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Pour chercher son père, qu il a quitté dix-sept ans plus tôt et dont il n a plus de nouvelles, Gibraltar revient à Trois-Plaines, son village natal. Le moins qu on puisse dire, c est qu il n y est pas le bienvenu. Dans ce décor désertique et caniculaire, alors que Gibraltar reconstruit pierre par pierre un phare en ruines érigé par son père au milieu d un pré, Emma, L Esquimau et Gibraltar recollent tour à tour les morceaux de leur histoire dans un village où l étrangeté est reine.
Ce premier roman me semble une réussite à bien des égards. L’ambiance y est à la fois dure, tendre et absurde, les personnages peu rationnels, et en même temps, le lecteur n’a aucun mal à accepter leur motivation, même quand ils semblent ne pas en avoir.
Le roman est raconté par trois personnages différents. Il ne s’agit pas de mettre en regard trois points de vue distincts sur les mêmes événements. Gibraltar raconte le présent, Emma, le passé, et l’Esquimau fait le lien, à sa manière, avec son regard d’étranger au village. Les différentes voix m’ont semblées très réalistes. Elles rendent à merveille la folie de ce village perdu au milieu de nulle part.
Car c’est bien de cela dont il s’agit, de la folie du père de Gibraltar, qui a eu tôt fait de devenir collective et d’attaquer les uns et les autres. Sous ses dehors de bourgade tranquille, le village pullule de non-dits, qui empoisonnent la vie des uns et des autres, et celle de Gibraltar, même s’il l’ignore encore lorsqu’il y arrive.
En définitive, ce livre regorge de qualités scénaristiques : richesse de la narration, instauration d’une véritable ambiance très no man’s land, le tout ponctué de personnages et d’anecdotes surréalistes, comme ce rhinocéros qui se balade en pleine nature.
Dans ce roman on découvre trois personnages : Gibraltar, le personnage principal, L'esquimau et Emma. Ces trois personnages sont tour à tour les narrateurs de ce roman qui alterne des chapitres ultra courts consacrés à chacun d'eux. Et c'est ce qui m'a fait refermer ce livre bien rapidement. J'ai trouvé que les chapitres étaient vraiment trop courts (3 ou 4 pages) pour se plonger réellement dans le récit du personnage concerné. A peine avais-je eu le temps de me familiariser avec un personnage que, hop, un nouveau chapitre apparaissait sur un autre personnage. Ainsi je n'ai pu vraiment me plonger dans l'histoire et ai refermé ce livre sans en avoir terminé la lecture.
Roman à trois têtes : trois narrateurs qui parlent à la première personne du singulier et qui racontent tour à tour, le présent et le passé du village. D'abord Gibraltar, puis un homme mystérieux que tous appellent l'Esquimau et enfin, Emma, la petite amie de Gibraltar lorsqu'ils étaient adolescents. Ces trois points de vue nous permettent de reconstruire l'histoire pièce à pièce, comme un puzzle. Trois narrateurs qui ne s'expriment pas de la même manière. L'Esquimau par exemple écrit plutôt "oralement", Emma parle "normalement" et Gibraltar est entre les deux, si bien, que même si le nom du narrateur n'était pas noté en tête de chapitre, on saurait aisément qui parle.
Drôlement bien bâti, le roman met à jour les faiblesses et les fêlures de ses héros, leurs questionnements existentiels et leurs errances. Les personnages sont blasés, n'attendent plus vraiment de surprise et de bonheur de la vie ; les leurs s'écoulent sans qu'il n'en profitent, accablés qu'ils sont par leur passé et leur difficulté à le surmonter. La résilience n'est pas le fond de commerce du bouquin. Néanmoins, malgré des personnages à la dérive, Christophe Ghislain réussit le tour de force de ne pas faire un roman noir opaque : des traits d'humour émaillent le récit ainsi que des situations extra-ordinaires, irréelles qui en deviennent même poétiques, comme par exemple, le souhait d'Arthur, le père de Gibraltar, de creuser un énorme trou pour faire venir la mer dans son désert et de construire un phare. Phare dont Gibraltar reprendra la construction en revenant à Trois-Plaines, ce qui ne facilitera pas ses rapports avec les habitants.
Et le rhinocéros me direz-vous ? Eh bien, il revient, très en colère pour finir cette histoire par des pages très belles, rapides qui sont pour moi les plus belles du bouquin. Une fin en apothéose donc pour un premier roman d'un jeune écrivain belge qui promet
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