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Ce livre ouvre sur un portrait photographique de John Reitz et le ton est donné : celui d'un peintre malin, plein d'humour et de créativité. Quelque chose de « baconien », dans cette photo, la manière de se plier à la pose, à moins qu'il ne se la soit lui-même imposée. Un décalage immédiat, une envie de jouer. Que l'on retrouve dans toute son oeuvre.
On a affaire à un artiste rayonnant. De ceux qui ne prétendent rien cependant, se méfient de toute pose, ce qui explique probablement pourquoi John Reitz a passé entre les mailles du temps. Personne ne le connaît. Ils sont ainsi plusieurs, à Genève, peut-être faut-il mettre ce constat sur le compte de la culture ambiante ; ici, toute exposition tapageuse, jusqu'à il y a peu, était vécue comme suicidaire.
Au coeur même du réalisme - avec cette sculpture Jeune femme nue à genoux mains nouées derrière le dos, dans une singulière position d'attente ; ce dessin de la Dame au chapeau, dont les traits débordent audacieusement du cadre ; ou encore cette encre de Chine de La poule, dont le trait anticonformiste ferait hurler l'Académie - nombreux sont les sujets de Reitz annonçant la rébellion discrète.
Il n'est guère étonnant que dans la foulée de ce réalisme trompeur John Reitz se soit essayé au constructivisme. Encore moins qu'il nous surprenne en s'y jetant avec un art consommé du contre-pied : le mécanisme de ses complications semble comme broyé lui-même par l'extraordinaire luminosité dont il parvient à les affubler, coupant l'herbe sous le pied à tout discours pragmatique.
L'homme John Reitz n'est plus là, mais son oeuvre est si vivante ! Enseignant sur le tard à l'Ecole des Arts décoratifs de Genève, il fera une incursion dans le monde de la mode qui montre à quel point il n'en était pas dupe. Son génial paravent triptyque art déco fait un sort définitif au constructivisme et son esquisse de portrait de la chanteuse Marie Dubas décoche un sourire qui nous ramène au sien propre, dans la première photo de lui évoquée en début de ce texte. Un artiste, comme l'écrivent pertinemment Tamara et Olivier Veyrat, «à la posture modeste. Mais qui ne doit pas empêcher chacune et chacun de se replacer selon son désir dans le mouvement général de l'art ».
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