains Français n’admettent pas que l’Islam puisse faire partie du quotidien (savez-vous que Jésus, Issa, est un prophète de l’Islam ?). Certains musulmans n’ont pas compris que la République a ses principes et qu’ils doivent s’y soumettre (savez-vous que la laïcité doit protéger les cultes ?). De ces minorités nait le conflit.
C’est un roman sur la connaissance de soi et sur l’acceptation du prochain. Mais toi, en quoi tu crois ? Est-il possible qu’un jour on se respecte, qu’elle que soit la réponse à cette question ?
Bilan :
Un roman sans pareils. Cet ouvrage soulève des questions pertinentes avec une grande finesse.
Ajoutez à cela la qualité d'écriture d'Etienne de Montety et vous obtenez un roman d'exception !
Profond malaise à la lecture de ce roman dérangeant, par ailleurs fort bien écrit. pas de jugement, des tentatives d'explications sur ce qui peut pousser un jeune apparemment sans histoire à se radicaliser, malaise profond d'une société dans laquelle il faut trouver sa place. Nommé pour le prix Renaudot des lycéens, je me demande comment nos jeunes vont percevoir ce roman.
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