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Hôtel Z s'ouvre sur une scène d'adieu : au cours des derniers jours d'une paix relative à Vukovar, ville croate martyrisée par le siège de l'armée yougoslave en 1991, deux enfants partent avec leur mère en vacances d'été, le père restant pour garder la maison. Cinq ans plus tard, et au terme de ce roman d'apprentissage, la même famille peine encore à combler l'absence du père, introuvable, et à redonner du sens à sa vie déplacée. On a suivi ces trois personnages dans leur longue et souvent humiliante déambulation (la côte dalmate, la province croate, Zagreb), et leur difficile reconquête de soi.
Ivana Simi? Bodroic puise dans sa propre expérience, qu'elle transcende poétiquement en choisissant la perspective de la petite fille. Par le biais de micro-événements savamment choisis, par une exploration distancée du quotidien, par l'apprentissage finalement universel de l'adolescence qui est l'âge de toutes les premières fois, nous est donnée une étude clinique, précise - définitive, écrit Miljenko Jergovi? dans un texte élogieux - de toute une époque troublante.
Et puis soudain, à la faveur d'une première cuite, le texte bascule, la narratrice entreprend une description de combats d'une violence extrême, qui laisse le lecteur abasourdi. Mort imaginée du père ? Mort parmi tant d'autres peuplant la conscience de la toute jeune fille, qui révèle l'ampleur de la blessure cachée dans le style dépouillé, sans aucune trace d'aigreur.
À la toute fin, la narratrice, à l'orée de l'âge adulte, se dit : Arrête, arrête tout de suite ! Tout ça c'est dans ta tête. Des pensées, des idées, rien de plus, rien qui puisse te faire mal. Respire, respire, lentement, profondément. C'est facile, tu vois bien.
Une des grandes forces de ce roman c'est le désir qu'il suscite chez le lecteur de faire sortir ce beau personnage de son apnée prolongée. Mais cette empathie immédiate qui saisit dès les premières pages s'origine aussi dans l'humour tour à tour espiègle, féroce, boudeur, désespéré, potache. qui irrigue le récit, coloriant son propre néoréalisme. Car Ivana Simi? Bodroic ne connaît pas la complaisance. Au tragique, elle préfère toujours la vie.
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