"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ségurian, un village de montagne, quatre cents âmes, des chasseurs, des traditions. Guillaume Levasseur, un jeune homme idéaliste et déterminé, a décidé d'installer une bergerie dans ce coin reculé et paradisiaque. Un lieu où la nature domine et fait la loi. Accueilli comme une bête curieuse par les habitants du village, Guillaume travaille avec acharnement ; sa bergerie prend forme, une vie s'amorce. Mais son troupeau pâture sur le territoire qui depuis toujours est dévolu à la chasse aux sangliers. Très vite, les désaccords vont devenir des tensions, les tensions des vexations, les vexations vont se transformer en violence. «La certitude des pierres» est un texte tendu, minéral, qui sonde les âmes recroquevillées dans l'isolement, la monotonie des jours, l'hostilité de la montagne et de l'existence qu'elle engendre, la mesquinerie ordinaire et la peur de l'inconnu, de l'étranger. D'une écriture puissante, ample, poétique, Jérôme Bonnetto nous donne à voir l'étroitesse d'esprit des hommes, l'énigme insondable de leurs rêves, et l'immensité de leur folie.
«Le vent de Ségurian remonte le chemin Saint-Bernard et va se perdre tout en haut de la montagne, au-delà des forêts. C’est un vent tiède et amer comme sorti de la bouche d’une vieille, un souffle chargé de poussières de cyprès et d’olives séchées qui emporte avec lui les derniers rêves des habitants… » Dans ce roman rural construit comme une tragédie grecque, Jérôme Bonnetto raconte un conflit entre un berger et des chasseurs. Et livre une réflexion sur la place de l’autre au sein d’une communauté repliée sur elle-même.
Comme le fils prodigue, Guillaume Levasseur a choisi de partir pour découvrir le vaste monde, en travaillant notamment pour des ONG en Afrique. Le voici die retour à Ségurian, un petit village de montagne où il retrouve ses parents, Jacques et Catherine. «À aucun moment ils n’eurent l’idée de lui faire le moindre reproche. Guillaume était devenu un homme. Le verbe, surtout, avait changé. Il s’exprimait mieux, ses phrases coulaient dans une syntaxe ample que des mots précis et nuancés irisaient. Il était devenu un homme fin et fort tout à la fois.»
C’est là, dans ce village de 400 âmes qui «n'était pas un pays mais un jardin», qu’il entend s’installer en communion avec la nature et reprendre le métier de berger qui avait disparu au fil des ans.
Une initiative que les autochtones vont d’abord regarder avec indifférence avant de constater que ces moutons gênent leur loisir favori, la chasse. Désormais, ils sont entravés dans leurs battues, gênés par le troupeau. Guillaume sait qu’il a le droit avec lui et refuse de dégager. Mais que peut le droit face aux traditions solidement ancrées et à une histoire qui s’est cristallisée au fil des ans autour de la famille Anfosso? Leur entreprise de construction règne depuis des générations sur le village. Il suffit d’une visite au cimetière pour comprendre la manière dont la communauté fonctionne: «En dehors des Anfosso, on y trouvait quelques noms connus. Pastorelli, Casiraghi, Barral, Leonetti. Des familles bien de chez nous. Deux ou trois d’entre elles avaient fait les grandes guerres. On leur avait donné un emplacement à l’ombre sous des pierres lourdes et admirables. D’autres avaient défendu l’Algérie française. Allée principale, plein soleil. Chacun était à sa place et de la place, il y en avait pour tout le monde. Au fond dormait le caveau de la famille Levasseur. La pierre était lisse et fraîche, elle n’avait pas eu le temps de se polir, de faire des racines. On jurerait qu’elle sonne creux. Seulement une génération sous la terre. Une pièce rapportée, des estrangers, des messieurs de la ville comme on dit.»
Au fil des jours, le conflit s0envenime, les positions se figent. La Saint-Barthélemy, le jour de la fête du village célébrée 24 août, marquant le point d’orgue d’une guerre qui ne va pas restée larvée. Un mouton est retrouvé égorgé et il ne fait guère de doute sur l’origine de l’attaque. Mais Guillaume préfère minimiser l’affaire et se concentrer sur l’accroissement de son troupeau. «On continuait de se regarder de travers, des regards tendus comme une corde de pendu, mais – et c’était bien l’essentiel – on partageait la montagne, même si on le faisait un peu comme on séparerait le bon grain de l’ivraie. La vie poursuivait son cours.»
Construisant son roman comme une tragédie grecque, avec unité de lieu et même un chœur de femmes qui «s’ouvrait sur une étrange mélodie, tremblante, incertaine, comme le vol d’une chauve-souris en plein jour», Jérôme Bonnetto réussit à faire monter la tension page après page jusqu’à cet épilogue que l’on redoute. Ce roman est à la fois un traité de l’intolérance, une leçon sur les racines de la xénophobie et un conte cruel sur l’entêtement qui peut conduire au pire, mais c’est avant tout un bonheur de lecture.
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Après avoir beaucoup voyagé et fait de l'humanitaire, Guillaume Levasseur décide de revenir dans le village où se sont établis ses parents, Ségurian. Guillaume a décidé de devenir berger. Un projet de vie qui lui tient à coeur. Dans ce bourg de 400 âmes, au coeur des montagnes où la vie est immuable et les tradition bien ancrées, l'arrivée de ce néo-rural et de son projet un peu fou est d'abord regardé avec curiosité. On se moque même un peu de ce citadin qui veut travailler comme le faisait les anciens. Mais tout va s'envenimer quand certains vont se rendre compte que son troupeau pâture sur un espace dévolu à la chasse au sanglier. Guillaume et ses brebis commencent à énerver sérieusement ceux qui étaient là avant, ceux qui sont «vraiment» de Ségurian et qui par conséquent pensent avoir des droits face à «l'empêcheur de chasser en rond» . La guerre est déclarée.
Une histoire remarquable de tension et qui va s'étirer sur plusieurs années. On perçoit l'électricité dans les rapports humains, les crispations qui vont crescendo, la haine qui fait son nid. On ne sait pas ce qui va se passer mais on sent bien que rien de bon ne peut sortir de cette guerre de territoire. L'air pur de la montagne ne vous empêchera pas d'étouffer entre ces pages.
Un Jean de Florette revisité qui montre la vanité, l'égotisme, la puérilité des hommes.
Un roman dans lequel l'auteur saisi à merveille les mesquineries, les faiblesses et l'étroitesse d'esprit qui révèlent toute l'animalité qu'il peut y avoir dans l'être humain.
C'est rude, tendu, aride, un peu comme le scénario d'un western, et c'est bon.
C’est l’oeil goguenard et la raillerie aux lèvres que les habitants du petit village de Ségurian voient débarquer le jeune Guillaume Levasseur et son projet de bergerie. Les rires ne tardent toutefois pas à se faire grinçants lorsque les brebis de l’étranger se retrouvent à pâturer sur les pentes traditionnellement consacrées à la sacro-sainte chasse au sanglier. De coups de gueule en coups de dent et coups de feu, l’affrontement devient bientôt inévitable.
Toute l’originalité du roman vient du parti-pris de sa narration : l’auteur place d’emblée le lecteur à ses côtés, dans le rôle d’observateurs extérieurs venus se pencher avec une loupe ou une caméra sur les comportements aveugles d’hommes dominés par leurs peurs, leurs susceptibilités et leurs rancoeurs. Dès lors, c’est la folle et stupide démesure du fait divers que l’on voit peu à peu s’étaler, dans une escalade irrépressible qui tend le récit vers son dénouement forcément explosif.
La finesse d’observation et la psychologie de Jérôme Bonnetto lui permet de croquer des personnages plus vrais que nature, tels qu’on a l’impression de les avoir déjà plus ou moins rencontrés, en tout cas sous une forme approchante. Sans aucun effort d’imagination, le lecteur se retrouve immergé dans un terroir suffisamment vague pour que chacun le localise à sa guise, la seule indication de sa situation entre mer et montagnes permettant toutefois de faire sonner les dialogues avec l’accent du sud.
Cette histoire peut faire penser, fugitivement, à Jean de Florette ou aux romans de Franck Bouysse, mais ici, point d’émotion ni de lyrisme : derrière les phrases courtes et percutantes qui donnent rythme et muscle au récit, l’essentiel est la mécanique psychologique, implacablement disséquée avec une distanciation presque clinique, à moins que ce ne soit avec l’imperturbable certitude des pierres quant aux dérisoires conflits humains.
Si mes chroniques littéraires devaient un jour servir à quelque chose, eh bien ce serait à faire connaître des livres comme celui-ci. Car, oui, vraiment, ce roman est une splendeur et je pèse mes mots… Le récit tendu à l'extrême est servi par une écriture intense, sensuelle et poétique de toute beauté… Dès les premières lignes, on est saisi et l'on comprend que l'oeuvre que l'on commence à peine va nous emporter, nous tenir en haleine jusqu'au bout… Franchement, lisez-le, lisez-le, lisez-le… Je vais tenter de vous convaincre mais mes mots seront bien pauvres par rapport à la force de ce texte et à la puissance qui s'en dégage.
En fait, nous entrons dans un monde tragique où, d'une certaine façon, la règle des trois unités est parfaitement respectée : unité de temps, six années dont les tensions s'exacerbent autour d'une fête : la saint Barthélemy (24 août) où l'on déguste la traditionnelle soupe au pistou ; unité de lieu : un petit village du Sud, entre mer et montagne : Ségurian, quatre cents habitants ; unité d'action : un certain Guillaume Levasseur qui, après avoir baroudé à droite à gauche, arrive au village avec un projet bien précis en tête : construire de ses propres mains une bergerie et s'installer comme berger.
Seulement, Ségurian est depuis toujours une terre de chasseurs à la tête desquels règne la dynastie des Anfosso, notamment Joseph, l'aîné, chasseur de sangliers, bâtisseur de la quasi totalité des maisons du village, un gars du pays, un enraciné, un du cru à qui on n'impose rien, à qui on ne la fait pas. À qui on obéit. « Ségurian, un village de chasseurs donc, avec une grande famille de chasseurs et un chef chasseur. »
Alors évidemment, l'arrivée de ce néo-berger, de cet étranger, titille fortement le Joseph… Parce que, non content de s'installer sur une terre qui n'est pas la sienne, ce Guillaume en impose : il est beau, grand aussi… Mais pas seulement… Il est aussi courageux, déterminé, méthodique, bosseur acharné et en plus, il sait parler, il serait même un peu intello sur les bords… Il sait mener son projet à bien, en restant réglo avec la loi, tout lui sourit à ce gars...
« Au village, Joseph se moquait un peu du berger quand le berger n’était pas là, mais il lui fallait cacher en même temps une certaine admiration. Au fond de lui, il reconnaissait des valeurs communes – le travail, l’abnégation, la détermination – et subodorait tout à la fois d’autres qualités qu’il craignait de ne pas avoir. Le berger dérangeait l’ordre des choses. Il redistribuait les cartes. »
Et ses premières bêtes, de belles bêtes, triées sur le volet et avec amour, une cinquantaine de moutons et de brebis, paissent tranquillement dans la montagne comme si elles étaient chez elles…
Insupportable pour le gars Joseph, vraiment insupportable… D'autant que la bergerie du gars Guillaume, elles est juste au-dessus de la maison de Joseph… Elle domine en quelque sorte...
Il y en a bien eu un berger au village, un certain Jacquou, mais ça fait des lustres qu'il est mort, on n'en parle plus… Alors, qu'est-ce qu'il vient faire là, ce type, pour qui il se prend ?
Il va falloir qu'il les range, ses bestioles parce que les chiens pourraient bien, par accident hein, bien sûr, en saisir une ou deux à la gorge, comme ça, en passant, histoire que le berger comprenne qu'il n'est pas chez lui... Ça ferait mauvais effet tout ce rouge sang sur la blancheur immaculée de la bête… (Ceux qui connaissent ma passion pour Un Roi sans divertissement de Giono sauront à quel point ces contrastes me saisissent...)
Deux mondes, des valeurs opposées, des incompréhensions mutuelles, des tensions terribles…
Vous verrez : tandis que les clans s'affrontent dans un silence plein de haine, de détestation et de fureur, le choeur des villageois essaie tant bien que mal de maintenir une paix devenue impossible, cependant que le fou du village annonce, à travers d'étranges paroles sibyllines et prophétiques, des choses imminentes que l'on sent redoutables…
L'écriture à la fois imagée et réaliste, poétique et crue, sensuelle et âpre dit parfaitement la folie et la bêtise des hommes, leur impossibilité de calmer leur passion, leur jalousie, leur haine au point de redevenir des brutes, des sauvages, des bêtes.
Un roman noir, très noir...
Un IMMENSE coup de coeur, un très très grand texte que vous pouvez, à défaut du format papier, vous procurer dès à présent (comment attendre?) en epub sur le site des éditions Inculte. Vous allez vraiment être saisi par ce roman et vous régaler, allez, allez, foncez !
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