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En cette nuit du 18 juin, sur le mont Valérien, l'Ifon 11 du jeune François-Joseph de la Fistinière est fin prêt à filmer son propriétaire dans une position attentatoire à l'honneur de sa famille de militaires. Afin d'enrayer la propagation virale de la vidéo, le patriarche appelle au secours son fils illégitime, patron de la firme Opié, elle-même conceptrice de l'Ifon et numéro un européen de l'énergie. À La Défense, la tour Opié s'éveille : Samia, l'hôtesse d'accueil, prend son poste au rez-de-chaussée ; au trente-sixième étage, le technocadre Kevin Klein convoque toute son habileté informatique pour maquiller la baisse dangereuse des stocks de tantale nécessaires au grand dessein de l'entreprise.
À l'autre bout de la planète, en Iamalie, d'étranges aurores boréales plongent dans l'inquiétude une tribu de Kètes. À Cuzco, Pérou, on inaugure l'Horloge du Sud : il s'agit d'en finir avec l'impérialisme occidental et de s'approprier le temps qui, à l'image des saisons, s'égrènera désormais à l'inverse de l'hémisphère nord.
Plutôt que de se lamenter sur ce monde qui va à sa perte, sur fond de course effrénée au profit, d'inégalités sociales vertigineuses et de désastres écologiques, le romancier s'invente démiurge. Décidant, lui aussi, d'inverser le processus, il embarque son lecteur éberlué dans une ébouriffante utopie.
Les victimes d'hier se réapproprient leur destin : tandis que, dans les Andes, les terres minières reverdissent, deux licenciés d'Opié (dont notre Franjo), ayant rejoint la ZAD de Cadarache, trouvent le moyen de faire imploser la toute-puissance capitaliste ; la vie de Samia, elle, a changé depuis sa rencontre, lors de la Gay Pride, avec Yaqut, dont la défense d'un islam de paix et de lumière l'a convaincue de s'engager à ses côtés dans un djihad... de l'amour ; quant à Tyapsa, la seule survivante de la tribu de Kètes, on la retrouvera, après bien des tribulations, figure centrale d'un final libertaire, burlesque et transgressif.
C'est un vibrant éloge au pouvoir de la fiction que cet éblouissant roman-monde, mené tambour battant par un écrivain qui jamais ne doute de la capacité de ses personnages d'aller au bout de leurs désirs.
Un iman homosexuel réussissant à réinventer l'islam, une catastrophe écologique burlesque, un attentat urologique au mont Valérien, des zadistes allumés, des trolls russes, un Phone devenu fou et... c'est toute la planète qui s'emballe. Un roman visionnaire, malin et drôle.
Vincent Borel, l'auteur de "Fraternels" s'est posé devant les journaux, a lu et regardé le monde tel qu'on arrive à se le représenter dans le prisme d'articles divers et variés. De ce magma d'informations loin d'être rassurantes, il a fermé ses yeux de créateur et s'est imaginé ce que ces fous furieux d'intégristes religieux, ces esclaves des nouvelles technologies, ces grands chefs d'entreprises cyniques, ces industriels qui pillent notre planète allaient pouvoir devenir dans une bonne décennie. Et comme il se refuse de céder au pessimisme, ce vraisemblable adepte du siècle des lumières a imaginé un avenir qui ne chante pas forcément mais où quelques humains arrivent à avoir un sursaut de bon sens, voire d'humanité. Bienvenue dans 550 pages d'anticipation romanesque échevelées.
"Fraternels" est un roman choral. Nous suivrons plusieurs destins dans un monde trouble, dangereux, en proie à un consumérisme porté à son paroxysme. Mais une sorte de chaos pointera son nez, remettant presque les compteurs à zéro. Notre conteur lui s'en donne à coeur joie, jouant comme un démiurge rigolo à faire vivre ses personnages avec autant de brio que d'acuité. Car derrière une inventivité à toute épreuve, se glisse une très belle réflexion sur notre monde, qui si l'on n'y prend pas garde, risque de tourner comme il le prédit. Mais, la vie n'est pas un roman, ou alors noir. Plutôt que de sombrer dans une sinistrose trop contemporaine, Vincent Borel, fabuliste joyeux, espère des hommes de bonne volonté, qui dévieront ce chemin, aidés à la fois par leur bon sens, leur part de mysticisme et la science. Le roman a du souffle, même si la partie sud américaine accroche moins, et que parfois l'envie de brosser des décors fantastiques ralentit un peu le déroulé du récit. J'ai tourné les pages avec gourmandise. L'émerveillement, les surprenants rebondissements, l'inventivité très maîtrisée et quasi plausible de l'ensemble m'ont épaté.
Si l'anticipation ne vous fait pas peur, si vous aimez que l'on vous raconte des histoires originales, crues, pertinentes, si vous aimez aussi que l'on mette en perspective cette avalanche d'informations qui envahissent vos smartphones ou tablettes, coupez tout ! Posez-vous dans un fauteuil, un lit, une plage et ouvrez "Fraternels", car en plus d'un beau titre, vous découvrirez une fantaisie politico/religieuse intense.
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